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04/02/2020 | BELGIQUE | N°P.19.0720.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 février 2020, P.19.0720.N


N° P.19.0720.N
K. L., conseiller suppléant à la cour d’appel d’Anvers,
demandeur en accomplissement d’actes d’instruction complémentaires, en application des articles 61quinquies et 127, § 3, du Code d’instruction criminelle,
demandeur en cassation,
Mes Raf Verstraeten, avocat au barreau de Louvain, et Patrick Hofströssler, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par le dépôt d’une déclaration au greffe de la Cour, le demandeur a interjeté appel de l’ordonnance rendue le 18 novembre 2019 par le conseiller désigné en tant

que juge d’instruction.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L’avocat général Al...

N° P.19.0720.N
K. L., conseiller suppléant à la cour d’appel d’Anvers,
demandeur en accomplissement d’actes d’instruction complémentaires, en application des articles 61quinquies et 127, § 3, du Code d’instruction criminelle,
demandeur en cassation,
Mes Raf Verstraeten, avocat au barreau de Louvain, et Patrick Hofströssler, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par le dépôt d’une déclaration au greffe de la Cour, le demandeur a interjeté appel de l’ordonnance rendue le 18 novembre 2019 par le conseiller désigné en tant que juge d’instruction.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA PROCÉDURE PRÉALABLE
Par courrier du 28 juin 2017, le procureur général près la cour d’appel d’Anvers a transmis au ministre de la Justice, conformément à l’article 481 du Code d’instruction criminelle, un dossier à charge du demandeur faisant part de l’existence d’indices suffisants pour exercer à sa charge une action publique du chef de faits de violation du secret professionnel et, en qualité de coauteur, de recel, commis à Anvers et, par connexité, ailleurs dans le Royaume entre le 22 juin 2017 et le 28 juin 2017.
Par courrier du 18 juillet 2017, le ministre de la Justice a transmis le dossier au procureur général près la Cour.
Par arrêt du 26 septembre 2017, la Cour a renvoyé la cause au premier président de la cour d’appel de Bruxelles aux fins de désignation d’un magistrat qui exercera les fonctions de juge d’instruction.
Par ordonnance du 15 mai 2018, le magistrat instructeur désigné par le premier président de la cour d’appel de Bruxelles a communiqué le dossier au procureur général près la cour d’appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 31 janvier 2019, la chambre du conseil du tribunal de première instance d’Anvers a déchargé le juge d’instruction de l’instruction menée à charge de C.Q. dans la cause AN 27.F1.516132/17.
Par réquisitoire reçu au greffe de la Cour le 8 juillet 2019, le procureur général près la Cour a requis le règlement de la procédure par la Cour sur la base des articles 127, 130, 479, 481 et 482 du Code d’instruction criminelle. Ce réquisitoire vise plus précisément à ce qu’il lui soit donné acte de la jonction du dossier répressif AN27.F1.516132/2017 établi à charge de C.Q. et à ce que le demandeur et, par connexité, C.Q., soient renvoyés C.Q. devant la cour d’appel de Bruxelles, le premier du chef des faits qualifiés sous les préventions A (violation de l’article 458 du Code pénal commise à Anvers et, par connexité, ailleurs dans le Royaume entre le 22 juin 2017 et le 28 juin 2017) et B (violation de l’article 505, alinéa 1er, 1°, du Code pénal, en qualité d’auteur ou de coauteur, au cours de la même période), le second du chef du fait qualifié sous la prévention B (qualification identique).
Par requête, le demandeur a sollicité du conseiller instructeur l’accomplissement d’actes d’instruction complémentaires en application des articles 61quinquies et 127, § 3, du Code d’instruction criminelle.
Par arrêt du 22 octobre 2019, la Cour, eu égard à la demande d’instruction complémentaire adressée au conseiller instructeur, a suspendu le règlement de la procédure.
Par ordonnance du 18 novembre 2019, le conseiller instructeur a rejeté la demande formulée par le demandeur.
Le 3 décembre 2019, le demandeur a déposé la déclaration d’appel précitée au greffe de la Cour d’appel.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité de l’appel
1. Selon l’article 481 du Code d’instruction criminelle, les dénonciations ou les plaintes reçues concernant un crime ou un délit commis par un membre de la cour d’appel ou un officier exerçant près d’elle le ministère public, doivent être envoyées de suite au ministre de la Justice.
En vertu de l’article 482 du même code, le ministre de la Justice transmet ces pièces à la Cour de cassation, qui décide en chambre du conseil de la suite à donner à la procédure. La Cour peut alors décider soit qu’il n’y a pas lieu à renvoi en l’absence d’infraction ou de charges suffisantes, soit qu’un complément d’instruction est nécessaire, la cause étant alors renvoyée au premier président d’une autre cour d’appel aux fins de désignation d’un conseiller instructeur, soit que l’instruction est complète et les charges suffisantes, la cause étant alors renvoyée à une autre cour d’appel pour examen au fond.
2. Par son arrêt n° 131/2016 du 20 octobre 2016, la Cour constitutionnelle a considéré que :
- par dérogation à la procédure pénale de droit commun, les articles 481 et 482 du Code d’instruction criminelle ne prévoient pas, pour les magistrats des cours d’appel, l’intervention d’une juridiction d’instruction afin de contrôler, au cours de l’instruction, la régularité de la procédure et de statuer en tant qu’instance de recours sur les décisions du conseiller instructeur et afin de régler la procédure au terme de l’instruction (B.10.1) ;
- dans la logique du système établi, qui ne prévoit pas de possibilité de recours contre la décision rendue par la cour d’appel, il n’est pas sans justification raisonnable que le législateur n’ait pas davantage prévu une possibilité de recours contre les décisions rendues par le conseiller instructeur sur des requêtes qui lui sont présentées (B.10.2, alinéa 1er) ;
- le législateur a pu considérer qu’en ce qui concerne les magistrats des cours d’appel, le fait que les fonctions de conseiller instructeur soient exercées par un magistrat désigné à cette fin par le premier président de la cour d’appel d’un ressort autre que le leur, le fait qu’ils soient jugés par le plus haut juge du fond qui relève d’un ressort autre que le leur et l’intervention de la Cour de cassation, qui doit décider des suites qu’il y a lieu de réserver à la procédure, offrent des garanties suffisantes ; la Cour de cassation, statuant en chambre du conseil, peut décider à cette occasion qu’il n’y a pas lieu à poursuivre ou renvoyer directement l’affaire à la cour d’appel si les charges sont suffisantes, ou encore requérir des actes d’instruction complémentaires (B.10.2, alinéa 2) ;
- les magistrats des cours d’appel ont donc la garantie que la Cour de cassation, comme une juridiction d’instruction dans la procédure pénale de droit commun, procède au règlement de la procédure et examine à cette occasion si les charges sont suffisantes et si la procédure est régulière (B.10.2, alinéa 3) ;
- dans la mesure où, au terme de l’instruction requise par la Cour de cassation, il n’y a pas d’intervention d’un organe juridictionnel qui procède, dans le cadre d’une procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce faisant si les charges sont suffisantes et si la procédure est régulière, il est porté une atteinte disproportionnée aux droits des magistrats des cours d’appel concernés et de leurs coauteurs et complices (B.11.1, alinéa 2) ;
- dans l’interprétation selon laquelle, au terme de l’instruction requise par la Cour de cassation, l’affaire doit être renvoyée à cette Cour, dont la compétence est, dans cette procédure, comparable à celle d’une juridiction d’instruction et qui procède, dans le cadre d’une procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine à cette occasion si les charges sont suffisantes et si la procédure est régulière, les articles 481 et 482 du Code d’instruction criminelle sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution (B.12).
3. Il ne résulte ni des dispositions légales précitées ni de l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 131/2016 que la Cour de cassation devrait connaître de l’appel de l’ordonnance par laquelle un conseiller chargé d’une instruction conformément aux articles 479 et 480 du Code d’instruction criminelle, statue sur la demande introduite en application des articles 61quinquies et 127, § 3, du Code d’instruction criminelle.
4. Le recours introduit par le demandeur est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Déclare le recours irrecevable ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Sidney Berneman, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre février deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Maxime Marchandise et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0720.N
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Il ne résulte ni des dispositions des articles 481 et 482 du Code d’instruction criminelle, ni de l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 131/2016, que la Cour de cassation devrait connaître de l’appel de l’ordonnance par laquelle un conseiller chargé d’une instruction conformément aux articles 479 et 480 du Code d’instruction criminelle, statue sur une demande introduite en application des articles 61quinquies et 127, § 3, du Code d’instruction criminelle (1). (1)Cour const. 20 octobre 2016, n° 131/2016 ; A. WINANTS, Beschouwingen over het voorrecht van rechtsmacht, in F. DERUYCK (ed.), Strafrecht in/uit balans, Kluwer, 2020.

PRIVILEGE DE JURIDICTION - Crimes et délits commis par des juges hors de leurs fonctions - Magistrat d'une cour d'appel - Instruction judiciaire - Code d'instruction criminelle, articles 479 et 480 - Demande tendant à l'accomplissement d'un acte d'instruction complémentaire en application des articles 61quinquies et 127, § 3, du Code d'instruction criminelle - Refus du conseiller instructeur - Déclaration d'appel déposée au greffe de la Cour - Recevabilité

Il ne résulte ni des dispositions des articles 481 et 482 du Code d’instruction criminelle, ni de l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 131/2016, que la Cour de cassation devrait connaître de l’appel de l’ordonnance par laquelle un conseiller chargé d’une instruction conformément aux articles 479 et 480 du Code d’instruction criminelle, statue sur une demande introduite en application des articles 61quinquies et 127, § 3, du Code d’instruction criminelle (1). (1)Cour const. 20 octobre 2016, n° 131/2016 ; A. WINANTS, Beschouwingen over het voorrecht van rechtsmacht, in F. DERUYCK (ed.), Strafrecht in/uit balans, Kluwer, 2020

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Effets. Compétence du juge - Privilège de juridiction - Crimes et délits commis par des juges hors de leurs fonctions - Magistrat d'une cour d'appel - Code d'instruction criminelle, articles 479 et 480 - Demande tendant à l'accomplissement d'un acte d'instruction complémentaire en application des articles 61quinquies et 127, § 3, du Code d'instruction criminelle - Refus du conseiller instructeur - Déclaration d'appel déposée au greffe de la Cour - Recevabilité


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN, DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-02-04;p.19.0720.n ?

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