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28/01/2020 | BELGIQUE | N°P.19.0583.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 janvier 2020, P.19.0583.N


N° P.19.0583.N
HOUTMOLEN, société privée à responsabilité limitée,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Nicolaas Vinckier, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 26 avril 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Courtrai, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L’avocat général Bart D

e Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la...

N° P.19.0583.N
HOUTMOLEN, société privée à responsabilité limitée,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Nicolaas Vinckier, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 26 avril 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Courtrai, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 172, alinéa 2, et 215 du Code d’instruction criminelle, 19, alinéas 1 et 2, et 60, alinéa 1er, du Code judiciaire, 3.9 de l’annexe au Code judiciaire et 25 de l’arrêté royal du 14 mars 2014 relatif à la répartition en divisions des cours du travail, des tribunaux de première instance, des tribunaux du travail, des tribunaux de commerce et des tribunaux de police : le jugement attaqué confirme, à tort, que le tribunal de police de Flandre occidentale, division Courtrai, était compétent pour apprécier la cause ; par un jugement du 28 mai 2018, le tribunal de police de Flandre occidentale, division Bruges, s’était déjà déclaré incompétent et avait ainsi épuisé la juridiction du tribunal de police de Flandre occidentale sur ce point du litige ; en effet, les divisions du tribunal de police ne constituent pas des tribunaux distincts dotés d’une juridiction qui leur est propre, mais sont simplement des sections d’un seul et même tribunal.
2. L’article 186, § 1er, deuxième et troisième phrases, du Code judiciaire, dispose :
« Le Roi peut, par règlement de répartition des affaires dans un arrêté délibéré en Conseil des ministres, répartir en deux ou plusieurs divisions les cours d’appel, les cours du travail, les tribunaux de première instance, les tribunaux du travail, les tribunaux de l’entreprise et les tribunaux de police, et déterminer les lieux où sont établis leur siège et leur greffe.
Le cas échéant, il détermine le territoire de chaque division et les catégories d’affaires pour lesquelles cette division exerce sa juridiction. Le règlement de répartition des affaires peut étendre la compétence territoriale de la division à une partie ou à l’ensemble du territoire de l’arrondissement. Il ne peut en aucun cas avoir pour effet de supprimer des lieux d’audiences existants. »
3. L’article 25 de l’arrêté royal du 14 mars 2014 dispose que le tribunal de police de Flandre occidentale est réparti en quatre divisions. La première a son siège à Bruges et exerce sa juridiction sur le territoire des quatre cantons de Bruges, des deux cantons d’Ostende, des cantons de Tielt et de Torhout. La deuxième a son siège à Ypres et exerce sa juridiction sur le territoire des cantons d’Ypres et de Poperinge. La troisième a son siège à Courtrai et exerce sa juridiction sur le territoire des deux cantons de Courtrai, des cantons d’Izegem, de Menin, de Roulers et de Waregem. La quatrième a son siège à Furnes et exerce sa juridiction sur le territoire du canton de Furnes.
4. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le tribunal de police de Flandre occidentale, division Bruges, se déclare incompétent, seule la juridiction que cette division exerce sur le territoire des quatre cantons de Bruges, des deux cantons d’Ostende et des cantons de Tielt et de Torhout est épuisée. Cette décision ne s’oppose pas à ce qu’une autre division du tribunal de police de Flandre occidentale, dont la juridiction couvre d’autres cantons, se déclare territorialement compétente pour les contraventions commises dans les limites de son canton.
Déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Sur le second moyen :
[…]
Quant à la seconde branche :
7. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 92, § 1er, 779 et 780, alinéa 1er, 1°, du Code judiciaire : le jugement attaqué mentionne qu’il a été prononcé en audience publique du vingt-six avril deux mille dix-neuf par la onzième chambre, à laquelle étaient présents : « I. Vandenbroucke, juge, président, M. Vandenbogaerde, juge, C. Spillebeen, stagiaire judiciaire ». Un stagiaire judiciaire ayant entrepris son stage après le 3 août 2017 n’a pas la qualité de magistrat et ne peut remplacer un juge ; il est nommé d’office attaché judiciaire lorsqu’il a achevé son stage avec fruit et que sa nomination ne peut avoir lieu à la fin du vingt-quatrième mois ; le stagiaire judiciaire qui a entrepris ou effectué son stage avant le 3 août 2017 ne peut remplacer un juge, dans le cadre d’un stage de type long prolongé, que durant ces périodes de prolongation ; la mention qu’une personne a la qualité de stagiaire judiciaire n’implique donc pas nécessairement qu’elle puisse siéger en qualité de juge ; elle peut assister aux délibérations sans être juge, mais dans le but d’assister les magistrats, et donc figurer à ce titre, au procès-verbal d’audience, dans l’énumération des personnes présentes.
8. Aucune disposition n’oblige à indiquer expressément dans un jugement qu’un stagiaire judiciaire qui connaît de l’affaire, participe au délibéré et est présent lors de la prononciation, est un stagiaire judiciaire habilité, à titre transitoire, à remplacer un juge à l’occasion de la prolongation de son stage. Lorsqu’un stagiaire judiciaire connaît d’une affaire, participe au délibéré et est présent lors de la prononciation du jugement, il doit, sauf preuve contraire, être considéré comme étant habilité à cet effet.
Le moyen, qui, en cette branche, procède d’une autre prémisse juridique, manque en droit.
Quant à la troisième branche :
9. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l’article 322 du Code judiciaire : le jugement attaqué a été rendu par deux juges titulaires et un stagiaire judiciaire ; ni le jugement, ni les procès-verbaux d’audience, ni aucune autre pièce à laquelle la Cour peut avoir égard ne constatent l’empêchement du juge titulaire que le stagiaire judiciaire remplace.
10. Lorsqu’un stagiaire judiciaire au sens de l’article 259octies, § 6, alinéa 6, du Code judiciaire, tel qu’applicable en l’espèce, exerce une suppléance et complète ainsi le siège, le juge qu’il remplace est présumé empêché. Aucune disposition légale ne requiert que cet empêchement soit consigné de manière expresse.
Le moyen, qui, en cette branche, procède d’une autre prémisse juridique, manque en droit.
Quant à la quatrième branche :
11. Le moyen est pris de la violation de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à l’indépendance et à l’impartialité du juge : le jugement attaqué énonce qu’il a été prononcé, entre autres, par « C. Spillebeen, stagiaire judiciaire ». Un stagiaire judiciaire ayant entrepris le stage de type long avant le 3 août 2017, qui, en application de l’article 290 de la loi du 6 juillet 2017 portant simplification, harmonisation, informatisation et modernisation de dispositions de droit civil et de procédure civile ainsi que du notariat et portant diverses mesures en matière de justice, demeure soumis aux dispositions antérieures à cette modification de la loi et se trouve dans une des trois périodes de prolongation du stage, n’a pas l’indépendance requise vis-à-vis du pouvoir exécutif et ne dispose pas de l’impartialité objective requise pour statuer.
12. Selon l’article 6, § 1er, de la Convention, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Jusqu’à preuve du contraire, le juge est présumé statuer de manière impartiale, indépendante et sans préjugé. Les exigences d’indépendance et d’impartialité du juge sont étroitement liées, de sorte que les garanties de l’indépendance individuelle du juge peuvent être prises en considération pour apprécier son impartialité objective.
13. Suivant l’article 259octies, § 6, alinéa 6, du Code judiciaire, tel qu’applicable en l’espèce, le stagiaire judiciaire peut exercer une suppléance pendant les prolongations de son stage.
En vertu de l’article 412, § 1er, alinéa 2, du Code judiciaire, les magistrats suppléants relèvent de la même autorité que les magistrats de carrière.
14. Il s’ensuit que, lorsqu’il exerce une suppléance, le stagiaire judiciaire doit satisfaire aux mêmes exigences d’impartialité et d’indépendance qu’un magistrat suppléant ou un magistrat de carrière. Par conséquent, le stagiaire judiciaire qui exerce une suppléance est soumis aux mêmes règles, sauf à celles qui sont inconciliables avec son statut tel qu’il est détaillé à l’article 259octies précité.
15. Il ne peut se déduire du fait que le ministre de la Justice :
- puisse, en vertu de l’article 259octies, § 6, alinéa 1er, du Code judiciaire, tel qu’applicable en l’espèce, mettre fin au stage de manière anticipative pour cause d’inaptitude professionnelle ou pour faute grave, ce qui ne peut advenir que sur l’avis motivé du chef de corps et sur avis de la commission d’évaluation compétente, après audition de l’intéressé et moyennant un préavis de trois mois ;
- puisse, en vertu de l’article 259octies, § 6, alinéa 3, du Code judiciaire, tel qu’applicable en l’espèce, suspendre d’office le stage pour un motif légitime ;
- puisse prolonger le stage de maximum trois périodes de six mois, comme le prévoit l’article 259octies, § 6, alinéa 6, du Code judiciaire, applicable en l’espèce, lorsque la nomination du stagiaire ne peut avoir lieu à la fin du trente-sixième mois, faute de place vacante pour laquelle le stagiaire entre en ligne de compte pour une nomination ;
que le stagiaire judiciaire qui exerce une suppléance n’offre pas les garanties d’indépendance et d’impartialité.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.
16. Il ne peut davantage se déduire du fait que l’article 259octies, § 7, alinéa 8, du Code judiciaire, tel qu’applicable en l’espèce, précise que les fonctions de stagiaire judiciaire sont incompatibles avec toute autre fonction rémunérée, sauf les fonctions visées à l’article 294, alinéa 1er, du même code moyennant l’autorisation du ministre de la Justice sur avis du procureur général, que le stagiaire judiciaire qui exerce une suppléance n’offre pas les garanties d’indépendance et d’impartialité.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque également en droit.
Le contrôle d’office
17. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Maxime Marchandise et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0583.N
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

Lorsqu’une division d’un tribunal de police se déclare territorialement incompétente, seule la juridiction que cette division exerce sur son territoire est épuisée; cette décision ne s’oppose pas à ce qu’une autre division du tribunal de police dont la juridiction couvre d’autres cantons, se déclare territorialement compétente pour les contraventions commises dans les limites de son canton.

COMPETENCE ET RESSORT - MATIERE REPRESSIVE - Compétence - Compétence territoriale - Divisions d'un même tribunal de police - Décision d'incompétence d'une division - Conséquence - ORGANISATION JUDICIAIRE - MATIERE REPRESSIVE - Compétence - Tribunal de police comprenant plusieurs divisions - Décision d'incompétence d'une division - Conséquence [notice1]

Aucune disposition n’oblige à indiquer expressément dans un jugement qu’un stagiaire judiciaire, qui connaît de l’affaire, participe au délibéré et est présent lors de la prononciation, est un stagiaire judiciaire habilité, à titre transitoire, à remplacer un juge à l’occasion de la prolongation de son stage; lorsqu’un stagiaire judiciaire connaît d’une affaire, participe au délibéré et est présent lors de la prononciation du jugement, il doit, sauf preuve contraire, être considéré comme étant habilité à cet effet.

MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) - Stagiaire judiciaire - Suppléance dans le siège - Habilitation

Lorsqu’un stagiaire judiciaire visé à l’article 259octies, § 6, du Code judiciaire exerce une suppléance et complète ainsi le siège, le juge qu’il remplace est présumé empêché; aucune disposition légale ne requiert que cet empêchement soit consigné de manière expresse.

TRIBUNAUX - MATIERE REPRESSIVE - Généralités - Stagiaire judiciaire - Suppléance dans le siège - Conséquence [notice4]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 186, § 1 - 01 / No pub 1967101052 ;

A.R. du 14 mars 2014 - 14-03-2014 - Art. 25 - 03 / No pub 2014009088

[notice4]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 259octies, § 6 - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-01-28;p.19.0583.n ?

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