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22/10/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0487.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 octobre 2019, P.19.0487.N


N° P.19.0487.N
I. 1. V. T.,
2. U. T.,
3. N. S.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Bart Siffert, avocat au barreau de Bruxelles,
II. E. U. D.,
demanderesse en cassation,
prévenue,
tous les pourvois contre
CENTRE FÉDÉRAL POUR L'ANALYSE DES FLUX MIGRATOIRES, LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES ÉTRANGERS ET LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre corre

ctionnelle.
Les demandeurs I invoquent quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie ...

N° P.19.0487.N
I. 1. V. T.,
2. U. T.,
3. N. S.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Bart Siffert, avocat au barreau de Bruxelles,
II. E. U. D.,
demanderesse en cassation,
prévenue,
tous les pourvois contre
CENTRE FÉDÉRAL POUR L'ANALYSE DES FLUX MIGRATOIRES, LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES ÉTRANGERS ET LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Les demandeurs I invoquent quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
La demanderesse II ne présente pas de moyen.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur les moyens des demandeurs I :
(...)
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
11. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 380, § 1er, 3°, du Code pénal : l'arrêt considère, à tort, que les demandeurs ont tiré un profit anormal en réclamant un loyer supérieur à celui généralement fixé pour un immeuble similaire ; un loyer largement supérieur à celui généralement fixé pour un immeuble normal ne doit pas être nécessairement considéré comme un profit anormal ; cela n'est nullement établi ; il est implicitement admis que le montant du loyer versé n'était pas à tel point alarmant que les demandeurs I pouvaient supposer une situation d'exploitation ou d'abus ; cela démontre qu'aucun profit anormal n'a été réalisé.
12. L'article 380, § 1er, 3°, du Code pénal punit quiconque aura vendu, loué ou mis à disposition aux fins de la prostitution des chambres ou tout autre local dans le but de réaliser un profit anormal.
Cette incrimination ne requiert pas la preuve que l'auteur avait connaissance d'une quelconque exploitation.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
13. Le juge pénal apprécie souverainement et dans la mesure où il se réfère sous son acception usuelle à la notion de profit anormal, que la loi ne précise pas davantage, si la location de chambres aux fins de la prostitution a pour but de réaliser un profit anormal. La Cour se borne à vérifier si le juge ne tire pas de ses constatations des conséquences qui leur sont étrangères ou qu'elles ne peuvent justifier.
14. Par motifs propres et par adoption des motifs du jugement entrepris, les juges d'appel ont considéré que tous les demandeurs I savaient que les immeubles qu'ils mettaient en location étaient affectés à des activités de prostitution et que les loyers perçus n'étaient pas proportionnés à la superficie relativement exiguë, au manque de confort et de commodités, au piètre état et aux conditions indignes des locaux mis à disposition. Ils ont décidé, sur le fondement de ces constatations, que chacun des demandeurs I avait pour but, en réclamant les loyers litigieux, de réaliser un profit anormal tiré de la mise à disposition de locaux misérables dans des conditions indignes aux fins de la prostitution, et cette décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(...)
Sur le quatrième moyen, pris dans son ensemble :
19. Le moyen, en sa première branche, invoque la violation des droits de la défense : le jugement dont appel a ordonné la confiscation de parties des différents immeubles des demandeurs I, en application de l'article 42, 1°, du Code pénal, alors que le ministère public a requis la confiscation sur la base de l'article 43quater, § 4, du Code pénal ; la modification du fondement juridique s'est opérée sans qu'aucun débat ne soit mené à ce propos et sans réouverture préalable des débats.
Le moyen, en sa seconde branche, invoque un défaut de motivation : la motivation de l'arrêt est lacunaire et erronée ; l'arrêt indique que le juge du fond a statué sur les réquisitions écrites du ministère public qui requérait la confiscation sur la base de l'article 43quater du Code pénal, alors que la confiscation a été prononcée sur un autre fondement juridique.
20. Dans la mesure où il est dirigé contre le jugement dont appel et non l'arrêt, le moyen, en ses deux branches, est irrecevable.
21. L'article 382ter, alinéa 1er, du Code pénal prévoit la confiscation obligatoire des chambres ou autres locaux visés à l'article 380, § 1er, 3°, du Code pénal, faisant l'objet de cette infraction, conformément à l'article 42, 1°, du Code pénal. Cette confiscation ne requiert pas de réquisitions, écrites ou non, du ministère public. Dans sa défense, le prévenu doit toujours tenir compte du caractère obligatoire de cette confiscation. La circonstance que le ministère public requiert la confiscation de ces chambres ou autres locaux sur la base d'un autre fondement juridique n'y change rien.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en ses deux branches, manque en droit.
22. L'arrêt ordonne, à l'encontre des demandeurs, les confiscations critiquées par le moyen des parties des immeubles faisant l'objet des préventions E.1, E.2 et E.3 sur le fondement de l'article 42, 1°, du Code pénal. Ainsi, cette décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen, en ses deux branches, ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
23. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Sidney Berneman, Frédéric Lugentz et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-deux octobre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0487.N
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

L'article 380, § 1er, 3°, du Code pénal, qui punit quiconque aura vendu, loué ou mis à disposition aux fins de la prostitution des chambres ou tout autre local dans le but de réaliser un profit anormal, ne requiert pas la preuve que l'auteur avait connaissance d'une quelconque exploitation.

DEBAUCHE ET PROSTITUTION - Location de chambres - Profit anormal - Preuve - Limite [notice1]

Le juge pénal apprécie souverainement et dans la mesure où il se réfère sous son acception usuelle à la notion de profit anormal, que la loi ne précise pas davantage, si la location de chambres aux fins de la prostitution a pour but de réaliser un profit anormal; la Cour se borne à vérifier si le juge ne tire pas de ses constatations des conséquences qui leur sont étrangères ou qu'elles ne peuvent justifier (1). (1) Cass. 13 avril 1999, RG P.98.0898.N, Pas. 1999, n° 204.

DEBAUCHE ET PROSTITUTION - Location de chambres - Profit anormal - Notion - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Matière répressive - Débauche et prostitution - Location de chambres - Profit anormal - CASSATION - DE LA COMPETENCE DE LA COUR DE CASSATION - Divers - Matière répressive - Débauche et prostitution - Location de chambres - Profit anormal - Appréciation souveraine par le juge - Contrôle par la Cour [notice2]

L'article 382ter, alinéa 1er, du Code pénal prévoit la confiscation obligatoire des chambres ou autres locaux visés à l'article 380, § 1er, 3°, du Code pénal, faisant l'objet de cette infraction, conformément à l'article 42, 1°, du Code pénal, de sorte que cette confiscation ne requiert pas de réquisitions, écrites ou non, du ministère public et que, dans sa défense, le prévenu doit toujours tenir compte du caractère obligatoire de cette confiscation; la circonstance que le ministère public requiert la confiscation de ces chambres ou autres locaux sur la base d'un autre fondement juridique n'y change rien.

DEBAUCHE ET PROSTITUTION - Location de chambres - Objet de l'infraction - Confiscation obligatoire - Conséquence - PEINE - AUTRES PEINES - Confiscation - Débauche et prostitution - Location de chambres - Objet de l'infraction - Confiscation obligatoire - Conséquence [notice5]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 380, § 1, 3° - 01 / No pub 1867060850

[notice2]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 380, § 1, 3° - 01 / No pub 1867060850

[notice5]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 42, 1°, 380, § 1er, 3°, et 382ter, al. 1er - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : TIMPERMAN MARC
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, LUGENTZ FREDERIC, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-10-22;p.19.0487.n ?

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