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14/01/2020 | BELGIQUE | N°P.19.0674.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 janvier 2020, P.19.0674.N


N° P.19.0674.N
W. D. C.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Kathy Blondeel, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque sept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur les premier et deuxième moyens :>1. Les moyens sont pris de la violation des articles 7, § 1er, de la Convention de sauvegarde de...

N° P.19.0674.N
W. D. C.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Kathy Blondeel, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque sept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur les premier et deuxième moyens :
1. Les moyens sont pris de la violation des articles 7, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 de la Constitution, 21 et 22 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, 68 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière et 25 et 26 de la loi du 6 mars 2018 relative à l'amélioration de la sécurité routière : le jugement attaqué considère à tort que l'action publique n'est pas prescrite ; il considère que la prescription a été interrompue par l'apostille du 26 septembre 2017, à la suite de laquelle un nouveau délai de prescription d'un an a pris cours, qui a été étendu à deux ans par la loi du 6 mars 2018 et durant lequel la prescription a été interrompue une nouvelle fois par l'examen de la cause à l'audience du 9 octobre 2018 ; à cet égard, les juges d'appel ont mal calculé le délai de prescription ; l'application du nouveau délai de prescription de deux ans n'est pas rétroactive ; il en résulte qu'il faut tenir compte de l'intervalle de temps déjà écoulé entre les faits et l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, de même que de l'acte interruptif intervenu durant cette période et qui n'a prolongé que d'un an le délai de prescription, soit jusqu'au 25 septembre 2018 ; c'est à tort que les juges d'appel ont tenu compte d'un second acte interruptif, à savoir l'examen de la cause à l'audience du 9 octobre 2018, qui a eu lieu après l'expiration du premier délai de prescription prolongé et, en outre, ne peut être considéré comme un acte d'instruction ou de poursuite (premier moyen) ; les juges d'appel ont également omis de décompter la période comprise entre le premier acte interruptif et la date d'entrée en vigueur de la loi du 6 mars 2018, soit cinq mois, de la totalité du délai prolongé qui a expiré le 26 septembre 2019 (deuxième moyen).
2. Le jugement attaqué ne considère pas que l'acte interruptif du 26 septembre 2017 a été suivi d'un nouveau délai de prescription de deux ans, à nouveau interrompu le 9 octobre 2018 par l'examen de la cause à l'audience.
Il considère cependant que :
- le délai de prescription de l'action publique au moment des faits mis à charge du demandeur était d'un an ;
- ce délai a été interrompu le 26 septembre 2017 par l'apostille du procureur du Roi adressée au bourgmestre de la commune de Tamise ;
- au cours du nouveau délai d'un an, le législateur a étendu à deux ans le délai de prescription des faits mis à charge du demandeur ;
- durant ce délai de deux ans, la prescription a été interrompue par l'examen de la cause à l'audience du 9 octobre 2018, ce qui a entraîné l'ouverture d'un nouveau délai de deux ans qui n'est pas encore arrivé à son terme.
Dans la mesure où ils s'appuient sur une lecture erronée du jugement attaqué, les deux moyens manquent en fait.
3. L'article 68, première phrase, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, tel qu'il a été modifié par la loi du 6 mars 2018, dispose que l'action publique résultant d'une infraction à cette loi ainsi qu'aux arrêtés pris en exécution de celle-ci est prescrite après deux ans révolus à compter du jour où l'infraction a été commise.
4. Dans la mesure où elle prolonge le délai de prescription de l'action publique, la loi du 6 mars 2018 s'applique, en principe, immédiatement aux actions publiques en cours, sauf si l'action publique était déjà définitivement prescrite au moment de l'entrée en vigueur de cette loi modificative. Cela signifie que la prescription de l'action publique, pour autant qu'elle n'ait pas encore été atteinte à la date d'entrée en vigueur de cette loi modificative, doit être réappréciée selon le nouveau délai de prescription et qu'il faut donc vérifier la date à laquelle le dernier acte interruptif a été fait durant le premier délai prolongé de deux ans.
5. Dans l'arrêt n° 54/2019 du 4 avril 2019, la Cour constitutionnelle a considéré que l'article 26, alinéa 1er, de la loi du 6 mars 2018 relative à l'amélioration de la sécurité routière lu en combinaison avec l'article 25, 1°, de la même loi viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il fait débuter rétroactivement au 15 février 2018 la prolongation du délai de prescription de l'action publique d'un an à deux ans.
Il s'ensuit que le juge peut appliquer les dispositions relatives à la prolongation d'un à deux ans du délai de prescription visé à l'article 68 de la loi du 16 mars 1968 aux seules actions publiques qui, sous l'empire de l'ancienne loi, n'était pas déjà définitivement prescrites au 15 mars 2018.
6. Dans la mesure où ils sont déduits d'une autre prémisse juridique, les moyens manquent en droit.
7. L'article 22, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose que la prescription de l'action publique ne sera interrompue que par les actes d'instruction ou de poursuite faits dans le délai déterminé par l'article 21.
La décision prise à l'audience d'introduction de remettre la cause afin de permettre au ministère public de demander des images de vidéosurveillance est un acte qui interrompt la prescription de l'action publique.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le premier moyen manque en droit.
8. Par les motifs énoncés au deuxième considérant de cet arrêt, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision que l'action publique n'est pas éteinte par prescription.
Dans cette mesure, les moyens ne peuvent être accueillis.
[...]
Sur le cinquième moyen :
11. Le moyen est pris de la violation de l'article 50 du code de la route, ainsi que la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs à la légalité des peines et à la stricte interprétation de la loi pénale : le jugement attaqué condamne le demandeur du chef de la prévention consistant en la tenue de luttes de vitesse et d'épreuves sportives sans autorisation ; cette prévention requiert un caractère de compétition motivé par un avantage pécuniaire et non par un esprit de rivalité entre certaines personnes ; ainsi, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
12. Suivant l'article 50 du code de la route, il est interdit, sauf autorisation spéciale de l'autorité légalement habilitée, de se livrer sur la voie publique à des luttes de vitesse, ainsi qu'à des épreuves sportives.
Il résulte certes de cette disposition que seuls sont visés les concours présentant un caractère de compétition, mais pas que ce caractère de compétition doit être de nature pécuniaire.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
13. Le jugement attaqué considère que « tous les éléments contenus dans le dossier répressif indiquent qu'il s'agit d'une décision prise d'un commun accord de circuler ensemble à une vitesse élevée et de tenter constamment de se rattraper ou de se dépasser l'un l'autre. En d'autres termes, les prévenus ont pris, d'un commun accord, la décision de se livrer (ensemble) à un concours de vitesse interdit et improvisé au sens de l'article 50 du code de la route. » Par ces motifs, les juges d'appel ont légalement justifié la déclaration de culpabilité du demandeur du chef de la prévention G.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
[...]
Sur le septième moyen :
18. Le moyen est pris de la violation de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des principes généraux du droit de légalité et de proportionnalité des peines : la sanction imposée par le jugement attaqué, en particulier la déchéance du droit de conduire, hypothèque les perspectives économiques du demandeur et porte atteinte de manière disproportionnée à son droit d'acquérir efficacement un revenu afin de subvenir à ses besoins personnels.
19. L'article 8 de la Convention n'empêche pas le juge d'infliger une peine qu'il estime appropriée compte tenu de la nature et de la gravité des faits déclarés établis et de la personne du prévenu, même lorsque cette peine a une incidence sur la capacité de gain du prévenu et risque d'hypothéquer ses perspectives économiques.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
20. Par les motifs énoncés dans la réponse apportée au sixième moyen, les juges d'appel ont légalement justifié la peine infligée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
21. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Erwin Francis, Sidney Berneman, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du quatorze janvier deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0674.N
Date de la décision : 14/01/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Droit constitutionnel - Droit international public

Analyses

L'article 68, première phrase, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, tel qu'il a été modifié par la loi du 6 mars 2018, dispose que l'action publique résultant d'une infraction à la cette loi ainsi qu'aux arrêtés pris en exécution de celle-ci est prescrite après deux ans révolus à compter du jour où l'infraction a été commise et, dans la mesure où elle prolonge le délai de prescription de l'action publique, la loi du 6 mars 2018 relative à l'amélioration de la sécurité routière s'applique, en principe, immédiatement aux actions publiques en cours, sauf si, au moment de l'entrée en vigueur de cette loi modificative, l'action publique était déjà définitivement prescrite sous l'empire de l'ancienne loi; cela signifie que la prescription de l'action publique, pour autant qu'elle n'ait pas encore été atteinte à la date d'entrée en vigueur de cette loi modificative, doit être réappréciée selon le nouveau délai de prescription et qu'il faut donc vérifier la date à laquelle le dernier acte interruptif a été fait durant le premier délai prolongé de deux ans (1). (1) Dans l'arrêt n° 54/2019 du 4  avril 2019, la Cour constitutionnelle a considéré que l'article 26, alinéa 1er, de la loi du 6 mars 2018 relative à l'amélioration de la sécurité routière, lu en combinaison avec l'article 25, 1°, de la même loi, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il fait débuter rétroactivement au 15 février 2018 la prolongation du délai de prescription de l'action publique d'un an à deux ans ; R. VERSTRAETEN, Handboek Strafvordering,Anvers, Maklu, 2012, 137-138 ; K. BEIRNAERT, « Commentaar bij artikel 22 VTSV », dans Duiding Strafprocesrecht, Larcier, 2017, 72 et les références à la jurisprudence et à la doctrine.

ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 68 - Prescription - Prescription de l'action publique - Loi prolongeant le délai de prescription de l'action publique - Application aux actions publiques en cours - Portée - Conséquence - PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - Délais - Loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière - Article 68 - Loi prolongeant le délai de prescription de l'action publique - Application aux actions publiques en cours - Portée - Conséquence - LOIS. DECRETS. ORDONNANCES. ARRETES - APPLICATION DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE - Application dans le temps - Loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière - Article 68 - Prescription de l'action publique - Loi prolongeant le délai de prescription de l'action publique - Application aux actions publiques en cours - Portée - Conséquence

L'article 22, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose que la prescription de l'action publique ne sera interrompue que par les actes d'instruction ou de poursuite faits dans le délai déterminé par l'article 21; la décision prise à l'audience d'introduction de remettre la cause afin de permettre au ministère public de demander des images de vidéosurveillance est un acte qui interrompt l'action publique (1). (1) K. BEIRNAERT, « Commentaar bij artikel 22 VTSV », dans Duiding Strafprocesrecht, Larcier, 2017, 72 et les références à la jurisprudence et à la doctrine.

PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - Interruption - Titre préliminaire du Code de procédure pénale, article 22, alinéa 1er - Acte interruptif - Notion

L'article 50 du code de la route prévoit qu'il est interdit, sauf autorisation spéciale de l'autorité légalement habilitée, de se livrer sur la voie publique à des luttes de vitesse, ainsi qu'à des épreuves sportives; il résulte certes de cette disposition que seuls sont visés les concours présentant un caractère de compétition, mais pas que ce caractère de compétition doit être de nature pécuniaire.

ROULAGE - CODE DE LA ROUTE DU 01-12-1975 - DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES - Article 50 - Luttes de vitesse et épreuves sportives - Caractère de compétition - Nature du caractère de compétition - Portée - Conséquence

L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'empêche pas le juge d'infliger une peine qu'il estime appropriée compte tenu de la nature et de la gravité des faits déclarés établis et de la personne du prévenu, même lorsque cette peine a une incidence sur la capacité de gain du prévenu et risque d'hypothéquer ses perspectives économiques.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale - Imposition d'une peine - Déchéance du droit de conduire - Incidence de la peine sur le prévenu - Portée - Conséquence - PEINE - AUTRES PEINES - Divers - Imposition d'une déchéance du droit de conduire - Incidence de la peine sur le prévenu - Portée - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN, DE SMET BART
Assesseurs : LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-01-14;p.19.0674.n ?

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