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03/03/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1021.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mars 2020, P.19.1021.N


N° P.19.1021.N
M. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
contre
C. D. C. D. L.,
partie civile,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 18 septembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 24 février 2020, l'avocat général Alain Winants a déposé des conclusions au greffe.
À l'audience du mardi 3 mars 2020,

le conseiller Erwin Francis a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA ...

N° P.19.1021.N
M. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
contre
C. D. C. D. L.,
partie civile,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 18 septembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 24 février 2020, l'avocat général Alain Winants a déposé des conclusions au greffe.
À l'audience du mardi 3 mars 2020, le conseiller Erwin Francis a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 496 du Code pénal : l'arrêt déclare le demandeur coupable de l'infraction d'escroquerie, dont l'objet était la remise par la défenderesse de montants de 7.500 euros et 25.000 euros, soit d'un montant total de 32.500 euros (prévention A) ; pour déclarer cette infraction établie, il est nécessaire de constater que la remise desdits montants a un caractère translatif de propriété ; il n'est pas satisfait à cette condition lorsque la remise des sommes d'argent par la défenderesse au demandeur était uniquement destinée à le mettre en possession de celles-ci afin qu'il les affecte à la réalisation d'une prestation déterminée, à sa demande et pour son compte ; en ce cas, en effet, il n'est nullement question de remise, délivrance ou appropriation de l'argent ; il ressort des constatations de l'arrêt que la défenderesse a remis les montants précités au demandeur dans le but précis de créer une société tunisienne et d'obtenir un prêt islamique, que le demandeur a créé cette société en utilisant la somme de 7.500 euros qui lui a été remise à cette fin et qu'il a demandé le prêt ; ainsi, l'arrêt ne constate pas que la remise desdits montants avait un caractère translatif de propriété et ne peut condamner le demandeur du chef d'escroquerie ; à tout le moins, les motifs de l'arrêt ne permettent pas à la Cour d'exercer son contrôle de légalité.
2. L'infraction d'escroquerie requiert l'intention, dans le chef de son auteur, de s'approprier de manière frauduleuse la chose d'autrui afin d'en disposer, l'utilisation de moyens frauduleux pour y parvenir et la remise ou la livraison consécutive du bien, dont découle un préjudice pour la victime. L'infraction est consommée dès que l'auteur est parvenu à se faire remettre ou livrer le bien.
3. L'escroquerie ayant pour objet la remise de sommes d'argent ne requiert pas le transfert de la propriété de celles-ci. Elle nécessite toutefois que son auteur, quelle que soit la nature formelle de son titre, voie son intention frauduleuse se concrétiser dans les faits en obtenant un accès libre et illimité auxdites sommes au moment de leur remise. Ainsi, l'auteur peut convaincre la victime de lui remettre des sommes d'argent par le recours à des manœuvres frauduleuses, la victime pensant réaliser un simple transfert de la possession précaire de celles-ci en vue de l'exécution d'une convention telle un mandat alors que l'auteur a l'intention, dès le départ, d'en disposer sans limitation. Le fait que l'auteur ait initialement consacré les montants à l'exécution de la convention ou qu'il ne se soit pas approprié la totalité de ceux-ci n'est pas déterminant. Cette circonstance n'exclut ni l'intention de l'auteur ni l'appropriation par celui-ci.
Déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
4. La violation alléguée de l'article 149 de la Constitution procède de cette prémisse juridique erronée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
5. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 496 du Code pénal : en constatant que le demandeur a effectivement fondé la société tunisienne avec la somme de 7.500 euros mise à disposition par la défenderesse, l'arrêt ne décide pas légalement que le demandeur s'est approprié la somme en question, s'agissant à tout le moins de l'intégralité de celle-ci.
6. Dans la mesure où il est déduit de l'illégalité vainement invoquée dans la première branche, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
7. L'arrêt considère, entre autres, que :
- le capital social de cette société n'était que de 20.000 dinars tunisiens au lieu des 30.000 convenus ;
- les montants transférés par la défenderesse semblent avoir disparu sans laisser de trace peu de temps après, ce qui montre que, dès le départ, le demandeur avait l'intention de lui soutirer des fonds ;
- le fait que la société tunisienne ait été créée est sans incidence à cet égard.
Par ces motifs, dont ressortent l'intention du demandeur et le fait qu'il s'est approprié les montants remis par la défenderesse, la décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
8. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Peter Hoet, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du trois mars deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Peter Hoet, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1021.N
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

L'infraction d'escroquerie requiert l'intention, dans le chef de son auteur, de s'approprier de manière frauduleuse la chose d'autrui afin d'en disposer, l'utilisation de moyens frauduleux pour y parvenir et la remise ou la livraison consécutive du bien, dont découle un préjudice pour la victime, et l'infraction est consommée dès que l'auteur est parvenu à se faire remettre ou livrer le bien (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

ESCROQUERIE - Eléments constitutifs [notice1]

L'escroquerie ayant pour objet la remise de sommes d'argent ne requiert pas le transfert de la propriété de celles-ci mais nécessite que son auteur, quelle que soit la nature formelle de son titre, voie son intention frauduleuse se concrétiser dans les faits en obtenant un accès libre et illimité auxdites sommes au moment de leur remise; ainsi, l'auteur peut convaincre la victime de lui remettre des sommes d'argent par le recours à des manoeuvres frauduleuses, la victime pensant réaliser un simple transfert de la possession précaire de celles-ci en vue de l'exécution d'une convention telle un mandat alors que l'auteur a l'intention, dès le départ, d'en disposer sans limitation, et le fait que l'auteur ait initialement consacré les montants à l'exécution de la convention ou qu'il ne se soit pas approprié la totalité de ceux-ci n'est pas déterminant, cette circonstance n'excluant ni l'intention de l'auteur ni l'appropriation par celui-ci (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

ESCROQUERIE - Remise du bien - Remise de sommes d'argent - Transfert de propriété - Portée - Conséquence


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 496 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : HOET PETER
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-03-03;p.19.1021.n ?

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