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03/03/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1045.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mars 2020, P.19.1045.N


N° P.19.1045.N
MAXCONSULT LTD,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Daan De Backer, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la

violation des articles 14 de la Constitution, 2 du Code pénal et 5 de la loi du 5 mars 2002 conc...

N° P.19.1045.N
MAXCONSULT LTD,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Daan De Backer, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 14 de la Constitution, 2 du Code pénal et 5 de la loi du 5 mars 2002 concernant les conditions de travail, de rémunération et d'emploi en cas de détachement de travailleurs en Belgique et le respect de celles-ci, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère : l'arrêt déclare, à tort, la demanderesse coupable du chef des préventions C et D dès lors que les faits mis à sa charge n'étaient pas punissables au cours de la période infractionnelle ; en sa qualité d'employeur étranger, la demanderesse ne pouvait être tenue de respecter les barèmes salariaux fixés par des conventions collectives qui n'avaient pas encore été rendues obligatoires pendant la période concernée et dont le non-respect n'était donc pas passible de sanctions pénales ; en effet, lorsque le non-respect d'une convention collective n'est pas sanctionné pénalement, l'employeur étranger n'est pas tenu de respecter celle-ci ; le fait qu'une convention collective de travail soit rendue applicable avec effet rétroactif n'implique pas que les infractions à celle-ci puissent être sanctionnées de manière rétroactive ni, par conséquent, que l'employeur étranger ait l'obligation de respecter les normes salariales qui y sont prévues.
2. L'arrêt ne déclare pas la demanderesse coupable du non-paiement de rémunérations conformes aux barèmes fixés par une convention collective de travail et applicables avec effet rétroactif, mais il la déclare coupable du non-paiement des arriérés de rémunération au moment où ceux-ci sont devenus exigibles par le fait que la convention collective de travail concernée a été rendue obligatoire.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
3. Aux termes de l'article 28 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, la convention conclue au sein d'un organe paritaire peut être rendue obligatoire par le Roi, à la demande de l'organe ou d'une organisation représentée au sein de celui-ci.
L'article 31 de la loi du 5 décembre 1968 dispose que la convention rendue obligatoire lie tous les employeurs et travailleurs qui relèvent de l'organe paritaire et dans la mesure où ils sont compris dans le champ d'application défini dans la convention.
Aux termes de l'article 32 de la loi du 5 décembre 1968, l'arrêté royal rendant obligatoire la convention a effet à partir de la date d'entrée en vigueur de celle-ci. En aucun cas cependant il ne peut rétroagir plus d'un an avant sa publication.
4. Il résulte de ces dispositions que, d'une part, à partir du moment où une convention collective de travail est rendue obligatoire par arrêté royal, l'employeur est tenu de respecter les barèmes fixés par celle-ci dès l'entrée en vigueur de cette convention collective, sans que la période de rétroactivité de cette obligation puisse excéder un an à dater de la publication dudit arrêté royal, et que, d'autre part, les arriérés de rémunération éventuels sont exigibles dès l'entrée en vigueur de cet arrêté royal.
5. Aux termes de l'article 5, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 5 mars 2002 concernant les conditions de travail, de rémunération et d'emploi en cas de détachement de travailleurs en Belgique et le respect de celles-ci, l'employeur qui occupe en Belgique un travailleur détaché est tenu de respecter, pour les prestations de travail qui y sont effectuées, les conditions de travail, de rémunération et d'emploi qui sont prévues par des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, sanctionnées pénalement.
Conformément à l'article 5, § 1er, alinéa 2, première phrase, de la loi du 5 mars 2002, on entend par conditions de rémunération, les rémunérations, avantages et indemnités dues en vertu des conventions collectives de travail, rendues obligatoires par le Roi conformément à la loi du 5 décembre 1968, à l'exclusion des contributions à des régimes complémentaires de retraite professionnels.
L'article 52, alinéa 1er, de la loi du 5 décembre 1968 précise que les infractions aux dispositions de ladite loi et de ses arrêtés d'exécution sont sanctionnées conformément au Code pénal social.
Aux termes de l'article 162, alinéa 1er, 1°, du Code pénal social, est puni d'une sanction de niveau 2, l'employeur, son préposé ou son mandataire qui n'a pas payé la rémunération du travailleur ou ne l'a pas payée à la date à laquelle elle est exigible.
6. Il résulte de ces dispositions que l'employeur qui occupe en Belgique un travailleur détaché est tenu, pour les prestations de travail rémunérées en application de barèmes fixés par convention collective de travail, de payer les éventuels arriérés de rémunération exigibles en vertu d'une convention collective de travail rendue obligatoire, et que le non-paiement de ces arriérés est punissable.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
(...)
Le contrôle d'office
9. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
(...)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Peter Hoet, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du trois mars deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Peter Hoet, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1045.N
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Droit du travail

Analyses

Il résulte des dispositions des articles 28, 31 et 32 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires que, d’une part, à partir du moment où une convention collective de travail est rendue obligatoire par arrêté royal, l’employeur est tenu de respecter les barèmes fixés par celle-ci à dater de l’entrée en vigueur de cette convention collective, sans que la période de rétroactivité de cette obligation puisse excéder un an à compter de la publication dudit arrêté royal, et que, d’autre part, les arriérés de rémunération éventuels sont exigibles dès l’entrée en vigueur de cet arrêté royal.

CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL - Loi du 5 décembre 1968 - Articles 28, 31 et 32 - Force obligatoire - Conséquence - Barèmes salariaux - Respect - Moment - Portée - Conséquence - Loi du 5 décembre 1968 - Articles 28, 31 et 32 - Force obligatoire - Arriérés de rémunération - Exigibilité - Moment - Portée - Conséquence [notice1]

Il résulte des dispositions des articles 5, § 1er, alinéas 1er et 2, de la loi du 5 mars 2002 concernant les conditions de travail, de rémunération et d'emploi en cas de détachement de travailleurs en Belgique et le respect de celles-ci, 52, alinéa 1er, de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, 162, alinéa 1er, 1° du Code pénal social, que l’employeur qui occupe en Belgique un travailleur détaché est tenu de payer, pour les prestations de travail rémunérées en application de barèmes fixés par convention collective de travail, les éventuels arriérés de rémunération exigibles en vertu d’une convention collective de travail rendue obligatoire, et que le non-paiement de ces arriérés est punissable.

REMUNERATION - PROTECTION - Travailleur détaché - Arriérés de rémunération - Exigibilité - Non-paiement - Portée - Conséquence - CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL - Loi du 5 décembre 1968 - Article 52 - Dispositions pénales - Travailleur détaché - Arriérés de rémunération - Exigibilité - Non-paiement - Portée - Conséquence [notice3]


Références :

[notice1]

L. du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires - 05-12-1968 - Art. 28, 31 et 32 - 01 / No pub 1968120503

[notice3]

L. du 5 mars 2002 - 05-03-2002 - Art. 5 - 30 / No pub 2002012455 ;

L. du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires - 05-12-1968 - Art. 52 - 01 / No pub 1968120503 ;

L. du 6 juin 2010 - 06-06-2010 - Art. 162, al. 1er, 1° - 06 / No pub 2010009589


Composition du Tribunal
Président : HOET PETER
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-03-03;p.19.1045.n ?

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