Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 juin 1984 et 26 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Bain-de-Bretagne, (Ille-et-Vilaine), et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule un jugement en date du 26 avril 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à payer diverses indemnités à M. X... et à l'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Arnoult, Maître des requêtes,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de la commune de Bain-de-Bretagne,
- les conclusions de M. de la Verpillière, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'article 3 du jugement attaqué :
Considérant que, par jugement en date du 17 mars 1983, le tribunal administratif de Rennes a, par son article 1er, déclaré la commune de Bain-de-Bretagne responsable de l'accident dont M. Jean-Claude X... a été victime le 4 septembre 1979 du fait du mauvais fonctionnement de feux de circulation, par son article 2, condamné l'Etat (ministre de la défense) à garantir la commune des condamnations par elle encourues, par son article 4, ordonné une expertise pour évaluer le préjudice corporel subi par M. X... ; qu'à la demande du ministre de la défense, le Conseil d'Etat, statuant au Contentieux, par une décision n° 50837 du 22 juin 1987, a annulé l'article 2 de ce jugement et rejeté les conclusions de la commune de Bain-de-Bretagne tendant à ce que l'Etat soit condamné à la garantir des condamnations encourues par elle ;
Considérant que le jugement attaqué, rendu après expertise, qui prononce à l'encontre de ladite commune diverses condamnations au bénéfice de M. X... et de l'Etat (ministre de l'intérieur), condamne à nouveau l'Etat (ministre de la défense), par son article 3, à garantir la commune de ces condamnations et, par son article 4, met les frais d'expertise à sa charge ; que ni la commune de Bain-de-Bretagne, ni le ministre de l'intérieur ne demandent l'annulation de ces articles 3 et 4 ; que toutefois entre ces articles, s'ils subsistaient, et la décision susanalysée du Conseil d'Etat du 22 juin 1987, il existerait une contradiction conduisant à un déni de justice ; que, dans ces conditions, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en raison de cette contrariété, de déclarer nulles et non avenues les dispositions des articles 3 et 4 ;
Sur le montant du préjudice indemnisable :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que M. X..., dont l'accident a entraîné un traumatisme crânien sans lésion osseuse et une entorse de la cheville droite, n'a subi aucun préjudice esthétique susceptible d'être indemnisé ; qu'en revanche, il y a lieu d'évaluer à 6 000 F le préjudice résultant des douleurs physiques endurées par lui du fait de son hospitalisation et à 15 000 F les troubles de toute nature apportés dans ses conditions d'existence autres que ceux qui résultent de la diminution de ses capacités physiques, indemnisés par l'allocation temporaire d'invalidité à laquelle il a droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour évaluer le préjudice résultant de l'accident de M. X..., il y a lieu d'ajouter aux sommes susmentionnées, d'une part, 15 873,02 F, montant des émoluments versés par l'Etat à la victime pour la période du 5 septembre 1979, date de son arrêt de travail, jusqu'au 2 décembre 1979, date à laquelle l'intéressé a été jugé apte à reprendre son activité professionnelle, d'autre part, 19 408,44 F, montant non contesté des frais médicaux et pharmaceutiques pris en charge par l'Etat ;
Considérant, en troisième lieu, que le dommage résultant de l'incapacité permanente partielle dont le taux a été apprécié à 10 % par l'expert, doit être évalué à 20 000 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice global subi par M. X... et dont la commune de Bain-de-Bretagne est responsable s'élève à la somme de 76 281,46 F ; que la part de cette somme, imputable au préjudice corporel, sur lesquels les droits de l'Etat peuvent s'imputer s'élève à 55 281,46 F ;
Sur les droits de l'Etat :
Considérant qu'en vertu de l'article 1er-II de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, l'action de l'Etat contre le tiers responsable concerne notamment "le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service, les frais médicaux et pharmaceutiques" ... ; qu'aux termes de l'article 1er-III de la même ordonnance, l'Etat peut également demander "le remboursement par le tiers responsable des arrérages de pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une concession définitive", ledit remboursement étant "effectué par le versement d'une somme liquidée en calculant le capital représentatif de la pension ou de la rente" ;
Considérant que les sommes dont l'Etat demande le remboursement comprennent le traitement versé à la victime durant son incapacité temporaire totale, les frais médicaux et pharmaceutiques et le capital constitutif de l'allocation temporaire d'invalidité versée à M. X... ; que le total de ces sommes excède la partie du préjudice subi par M. X... sur laquelle elles peuvent s'imputer, soit 55 281,46 F ; que, par suite, la commune de Bain-de-Bretagne est fondée à demander que le montant de l'indemnité qu'elle a été condamnée à payer à l'Etat soit ramené de 168 204,39 F à 55 281,46 F ;
Sur les droits de M. X... :
Considérant qu'après déduction des droits de l'Etat, M. X... peut prétendre au paiement de la somme globale de 21 000 F au titre de son préjudice personnel ; que, par suite, la commune de Bain-de-Bretagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à payer à M. X... une indemnité de ce montant ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre les frais d'expertise à la charge de la commune de Bain-de-Bretagne ;
Article 1er : La somme de 168 204,39 F que la commune de Bain-de-Bretagne a été condamnée à verser à l'Etat par le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 26 avril 1984 est ramenée à 55 281,46 F. L'article 1er de ce jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent article.
Article 2 : Les articles 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 26 avril 1984 sont déclarés nuls et non avenus.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de la commune de Bain-de-Bretagne.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Bain-de-Bretagne est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bain-de-Bretagne, à M. X..., au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, au ministre de l'intérieur et au ministre de la défense.