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12/11/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0566.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 novembre 2019, P.19.0566.N


N° P.19.0566.N
S. V. D. H.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me John Maes, avocat au barreau d'Anvers,
contre
1. T. G.,
2. J. V. A.,
3. P. B.,
4. K. D. P.
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.<

br>II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen :
3. Le moyen est pris de la violation des articles 7 ...

N° P.19.0566.N
S. V. D. H.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me John Maes, avocat au barreau d'Anvers,
contre
1. T. G.,
2. J. V. A.,
3. P. B.,
4. K. D. P.
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen :
3. Le moyen est pris de la violation des articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 12 et 14 de la Constitution, 2, alinéa 1er, et 373 du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance du principe de légalité : l'arrêt applique rétroactivement, à tort, certains éléments constitutifs (la ruse, l'infirmité, la déficience physique ou mentale ainsi que la contrainte) ; en effet, l'arrêt déclare le demandeur coupable du chef des préventions actualisées A, B, C.II, C.III, C.IV, C.VI, D.I, D.IV, D.V, D.VII, D. VIII, E et F, telles que requalifiées conformément aux articles 9 et 10 de la loi du 1er février 2016 modifiant diverses dispositions en ce qui concerne l'attentat à la pudeur et le voyeurisme, alors que les faits ont été commis avant l'entrée en vigueur de cette loi, intervenue le 29 février 2016 ; cette loi ajoute à l'infraction d'attentat à la pudeur de nouveaux facteurs excluant le consentement, à savoir la contrainte, la surprise ou la ruse ainsi que l'infirmité et la déficience physique ou mentale, et ajoute la menace et la surprise s'agissant de l'infraction de viol ; la considération de l'arrêt selon laquelle ces ajouts résultent de la jurisprudence relative à la notion de « violences ou menaces », n'est pas pertinente ; en effet, cette jurisprudence était équivoque ou n'était pas constante et la doctrine a émis d'importantes réserves concernant cette interprétation large.
4. Il résulte du principe de légalité tel qu'il est consacré aux articles 7, § 1er, de la Convention, 15, § 1er, du Pacte précité et 2 du Code pénal que, lorsque le législateur a modifié la qualification d'une infraction après la commission de celle-ci, le juge ne peut, en principe, déclarer un prévenu coupable que s'il constate que cette infraction est punissable tant sous l'empire de l'ancienne loi qu'en application de la nouvelle.
5. Toutefois, le principe de légalité n'empêche pas le juge de considérer que la nouvelle loi se borne à reproduire l'interprétation de l'ancienne loi par la jurisprudence et que, par conséquent, la nouvelle loi n'ajoute aucun élément constitutif.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
6. Avant sa modification par la loi du 1er février 2016, l'article 373, alinéa 1er, du Code pénal punissait l'attentat à la pudeur commis avec violences ou menaces. Depuis cette modification, l'article 373, alinéa 1er, du Code pénal punit l'attentat à la pudeur commis avec violence, contrainte, menace, surprise ou ruse, ou qui a été rendu possible en raison d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale de la victime.
7. Avant sa modification par la loi du 1er février 2016, l'article 375, alinéa 1er, du Code pénal, précisait qu'il n'y a pas consentement lorsque l'acte a été imposé par violence, contrainte ou ruse, ou a été rendu possible en raison d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale de la victime. Depuis cette modification, l'article 375, alinéa 1er, du Code pénal prévoit qu'il n'y a pas consentement notamment lorsque l'acte a été imposé par violence, contrainte, menace, surprise ou ruse, ou a été rendu possible en raison d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale de la victime.
8. Avant même l'entrée en vigueur de la loi du 1er février 2016, la notion de « violences ou menaces » figurant à l'article 373, alinéa 1er, du Code pénal englobait les cas de « contrainte, surprise, ruse, ou l'infirmité ou la déficience mentale de la victime ». Avant même l'entrée en vigueur de la loi du 1er février 2016, les facteurs excluant le consentement figurant à l'article 375, alinéa 1er, du Code pénal s'étendaient également aux cas de « menace ou surprise ».
9. L'arrêt (...) actualise les qualifications des faits du chef desquels il déclare le demandeur coupable, conformément à la loi du 1er février 2016. Il considère ensuite (...) que les faits sont punissables tant sous l'empire de l'ancienne loi qu'en application de la nouvelle. Enfin, il décide (...) que, même si les termes de contrainte, de surprise ou de ruse ne figuraient pas dans l'incrimination légale au moment des faits mis à charge, l'ajout de ces termes résulte de l'interprétation faite de la notion de « violences ou menaces » par la jurisprudence. Par cette considération, l'arrêt ne viole pas les dispositions visées au moyen et ne méconnaît pas le principe de légalité.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
10. Le moyen est pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : les juges d'appel ont tenu compte des déclarations à l'audience qui font l'objet d'une plainte pour faux serment ; de plus, ces déclarations ont été faites plusieurs années après les faits, moment où les souvenirs des intéressés s'étaient probablement estompés.
11. Le droit à un procès équitable, consacré à l'article 6 de la Convention, n'empêche pas le juge pénal de tenir compte, dans l'appréciation de la culpabilité d'un prévenu du chef d'un fait punissable, des déclarations faites sous serment devant lui, par des témoins contre lesquels ledit prévenu s'est constitué partie civile entre les mains du juge d'instruction du chef de faux serment. Le juge apprécie souverainement la valeur probante de telles déclarations.
12. Le droit à un procès équitable, consacré à l'article 6 de la Convention, n'empêche pas le juge pénal de tenir compte, dans l'appréciation de la culpabilité d'un prévenu, des déclarations faites sous serment, devant lui, par des témoins concernant des faits qui se sont produits plusieurs années auparavant. La valeur probante de telles déclarations est également appréciée souverainement par le juge.
13. Le moyen, qui est déduit d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
(...)
Le contrôle d'office
20. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi.
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Geert Jocqué, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du douze novembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Geert Jocqué, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0566.N
Date de la décision : 12/11/2019
Type d'affaire : Droit constitutionnel - Autres - Droit international public - Droit pénal

Analyses

Il résulte du principe de légalité tel qu'il est consacré aux articles 7, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 2 du Code pénal que, lorsque le législateur a modifié la qualification d'une infraction après la commission de celle-ci, le juge ne peut, en principe, déclarer un prévenu coupable que s'il constate que cette infraction est punissable tant sous l'empire de l'ancienne loi qu'en application de la nouvelle; toutefois, le principe de légalité n'empêche pas le juge de considérer que la nouvelle loi se borne à reproduire l'interprétation de l'ancienne loi par la jurisprudence et que, par conséquent, la nouvelle loi n'ajoute aucun élément constitutif.

LOIS. DECRETS. ORDONNANCES. ARRETES - APPLICATION DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE - Application dans le temps - Attentat à la pudeur et viol - Loi du 1er février 2016 modifiant la qualification de l'infraction après la commission de celle-ci - Portée - Conséquence - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - Principe de légalité - Code pénal, article 2 - Application de la loi dans le temps - Attentat à la pudeur et viol - Loi du 1er février 2016 modifiant la qualification de l'infraction après la commission de celle-ci - Portée - Conséquence - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 7 - Article 7, § 1er - Principe de légalité - Application de la loi dans le temps - Attentat à la pudeur et viol - Loi du 1er février 2016 modifiant la qualification de l'infraction après la commission de celle-ci - Portée - Conséquence - DROITS DE L'HOMME - PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES - Article 15 - Article 15, § 1er - Principe de légalité - Application de la loi dans le temps - Attentat à la pudeur et viol - Loi du 1er février 2016 modifiant la qualification de l'infraction après la commission de celle-ci - Portée - Conséquence - ATTENTAT A LA PUDEUR ET VIOL - Loi du 1er février 2016 modifiant la qualification de l'infraction après la commission de celle-ci - Application dans le temps - Portée - Conséquence

Avant même l'entrée en vigueur de la loi du 1er février 2016, la notion de « violences ou menaces » figurant à l'article 373, alinéa 1er, du Code pénal englobait les cas de « contrainte, surprise, ruse, ou l'infirmité ou la déficience mentale de la victime » et, avant même l'entrée en vigueur de la loi du 1er février 2016, les facteurs excluant le consentement figurant à l'article 375, alinéa 1er, du Code pénal s'étendaient également aux cas de « menace ou surprise » (1). (1) B. SPRIET et J. BOECKXSTAENS, "Het nieuwe misdrijf van voyeurisme en een aanpassing van het misdrijf van aanranding van de eerbaarheid en verkrachting", T. Strafr. 2013, liv. 3, 207-223.

ATTENTAT A LA PUDEUR ET VIOL - Attentat à la pudeur - Code pénal, article 373, alinéa 1er - Qualification de l'infraction - Notions de violences et menaces - Modification de l'article 373, alinéa 1er, du Code pénal par la loi du 1er février 2016 - Portée des notions - Conséquence

Le droit à un procès équitable, consacré à l'article 6 de la Convention, n'empêche pas le juge pénal de tenir compte, dans l'appréciation de la culpabilité d'un prévenu du chef d'un fait punissable, des déclarations faites sous serment, devant lui, par des témoins contre lesquels ledit prévenu s'est constitué partie civile entre les mains du juge d'instruction du chef de faux serment, ou des déclarations faites sous serment, devant lui, par des témoins concernant des faits qui se sont produits plusieurs années auparavant (1). (1) Cass. 6 octobre 2010, RG P.09.0635.F, Pas. 2010, n° 577 avec concl. de M. VANDERMEERSCH, avocat général.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Droit à un procès équitable - Déclarations faites par des témoins contre lesquels une plainte a été déposée du chef de faux serment - Déclarations faites par des témoins concernant des faits qui se sont produits plusieurs années auparavant - Empêchement d'en tenir compte pour l'appréciation de la cause - Portée - Conséquence - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Preuve testimoniale - Déclarations faites par des témoins contre lesquels une plainte a été déposée du chef de faux serment - Déclarations faites par des témoins concernant des faits qui se sont produits plusieurs années auparavant - Empêchement d'en tenir compte pour l'appréciation de la cause - Portée - Conséquence - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Matière répressive - Action publique - Déclarations faites par des témoins contre lesquels une plainte a été déposée du chef de faux serment - Déclarations faites par des témoins concernant des faits qui se sont produits plusieurs années auparavant - Empêchement d'en tenir compte pour l'appréciation de la cause - Portée - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, JOCQUE GEERT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-12;p.19.0566.n ?

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