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21/01/2020 | BELGIQUE | N°P.19.0693.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 janvier 2020, P.19.0693.N


N° P.19.0693.N
M. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Loïc Cerulus, avocat au barreau d'Anvers,
contre
1. M. D.,
(...)
12. N. L.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 juin 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA

COUR
(...)
Sur le premier moyen :
2. Le moyen est pris de la violation de l'article 496 du Code pénal : l'arrê...

N° P.19.0693.N
M. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Loïc Cerulus, avocat au barreau d'Anvers,
contre
1. M. D.,
(...)
12. N. L.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 juin 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen :
2. Le moyen est pris de la violation de l'article 496 du Code pénal : l'arrêt déclare le demandeur coupable d'escroquerie en faisant uniquement référence à des allégations mensongères qui ne constituent pas des manœuvres frauduleuses ; de telles allégations ne peuvent constituer des manœuvres frauduleuses que si certains faits ou certaines circonstances les renforcent et leur procurent une certaine crédibilité.
3. L'escroquerie consiste à se faire remettre ou délivrer une chose appartenant à autrui visée à l'article 496 du Code pénal, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses, dans le but de se l'approprier.
4. Les manœuvres frauduleuses sont des moyens trompeurs consistant en des agissements extrinsèques ou accompagnés de tels agissements, en vue de la remise ou de la livraison de la chose. De simples allégations mensongères, même répétées, ne constituent des manœuvres frauduleuses que si elles sont accompagnées d'agissements extrinsèques qui leur confèrent une certaine crédibilité. En outre, les manœuvres frauduleuses doivent avoir joué un rôle déterminant dans la remise ou la livraison de la chose, ce qui signifie qu'il doit y avoir un lien de causalité entre ces manœuvres et la remise ou la livraison.
5. L'arrêt déclare le demandeur coupable d'escroquerie et tentative d'escroquerie (préventions A.1-A.12, B.1-B.14 et C.1-C.4 ) consistant à se faire remettre le paiement de l'achat d'ustensiles de cuisine (casseroles, poêles, couverts et couteaux) tout en se faisant passer pour un représentant de la société SG GROUP et en prétendant que les ustensiles de cuisine proposés à la vente sont des produits de bonne qualité et coûteux alors qu'ils sont en réalité de qualité inférieure et/ou en portant en compte et en faisant payer au moyen d'un terminal de paiement mobile des montants largement supérieurs au prix de vente convenu.
6. L'arrêt (...) constate de manière générale que les pratiques d'escroquerie auxquelles le demandeur a eu recours consistaient à vendre, au moyen de manœuvres frauduleuses, toutes sortes d'ustensiles de cuisine de qualité inférieure en les faisant passer pour des produits haut de gamme et ce, en faisant usage de véhicules loués à tour de rôle, que la plupart des victimes étaient bien choisies et généralement abordées dans la rue, que les victimes potentielles, souvent âgées, se voyaient raconter toutes sortes d'affabulations concernant la qualité des marques haut de gamme et la raison pour laquelle elles étaient proposées à la vente, le demandeur parvenant ainsi à convaincre les personnes crédules d'acheter des casseroles et des poêles alors que les marchandises livrées étaient systématiquement de qualité inférieure et n'étaient nullement de marque haut de gamme comme souhaité et qu'en outre, d'importantes sommes d'argent ont été soustraites à plusieurs reprises au moyen d'un procédé frauduleux mettant en jeu un terminal de paiement. L'arrêt (...) décrit ensuite, pour les différentes parties de la prévention, le procédé suivi par le demandeur.
7. Il ressort de ces descriptions et appréciations que l'arrêt ne se limite pas à prendre en considération les allégations mensongères du demandeur au titre de manœuvres frauduleuses ayant joué un rôle déterminant dans la remise des sommes d'argent mentionnées, mais qu'il admet que ces allégations mensongères ont été renforcées par des agissements extrinsèques qui les ont rendues crédibles, à savoir la remise fréquente aux victimes d'une carte de visite de la société SG GROUP, le fait que le demandeur montrait puis remettait aux victimes les ustensiles de cuisine qu'il avait emportés avec lui, ainsi que l'utilisation d'un terminal de paiement pour soustraire aux victimes non seulement les montants dont il était question, mais aussi des montants plus élevés. Par ces motifs, l'arrêt justifie légalement la décision selon laquelle le demandeur s'est rendu coupable des faits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie décrits aux préventions précitées en recourant à des manœuvres frauduleuses.
Le moyen ne peut être accueilli.
(...)
Sur le moyen pris d'office :
Dispositions légales violées :
- article 65, alinéa 1er, du Code pénal
- article 1er de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités
10. Selon l'article 65, alinéa 1er, du Code pénal, lorsque différentes infractions soumises simultanément au même juge du fond constituent la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse, la peine la plus forte sera seule prononcée. En pareille occurrence, le juge ne peut infliger, pour l'ensemble des faits sanctionnés, que les peines principales et accessoires prévues par la loi pénale portant la peine la plus forte.
11. L'arrêt condamne le demandeur du chef des faits des préventions A.1 à A.12, B.1 à B.14 (violation de l'article 496, alinéas 1 et 2, du Code pénal, passible d'une peine principale d'emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de vingt-six à trois mille euros), C.1 à C.4 (violation de l'article 496, alinéa 3, du Code pénal, passible d'une peine principale d'emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende de vingt-six à deux mille euros), D (violation de l'article 491, alinéa 1er, du Code pénal, passible d'une peine d'emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de vingt-six à cinq cents euros) et E (violation de l'article 504quater, § 1er, du Code pénal, passible d'une peine d'emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de vingt-six à cent mille euros, ou de l'une de ces peines).
12. Conformément à l'article 1er, f), de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934, le juge qui condamne une personne du chef d'abus de confiance, escroquerie ou tentative d'escroquerie, peut assortir cette condamnation de l'interdiction d'exercer, personnellement ou par interposition de personne, les fonctions mentionnées à l'article 1er, pour une durée qui ne peut être inférieure à trois ans, ni supérieure à dix ans. Une condamnation fondée sur l'article 504quater du Code pénal ne permet pas de prononcer une telle interdiction professionnelle.
13. Pour déterminer l'infraction pour laquelle est prévue la peine la plus forte, il est procédé à une comparaison portant sur la durée de la peine maximale d'emprisonnement et, si elle est identique, sur le montant de l'amende maximale, sans avoir égard à la durée de la peine minimale d'emprisonnement.
14. Il s'ensuit que l'infraction passible de la peine la plus forte est celle visée à la prévention E. Toutefois, l'arrêt ne peut sanctionner cette infraction par l'interdiction professionnelle visée à l'article 1er de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934.
15. L'arrêt, qui condamne le demandeur à une peine principale d'emprisonnement assortie d'un sursis partiel et à une amende, tout en lui infligeant une interdiction professionnelle d'une durée de cinq ans visée à l'article 1er de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934, n'est pas légalement justifié.
Sur l'étendue de la cassation :
16. L'illégalité de l'interdiction professionnelle infligée n'entache pas la légalité de la décision rendue sur la culpabilité, ni celle de la condamnation aux autres peines.
Le contrôle d'office pour le surplus
17. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il inflige une interdiction professionnelle d'une durée de cinq ans visée à l'article 1er de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934 ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne le demandeur aux cinq sixièmes des frais ;
Laisse le surplus des frais à charge de l'État ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Sidney Berneman, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un janvier deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0693.N
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

L'escroquerie consiste à se faire remettre ou délivrer une chose appartenant à autrui visée à l'article 496 du Code pénal, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manoeuvres frauduleuses, dans le but de se l'approprier; les manoeuvres frauduleuses sont des moyens trompeurs consistant en des agissements extrinsèques ou accompagnés de tels agissements, en vue de la remise ou de la livraison de la chose, et de simples allégations mensongères, même répétées, ne constituent des manoeuvres frauduleuses que si elles sont accompagnées d'agissements extrinsèques qui leur confèrent une certaine crédibilité; en outre, les manoeuvres frauduleuses doivent avoir joué un rôle déterminant dans la remise ou la livraison de la chose, ce qui signifie qu'il doit y avoir un lien de causalité entre ces manoeuvres et la remise ou la livraison (1). (1) Cass. 17 février 2015, RG P.14.1526.N, Pas. 2015, n° 123, RW 2016-17, liv. 18, 708 et note ; Cass. 21 janvier 2014, RG P.12.1840.N, Pas. 2014, n° 47 ; Cass. 4 décembre 2012, RG P.12.0781.N, Pas. 2012, n° 660, T.Strafr. 2013, liv. 3, 189, note G. SCHOORENS, « De invulling en draagwijdte van de constitutieve bestanddelen van het misdrijf van oplichting ».

ESCROQUERIE - Eléments constitutifs - Notion

Selon l'article 65, alinéa 1er, du Code pénal, lorsque différentes infractions soumises simultanément au même juge du fond constituent la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse, la peine la plus forte sera seule prononcée et, en pareille occurrence, le juge ne peut infliger, pour l'ensemble des faits sanctionnés, que les peines principales et accessoires prévues par la loi pénale portant la peine la plus forte; conformément à l'article 1er, f), de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités, le juge qui condamne une personne du chef d'abus de confiance, escroquerie ou tentative d'escroquerie, peut assortir cette condamnation de l'interdiction d'exercer, personnellement ou par interposition de personne, les fonctions mentionnées à l'article 1er, pour une durée qui ne peut être inférieure à trois ans, ni supérieure à dix ans; en revanche, une condamnation fondée sur l'article 504quater du Code pénal ne permet pas de prononcer une telle interdiction professionnelle (1). (1) Cass. 11 septembre 2018, R.A.B.G. 2019/8, 593, note B. SPRIET, « Penaal beroepsverbod ex KB nr. 22 van 24 oktober 1934, mede bij een voortgezet misdrijf » ; voir Cass. 13 décembre 2016, RG P.15.1117.N, Pas. 2015, n° 714, arrêt dans lequel la Cour a considéré que le faux informatique peut donner lieu à une interdiction professionnelle même si l'A.R. n° 22 ne mentionne pas cette infraction ; Projet de loi relatif à la criminalité informatique, Doc. parl., Chambre, 1999-2000, 0213/001-0214/001, pp. 5-6, 10 et 13 ; J. COPPENS, Wet & Duiding strafrecht, Commentaire concernant l'article 210bis du Code pénal ; P. DE HERT, « De wet van 28 november 2000 inzake informaticacriminaliteit en het materieel strafrecht. Een wet die te laat komt of een wet die er nooit had moeten komen ? », T. Strafr. 2001, pp. 317-320.

PEINE - PEINE LA PLUS FORTE - Concours idéal - Infraction continue ou collective - Peines accessoires - Interdiction professionnelle - Portée - Conséquence - PEINE - CONCOURS - Concours idéal - Infraction continue ou collective - Peine la plus forte - Peines accessoires - Interdiction professionnelle - Portée - Conséquence - PEINE - AUTRES PEINES - Divers - Interdiction professionnelle - Concours idéal - Infraction continue ou collective - Peine la plus forte - Peines accessoires - Portée - Conséquence - INFORMATIQUE - Fraude informatique - Article 504quater du Code pénal - Concours idéal - Infraction continue ou collective - Peine la plus forte - Peine accessoire - Interdiction professionnelle - Portée - Conséquence

Pour déterminer l'infraction pour laquelle est prévue la peine la plus forte, il est procédé à une comparaison portant sur la durée de la peine maximale d'emprisonnement et, si elle est identique, sur le montant de l'amende maximale, sans avoir égard à la durée de la peine minimale d'emprisonnement (1). (1)Cass. 11 septembre 2018, R.A.B.G. 2019/8, 593, note B. SPRIET, « Penaal beroepsverbod ex KB nr. 22 van 24 oktober 1934, mede bij een voortgezet misdrijf ».

PEINE - PEINE LA PLUS FORTE - Appréciation - Critères


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : HOET PETER, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-01-21;p.19.0693.n ?

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