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12/11/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0772.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 novembre 2019, P.19.0772.N


N° P.19.0772.N
LE PROCUREUR DU ROI PRÈS LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DE FLANDRE ORIENTALE, division Termonde,
demandeur en cassation,
contre
E. P.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 8 mai 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants

a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation de l'...

N° P.19.0772.N
LE PROCUREUR DU ROI PRÈS LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DE FLANDRE ORIENTALE, division Termonde,
demandeur en cassation,
contre
E. P.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 8 mai 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation de l'article 38, § 1er, 4°, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière : le jugement attaqué refuse, à tort, d'admettre l'existence d'un état de récidive visé par cette disposition et de prononcer une déchéance pour ce motif ; il considère, à tort, que les pièces disponibles ne révèlent pas que le jugement rendu le 21 juin 2016 par le tribunal de police néerlandophone de Bruxelles est passé en force de chose jugée ; or ceci ressort bel et bien de trois pièces du dossier : une copie non signée de ce jugement, obtenue au moyen du programme informatique MACH, le procès-verbal de l'audience du 6 mars 2019 dont il ne ressort pas que le défendeur a contesté l'état de récidive, ainsi qu'une impression obtenue au moyen du système informatique MACH dont il apparait que ce jugement a été signifié le 27 août 2016 et qu'il n'a pas fait l'objet d'un appel ou d'une opposition ; ces pièces suffisent à démontrer l'état de récidive ; les juges d'appel ont méconnu la force probante de ces pièces ; le ministère public supporte la charge de la preuve de l'état de récidive et cet état peut être démontré par tous les moyens révélés par les pièces de la procédure ; la loi ne prévoit pas que cet état doit ressortir d'une copie signée ; le duplicata numérique d'un document a le même contenu que la copie de celui-ci ; les moyens de preuve issus de pièces numériques ne sont pas moins concluants que d'autres ; la copie non signée du jugement provient d'une banque de données alimentée uniquement par le greffe du tribunal de police concerné ; le casier judiciaire central, auquel les communes sont reliées, est une source authentique qui est également alimentée par le greffe ; les informations fournies dans le bulletin de renseignements issu du casier judiciaire communal et dans la copie du jugement coïncident parfaitement ; une condamnation ne peut être mentionnée au casier judiciaire que si elle est passée en force de chose jugée ; si les juges d'appel étaient d'avis que les pièces disponibles étaient insuffisantes pour admettre l'état de récidive, ils auraient dû demander au ministère public de produire des pièces supplémentaires ; les juges d'appel auraient, à tout le moins, dû motiver plus avant les raisons pour lesquelles des informations numériques seraient moins fiables que des indications manuscrites du greffier et préciser la disposition légale selon laquelle seule une indication manuscrite du greffier permet d'établir que le jugement est passé en force de chose jugée ; les juges d'appel n'ont pas davantage examiné le fait que seule une copie non signée du jugement soit disponible à l'aune de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
2. L'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale précise les cas dans lesquels le juge doit conclure à la nullité d'un élément de preuve obtenu irrégulièrement. Cette disposition est étrangère à la question de savoir si les pièces jointes au dossier répressif révèlent à suffisance un état de récidive.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
3. Le jugement attaqué ne considère pas que des informations numériques sont moins fiables que des indications manuscrites du greffier.
Dans cette mesure, le moyen se fonde sur une lecture erronée du jugement attaqué et manque en fait.
4. Dans la mesure où il déduit un défaut de motivation de cette lecture erronée, le moyen est irrecevable.
5. Le juge ne peut admettre l'existence d'un état de récidive que s'il constate que les éléments constitutifs de cette récidive et les conditions qui lui sont applicables sont réunis. Cette preuve doit ressortir des pièces soumises au juge et mises à la disposition des parties.
6. Le ministère public supporte, en tant que partie poursuivante, la charge de la preuve de la réunion des conditions de l'état de récidive.
7. Aucune disposition n'oblige le juge, qui considère que la réunion des conditions de la récidive n'apparaît pas des pièces qui lui ont été soumises, à rouvrir les débats pour donner au ministère public la possibilité de prendre position à cet égard et de verser des pièces supplémentaires.
8. La preuve d'une condamnation antérieure passée en force chose jugée, nécessaire pour établir l'état de la récidive, est en principe apportée par la délivrance, par le greffier, d'une copie de la décision de condamnation ou d'un extrait de cette décision indiquant qu'elle est passée en force de chose jugée.
9. Le ministère public peut également apporter par d'autres moyens la preuve d'une décision de condamnation antérieure et de la force de chose jugée qu'elle a acquise. Il appartient au juge d'apprécier si le ministère public est parvenu à apporter cette preuve.
10. Dans cette appréciation, le juge peut également prendre en considération l'absence de contestation par le prévenu de l'état de récidive. Toutefois, le juge n'est pas tenu de déduire cet état de récidive de la seule absence d'allégation par le prévenu que la réunion des conditions de l'état de récidive ne ressort pas des pièces jointes au dossier.
11. Dans la mesure où il procède d'autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.
12. La jonction au dossier répressif d'une copie ordinaire d'un jugement par défaut censé fonder l'état de récidive, d'une capture d'écran d'un programme informatique utilisé par le greffe qui révèlerait, selon le demandeur, la signification de ce jugement et l'absence d'appel et d'opposition contre celui-ci, ainsi que d'un bulletin de renseignements faisant mention du jugement, n'impose pas aux juges d'appel de considérer la force de chose jugée de ce jugement comme nécessairement établie. Dès lors, ils pouvaient légalement considérer, sans méconnaître la force probante des pièces disponibles, que celles-ci ne permettent pas de constater qu'à la date du jugement attaqué, le jugement invoqué comme fondant l'état de récidive était passé en force de chose jugée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
13. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi.
Laisse les frais à charge de l'État.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Geert Jocqué, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du douze novembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Geert Jocqué, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0772.N
Date de la décision : 12/11/2019
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Le juge ne peut admettre l'existence d'un état de récidive que s'il constate que les éléments constitutifs de cette récidive et les conditions qui lui sont applicables sont réunis et, dans ce cadre, cette preuve doit ressortir des pièces soumises au juge et mises à la disposition des parties, étant entendu que le ministère public supporte la charge de la preuve; la preuve d'une condamnation antérieure passée en force chose jugée, nécessaire pour établir l'état de récidive, est en principe apportée par la délivrance, par le greffier, d'une copie de la décision de condamnation ou d'un extrait de cette décision indiquant qu'elle est passée en force de chose jugée mais peut également être apportée par le ministère public par d'autres moyens, de sorte que dans cette appréciation, le juge peut également prendre en considération l'absence de contestation par le prévenu de l'état de récidive sans être tenu de déduire cet état de récidive de cette seule circonstance (1). (1) Cass. 8 mars 1988, RG 1960, Pas. 1987-1988, nr. 425.

RECIDIVE - Roulage - Loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière - Article 38, § 1er, 4° - Preuve de l'état de récidive - Existence d'une condamnation antérieure passée en force de chose jugée - Conditions - Portée - Conséquence - ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 38 - Article 38, § 1er, 4° - Récidive - Preuve de l'état de récidive - Existence d'une condamnation antérieure passée en force de chose jugée - Conditions - Portée - Conséquence - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Charge de la preuve. Liberté d'appréciation - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, JOCQUE GEERT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-12;p.19.0772.n ?

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