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21/01/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0063.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 janvier 2020, P.20.0063.N


N° P.20.0063.N
K. H.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
Me Anthony Roegiers, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque sept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric Van Dooren a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur les deuxième et troisième moyens :
4. Le deuxième

moyen est pris de la violation de l'article 211bis du Code d'instruction criminelle : l'arrêt modifie ...

N° P.20.0063.N
K. H.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
Me Anthony Roegiers, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque sept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric Van Dooren a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur les deuxième et troisième moyens :
4. Le deuxième moyen est pris de la violation de l'article 211bis du Code d'instruction criminelle : l'arrêt modifie une décision plus favorable au demandeur sans constater que l'unanimité a été recueillie ; en effet, l'arrêt énonce, par adoption des motifs des réquisitions du ministère public, que les faits de la prévention A sont passibles d'une peine de plus de quinze ans de réclusion, alors que l'ordonnance entreprise a considéré que ces faits n'étaient passibles que d'une peine d'un an d'emprisonnement correctionnel principal ou d'une peine plus sévère sans excéder quinze ans de réclusion.
Le troisième moyen est pris de la violation de l'article 211bis du Code d'instruction criminelle : l'arrêt modifie une décision plus favorable au demandeur, sans constater que l'unanimité a été recueillie ; l'arrêt fonde notamment sa décision de maintien sur le risque de collusion alors que cet élément n'a pas été pris en considération par l'ordonnance entreprise.
5. L'article 211bis du Code d'instruction criminelle dispose : « S'il y a jugement d'acquittement ou ordonnance de non-lieu, la juridiction d'appel ne peut prononcer la condamnation ou le renvoi qu'à l'unanimité de ses membres. La même unanimité est nécessaire pour que la juridiction d'appel puisse aggraver les peines prononcées contre l'inculpé. Il en est de même en matière de détention préventive, pour réformer une ordonnance favorable à l'inculpé ».
6. La chambre des mises en accusation qui, à l'instar de la chambre du conseil, décide de maintenir la détention préventive d'un inculpé à exécuter en prison, ne modifie pas une ordonnance plus favorable à l'inculpé, même si elle prend cette décision de maintien pour des motifs différents de ceux de la chambre du conseil.
Déduits d'une autre prémisse juridique, les moyens manquent en droit.
Sur le quatrième moyen :
7. Le moyen est pris de la violation de l'article 149 de la Constitution : l'arrêt n'expose pas suffisamment les raisons pour lesquelles les neuf conditions que le demandeur expose de manière concrète dans ses conclusions d'appel et, à titre subsidiaire, la modalité de la surveillance électronique, ne suffisent pas à neutraliser le risque de récidive et de collusion ; le demandeur ne peut déduire de cette motivation la mesure dans laquelle une prochaine appréciation du maintien de sa détention préventive pourrait donner lieu à sa mise en liberté s'il adaptait, rectifiait ou complétait les conditions qui ont été rejetées.
8. L'article 149 de la Constitution n'est pas applicable aux décisions rendues par les juridictions d'instruction en matière de détention préventive.
Dans la mesure où il invoque la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen manque en droit.
9. Il résulte des articles 23, 4°, et 30, § 3, alinéa 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive que la chambre des mises en accusation est dans l'obligation de répondre aux conclusions d'un inculpé concernant l'existence d'un risque de récidive et de collusion visé à l'article 16, § 1er, alinéa 4, de la même loi. Compte tenu de la brièveté du délai dans lequel la chambre des mises en accusation doit rendre sa décision, cette obligation n'implique pas celle de préciser, pour chacune des conditions proposées par l'inculpé, les raisons pour lesquelles elle n'est pas susceptible de neutraliser le risque de récidive et de collusion.
10. Cette obligation de motivation n'a pas pour objectif d'informer un inculpé quant aux conditions pouvant être considérées, lors d'une prochaine décision sur le maintien de sa détention préventive, comme susceptibles de neutraliser le risque de récidive et de collusion.
11. Dans la mesure où il procède d'autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.
12. Par adoption des motifs des réquisitions du ministère public, l'arrêt précise, en faisant référence à des éléments concrets du dossier, les raisons pour lesquelles il existe un risque de récidive et de collusion. Il constate également que les conditions proposées par le demandeur et la modalité de la surveillance électronique ne neutralisent pas suffisamment le risque de récidive et de collusion, ce dont il ressort que les juges d'appel ont évalué ces conditions et cette modalité à l'aune du risque de récidive et de collusion dont ils ont constaté l'existence. Ils ont ainsi satisfait à l'obligation de motivation qui leur incombe.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur les cinquième et sixième moyens :
13. Les moyens sont pris de la violation de l'article 149 de la Constitution : l'arrêt est entaché d'un vice de motivation ; en effet, il ne répond pas aux arguments juridiques soulevés dans les conclusions d'appel du demandeur concernant les objections et critères d'appréciation essentiels s'agissant du maintien de la détention préventive ; l'arrêt laisse sans réponse l'allégation du demandeur selon laquelle le danger pour la sécurité publique et le danger de récidive, de collusion et de soustraction à la justice doivent faire l'objet d'une motivation non in abstracto mais in concreto (cinquième moyen) et selon laquelle la détention préventive aurait des effets disproportionnés sur sa situation personnelle et financière ainsi que sur son état de santé mentale (sixième moyen).
14. L'article 149 de la Constitution n'est pas applicable aux décisions rendues par les juridictions d'instruction en matière de détention préventive.
Dans la mesure où ils invoquent la violation de l'article 149 de la Constitution, les moyens manquent en droit.
15. Il résulte des articles 23, 4°, et 30, § 3, § 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive que la chambre des mises en accusation est dans l'obligation de répondre aux conclusions d'un inculpé concernant l'absolue nécessité pour la sécurité publique et le risque de récidive et de collusion au moment de la décision, visés à l'article 16, § 1er, alinéas 1 et 4, de la même loi. Compte tenu de la brièveté du délai dans lequel la chambre des mises en accusation doit rendre sa décision, cette obligation n'implique pas celle de répondre à chacun des arguments par lesquels un inculpé conteste l'existence d'une absolue nécessité pour la sécurité publique et d'un risque de récidive et de collusion, pour autant que la chambre se prononce sur l'existence d'une telle absolue nécessité et de tels dangers.
Dans la mesure où ils sont déduits d'une autre prémisse juridique, les moyens manquent en droit.
16. Par adoption des motifs des réquisitions du ministère public et par ses motifs propres, l'arrêt constate l'existence d'une absolue nécessité pour la sécurité publique et d'un risque de récidive et de collusion. Ce faisant, l'arrêt répond aux allégations contenues dans les conclusions d'appel du demandeur, sans être tenu de répondre spécifiquement aux arguments visés aux moyens.
Dans cette mesure, les moyens ne peuvent être accueillis.
Sur le septième moyen :
17. Le moyen est pris de la violation de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : l'arrêt maintient la détention préventive et n'offre pas au demandeur de possibilité d'admission au sein d'un établissement psychiatrique ; les juges d'appel ne tiennent pas suffisamment compte des problèmes d'assuétude du demandeur et de son état mental vulnérable ; le demandeur se voit refuser la possibilité de bénéficier d'un traitement et est ainsi traité d'une manière indigne allant à l'encontre de son bien-être mental.
18. L'article 3 de la Convention n'implique aucune interdiction de délivrance ou de maintien d'un mandat d'arrêt à l'encontre d'un inculpé qui prétend souffrir d'importants problèmes d'assuétude et de fragilité mentale. Il n'implique pas davantage l'obligation de transférer immédiatement l'inculpé dans un établissement psychiatrique et de lui prodiguer ensuite un traitement résidentiel. En effet, l'instruction et la privation de liberté de l'inculpé ordonnée dans ce contexte ont également pour objectif d'examiner et de constater son état mental ainsi que son impact quant à la commission d'infractions. L'exécution de la détention préventive en prison n'emporte pas violation de l'article 3 de la Convention si des soins adéquats y sont prodigués à l'inculpé.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
19. Pour le surplus, le moyen requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir et est, par conséquent, irrecevable.
Le contrôle d'office
20. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Sidney Berneman, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un janvier deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0063.N
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres - Droit international public

Analyses

La chambre des mises en accusation qui, à l'instar de la chambre du conseil, décide de maintenir la détention préventive d'un inculpé à exécuter en prison, ne modifie pas une ordonnance plus favorable à l'inculpé, même si elle prend cette décision de maintien pour des motifs différents de ceux de la chambre du conseil (1). (1) Cass. 6 novembre 2012, RG P.12.1704.N, Pas. 2012, n° 598.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Effets. Compétence du juge - Chambre des mises en accusation - Maintien de la détention - Aggravation de la peine - Portée - DETENTION PREVENTIVE - APPEL - Chambre des mises en accusation - Compétence du juge - Maintien de la détention - Aggravation de la peine - Portée

Il résulte des articles 23, 4°, et 30, § 3, alinéa 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive que la chambre des mises en accusation est dans l'obligation de répondre aux conclusions d'un inculpé concernant l'existence d'un risque de récidive et de collusion visé à l'article 16, § 1er, alinéa 4, de la même loi mais, compte tenu de la brièveté du délai dans lequel la chambre des mises en accusation doit rendre sa décision, cette obligation n'implique pas celle de préciser, pour chacune des conditions proposées par l'inculpé, les raisons pour lesquelles elle n'est pas susceptible de neutraliser ledit risque; ladite obligation de motivation n'a pas pour objectif d'informer un inculpé quant aux conditions pouvant être considérées, lors d'une prochaine décision sur le maintien de sa détention préventive, comme susceptibles de neutraliser le risque de récidive et de collusion.

DETENTION PREVENTIVE - APPEL - Chambre des mises en accusation - Motivation - Risque de récidive et de collusion - Portée - Conséquence - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - EN CAS DE DEPOT DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) - Détention préventive - Appel - Chambre des mises en accusation - Motivation - Risque de récidive et de collusion - Portée - Conséquence

Il résulte des articles 23, 4°, et 30, § 3, alinéa 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive que la chambre des mises en accusation est dans l'obligation de répondre aux conclusions d'un inculpé concernant l'absolue nécessité pour la sécurité publique et le risque de récidive et de collusion au moment de la décision, visés à l'article 16, § 1er, alinéas 1 et 4, de la même loi; compte tenu de la brièveté du délai dans lequel la chambre des mises en accusation doit rendre sa décision, cette obligation n'implique pas celle de répondre à chacun des arguments par lesquels un inculpé conteste l'existence d'une absolue nécessité pour la sécurité publique et d'un risque de récidive et de collusion, pour autant que la chambre se prononce sur l'existence d'une telle absolue nécessité et de tels dangers.

DETENTION PREVENTIVE - APPEL - Chambre des mises en accusation - Motivation - Absolue nécessité pour la sécurité publique et risque de récidive et de collusion - Portée - Conséquence - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - EN CAS DE DEPOT DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) - Détention préventive - Appel - Chambre des mises en accusation - Motivation - Absolue nécessité pour la sécurité publique et risque de récidive et de collusion - Portée - Conséquence

L'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique aucune interdiction de délivrance ou de maintien d'un mandat d'arrêt à l'encontre d'un inculpé qui prétend souffrir d'importants problèmes d'assuétude et de fragilité mentale, et n'implique pas davantage l'obligation de transférer immédiatement l'inculpé dans un établissement psychiatrique et de lui prodiguer ensuite un traitement résidentiel; en effet, l'instruction et la privation de liberté de l'inculpé ordonnée dans ce contexte ont également pour objectif d'examiner et de constater son état mental ainsi que son impact quant à la commission d'infractions, de sorte que l'exécution de la détention préventive en prison n'emporte pas violation de l'article 3 de la Convention si des soins adéquats y sont prodigués à l'inculpé.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 3 - Interdiction de la torture - Délivrance d'un mandat d'arrêt ou maintien de la détention préventive - Exécution en prison - Etat mental de l'inculpé - Portée - Conséquence - DETENTION PREVENTIVE - MANDAT D'ARRET - Exécution en prison - Conv. D.H., article 3 - Interdiction de la torture - Etat mental de l'inculpé - Portée - Conséquence - DETENTION PREVENTIVE - MAINTIEN - INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Actes d'instruction - Détention préventive - Délivrance d'un mandat d'arrêt ou maintien de la détention préventive - Exécution en prison - Conv. D.H., article 3 - Interdiction de la torture - Etat mental de l'inculpé - Portée - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : HOET PETER, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-01-21;p.20.0063.n ?

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