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05/05/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0036.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 mai 2020, P.20.0036.N


N° P.20.0036.N
M. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Karolien Van de Moer, avocat au barreau d'Anvers,
contre
G. R., q.q. MONEYTELL, société privée à responsabilité limitée,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque sept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Alain Win

ants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
[...]
Sur le premier moyen :
[...]
Quant à la deuxième branche :...

N° P.20.0036.N
M. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Karolien Van de Moer, avocat au barreau d'Anvers,
contre
G. R., q.q. MONEYTELL, société privée à responsabilité limitée,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque sept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
[...]
Sur le premier moyen :
[...]
Quant à la deuxième branche :
5. Le moyen, en cette branche, est pris de la méconnaissance de la présomption d'innocence et de la règle relative à la charge de la preuve en matière pénale : l'arrêt considère que, s'il apparaît en cas de faillite qu'il n'existe pas de comptabilité ou pas de comptabilité complète et que le gérant est dans l'impossibilité de justifier la disparition d'éléments d'actif, le juge peut en déduire la preuve par présomptions que le gérant est coupable de l'infraction consistant dans le détournement d'actifs de la faillite ; ensuite, l'arrêt déclare le demandeur coupable du chef de la prévention A, dès lors qu'il ne fournit aucune explication ou justification, ou aucune qui soit vraisemblable, concernant l'absence des éléments d'actifs de la s.p.r.l. Moneytell visés sous cette prévention ; cependant, le juge ne peut déclarer un prévenu coupable de l'infraction de détournement d'actifs pour la seule raison que celui-ci, en tant que gérant d'une société en faillite, ne peut justifier la disparition d'éléments d'actif, surtout lorsque le juge pénal ne constate aucun agissement du gérant en relation avec les éléments d'actif manquants ; l'existence de l'ensemble des éléments constitutifs de cette infraction, y compris l'élément moral, ne peut davantage être établie par la « preuve par absence de justification » ; cette preuve doit être rapportée par le ministère public.
6. Lorsque la loi n'établit pas de mode spécial de preuve, le juge pénal apprécie souverainement la valeur probante des éléments qui lui sont régulièrement soumis et que les parties ont pu contredire. Il peut tenir compte à cet égard de toutes les présomptions de fait qui suscitent dans son chef l'intime conviction de la culpabilité du prévenu. Ce faisant, le juge, qui constate au regard de la dernière comptabilité disponible d'une société en faillite que certains éléments d'actif lui appartenaient avant la faillite, peut demander au gérant chargé de la gestion de cette société de fournir une justification plausible de la disparition de ces éléments d'actif après la faillite. À défaut, le juge peut considérer sur la base de présomptions de fait que ce gérant a détourné ces éléments d'actif avec l'intention requise au sens de l'article 489ter, 1°, du Code pénal, sans devoir constater un quelconque agissement de la part du gérant concernant ces éléments d'actif. Ainsi, le juge n'a méconnu ni la présomption d'innocence ni une quelconque règle relative à la charge de la preuve en matière pénale.
Déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
7. L'arrêt fixe la date réelle de la faillite de la société privée à responsabilité limitée Moneytell au 31 janvier 2014. Il fonde la déclaration de culpabilité du demandeur du chef de la prévention A pour la période comprise entre le 31 janvier 2014 et le 7 avril 2015 (date du jugement de faillite) sur les motifs énoncés en cette branche du moyen, ainsi que sur les motifs suivants :
- il ressort du mémoire de faillite déposé par le défendeur que les derniers comptes annuels clôturés au 30 septembre 2013 faisaient état d'un actif d'un peu plus de 35.000 euros ;
- selon la cour d'appel, il est établi que cet actif n'est plus disponible et a disparu au cours de la période visée ;
- le mémoire de faillite déposé par le défendeur fait également apparaître que, durant les mois de mai, juin et juillet 2014, la société a acquis des biens pour un montant total de 7.187 euros, qui ne peuvent être mis en relation avec l'exploitation opérationnelle de la société privée à responsabilité limitée Moneytell ;
- en tout état de cause, le défendeur n'a pu déceler la présence de ces biens, quand bien même ceux-ci seraient liés à la gestion de la société ;
- devant le premier juge, le demandeur n'a pas été en mesure de fournir des explications sensées concernant cette situation et n'a pas davantage apporté d'éclaircissements ou de justification devant la cour d'appel ;
- à la lumière de ces circonstances, la cour d'appel a estimé qu'il est établi que les éléments d'actif visés ont été détournés ou dissimulés et que des actes ont été posés en vue de nuire aux créanciers et que ces agissements ont ainsi été perpétrés avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire.
Ainsi, la décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
[...]
Sur le deuxième moyen :
16. Le moyen est pris de la violation de l'article 489bis, 1°, du Code pénal : l'arrêt déclare établie l'infraction liée à l'état de faillite consistant en l'utilisation de moyens ruineux pour se procurer des fonds, par le défaut de paiement des créanciers patients que sont l'Office national de sécurité sociale et l'administration des contributions directes (prévention B) durant une période comprise entre le 31 janvier 2014 et le 7 avril 2015 ; cette infraction constitue une infraction instantanée, qui est consommée à partir du moment où la dette certaine et exigible n'a pas été payée dans l'intention de retarder la déclaration de faillite ; si l'arrêt mentionne la date limite à laquelle les dettes envers l'administration des contributions directes devaient être payées, ce n'est pas le cas des dettes à l'égard de l'Office national de sécurité sociale ; ainsi, l'arrêt considère cette infraction liée à l'état de faillite, consistant en un défaut de paiement de dettes, comme une infraction continue qui se perpétue jusqu'à la date à laquelle la faillite de la société a été prononcée.
17. En l'absence de défense présentée en ce sens, le juge qui déclare un prévenu coupable de l'infraction visée à l'article 489bis, 1°, du Code pénal, laquelle consiste en un défaut de paiement de dettes, ne doit pas préciser le moment auquel ces dettes sont payables. Il ne peut se déduire de l'imprécision de ce moment ni du fait que l'infraction visée est déclarée établie durant une période comprise entre deux dates que le juge considère l'infraction comme une infraction continue.
Déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
[...]
Sur l'étendue de la cassation :
46. La cassation de la décision sur le principe de responsabilité en ce qui concerne la décision rendue sur l'action civile, en tant que celle-ci se fonde sur les préventions D et E, entraîne celle de l'ensemble de la décision prononcée sur l'action civile concernant ces préventions, même si le pourvoi formé par le demandeur est partiellement irrecevable.
Le contrôle d'office
47. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il condamne le demandeur à une indemnité définitive du chef de la prévention D et à une indemnité provisionnelle du chef de la prévention E ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur à neuf dixièmes des frais ;
Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu'il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Sidney Berneman et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq mai deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0036.N
Date de la décision : 05/05/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

Lorsque la loi n'établit pas de mode spécial de preuve, le juge pénal apprécie souverainement la valeur probante des éléments qui lui sont régulièrement soumis et que les parties ont pu contredire et il peut tenir compte à cet égard de toutes les présomptions de fait qui suscitent dans son chef l'intime conviction de la culpabilité du prévenu; ce faisant, le juge, qui constate au regard de la dernière comptabilité disponible d'une société en faillite que certains éléments d'actif lui appartenaient avant la faillite, peut demander au gérant chargé de la gestion de cette société de fournir une justification plausible de la disparition de ces éléments d'actif après la faillite et à défaut, le juge peut considérer sur la base de présomptions de fait que ce gérant a détourné ces éléments d'actif avec l'intention requise au sens de l'article 489ter, 1°, du Code pénal, sans devoir constater un quelconque agissement de la part du gérant concernant ces éléments d'actif et sans méconnaître ainsi la présomption d'innocence ni une quelconque règle relative à la charge de la preuve en matière pénale (1). (1) A. DE NAUW,« Inleiding tot het bijzonder strafrecht », Kluwer, 2010, 6e édition revue, 336-338.

FAILLITE ET CONCORDATS - INFRACTIONS EN RELATION AVEC LA FAILLITE. INSOLVABILITE FRAUDULEUSE - Code pénal, article 489ter, 1° - Détournement d'actifs - Preuve - Présomptions - Portée - Conséquence - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Présomptions - Infractions en relation avec la faillite et insolvabilité frauduleuse - Code pénal, article 489ter, 1° - Détournement d'actifs - Portée - Conséquence - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Charge de la preuve. Liberté d'appréciation - Infractions en relation avec la faillite et insolvabilité frauduleuse - Code pénal, article 489ter, 1° - Détournement d'actifs - Présomptions - Portée - Conséquence - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Preuve littérale - Valeur probante - Comptabilité - Infractions en relation avec la faillite et insolvabilité frauduleuse - Code pénal, article 489ter, 1° - Détournement d'actifs - Présomptions - Portée - Conséquence - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - Présomption d'innocence - Infractions en relation avec la faillite et insolvabilité frauduleuse - Code pénal, article 489ter, 1° - Détournement d'actifs - Présomptions - Portée - Conséquence - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND

En l'absence d'une défense présentée en ce sens, le juge qui déclare un prévenu coupable de l'infraction visée à l'article 489bis, 1°, du Code pénal, laquelle consiste en un défaut de paiement de dettes, ne doit pas préciser le moment auquel ces dettes sont payables; il ne peut se déduire de l'imprécision de ce moment ni du fait que l'infraction visée est déclarée établie durant une période comprise entre deux dates que le juge considère l'infraction comme une infraction continue (1). (1) Voir Cass. 25 novembre 2003, RG P. 03.0482.N, Pas. 2003, n° 594, d'où il suit que l'infraction sanctionnée par l'article 489bis, 1°, du Code pénal est une infraction instantanée - voir A. DE NAUW,« Inleiding tot het bijzonder strafrecht », Kluwer, 2010, 6e édition revue, 334-336.

FAILLITE ET CONCORDATS - INFRACTIONS EN RELATION AVEC LA FAILLITE. INSOLVABILITE FRAUDULEUSE - Code pénal, article 489bis, 1° - Défaut de paiement de dettes - Moment auquel les dettes sont payables - Précision - Portée - Conséquence - INFRACTION - ESPECES - Infraction instantanée. Infraction continuée. Infraction continue - Infractions en relation avec la faillite et insolvabilité frauduleuse - Code pénal, article 489bis, 1° - Défaut de paiement de dettes - Moment auquel les dettes sont payables - Précision - Portée - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-05-05;p.20.0036.n ?

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