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30/01/2019 | FRANCE | N°414136

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 30 janvier 2019, 414136


Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1510028/1-3 du 20 mai 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16PA02333 du 7 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique

, enregistrés les 8 septembre 2017 et 11 décembre 2017 et le 15 juin 2018 au secrétari...

Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1510028/1-3 du 20 mai 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16PA02333 du 7 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 septembre 2017 et 11 décembre 2017 et le 15 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., salarié de la société Crédit agricole CIB, alors qu'il avait saisi la juridiction prud'homale le 7 juin 2010 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail assortie d'une demande d'indemnisation, au motif que son employeur ne l'avait pas affecté à un poste correspondant à ses qualifications, a fait l'objet d'un licenciement notifié par courrier du 8 juin 2011. Le 30 juin 2011, il a conclu avec son employeur un protocole d'accord transactionnel de rupture du contrat de travail qui a notamment prévu le versement d'une indemnité transactionnelle de 160 000 euros en contrepartie du désistement de l'action qu'il avait engagée en vue de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de toute autre action visant à contester son licenciement. A la suite d'un contrôle, l'administration fiscale a réintégré une partie de cette indemnité dans son revenu imposable. M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 7 juillet 2017 qui a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mai 2016 rejetant sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de ce redressement.

2. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux sommes perçues en 2011 : " I. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes / Ne constituent pas une rémunération imposable : / 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2 et L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; / (...) 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail qui n'excède pas : / a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail ; ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités,/ b) soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ". L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis / Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires de six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ". L'article L. 1235-1 du même code dispose qu' " en cas de litige, le juge a qui il appartient d'apprécier (...) le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".

3. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités, accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont exonérées d'imposition. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction.

4. Par suite, en jugeant que M. A...ne pouvait bénéficier de l'exonération réservée par les dispositions, citées au point 2, de l'article 80 duodecies du code général des impôts aux indemnités de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail, au motif qu'il n'apportait pas la preuve dont il avait la charge que la somme versée à la suite de la transaction conclue avec la société Crédit Agricole CIB correspondait à de telles indemnités, alors qu'il incombait à la cour de se prononcer au vu de l'instruction, compte tenu des éléments fournis par les parties et, le cas échéant, de mesures d'instruction, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, que M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 7 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. A...au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Monsieur B... et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414136
Date de la décision : 30/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE. - EXONÉRATION DES INDEMNITÉS VERSÉES À L'OCCASION D'UN LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE (ART. 80 DUODECIES DU CGI) - CAS D'UNE INDEMNITÉ ALLOUÉE EN VERTU D'UNE TRANSACTION - OBLIGATION POUR LE JUGE DE RECHERCHER SI LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL EST ASSIMILABLE À UN TEL LICENCIEMENT ET, PAR SUITE, DE QUALIFIER LES SOMMES OBJET DE LA TRANSACTION - EXISTENCE - RÉGIME DE PREUVE OBJECTIVE - EXISTENCE [RJ1].

19-04-01-02-03 Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités, accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont exonérées d'imposition. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction.


Références :

[RJ1]

Rappr., sous l'empire des dispositions antérieures du 1 de l'article 80 duodecies du CGI, CE, 5 juillet 2018,,, n° 401157, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2019, n° 414136
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Ramain
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:414136.20190130
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