La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2018 | FRANCE | N°401157

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 05 juillet 2018, 401157


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999. Par un jugement n° 0422983 du 5 juin 2009 le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 09PA049911 du 7 octobre 2011, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions supplémentaires mises à la charge de M.A.en France

Par une décision n° 35467

1 du 4 décembre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, sur le pourvoi d...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999. Par un jugement n° 0422983 du 5 juin 2009 le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 09PA049911 du 7 octobre 2011, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions supplémentaires mises à la charge de M.A.en France

Par une décision n° 354671 du 4 décembre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, sur le pourvoi du ministre de l'économie et des finances, annulé l'arrêt du 7 octobre 2011 de la cour administrative d'appel et renvoyé l'affaire devant elle.

Par un arrêt n° 13PA04774 du 4 mai 2016, la cour administrative d'appel de Paris a, sur renvoi du Conseil d'Etat, rejeté l'appel formé par M. A...contre le jugement du 5 juin 2009.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 4 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 mai 2016 de la cour administrative d'appel de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, signée le 22 mai 1968 ;

- la Constitution, notamment son article 55 ;

- la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M. B...A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a été licencié par son employeur le 27 juillet 1999 et a transféré son domicile au Royaume-Uni au cours du mois d'août de la même année. Le 25 novembre 1999, il a perçu une indemnité transactionnelle de 9.100.000 francs (1 387 286,1 euros). A l'issue d'un contrôle de son dossier fiscal, l'administration a soumis à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires, la partie de cette indemnité excédant le montant prévu par la convention collective. Le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 5 juin 2009, a rejeté la demande de M. A... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999. Par un arrêt du 7 octobre 2011, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et prononcé la décharge de ces impositions. Sur un pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par une décision du 4 décembre 2013, annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire. La cour a, par un nouvel arrêt du 4 mai 2016, rejeté l'appel formé par M.A.en France Il demande l'annulation de cet arrêt.

2. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi de finances pour 2000 du 30 décembre 1999, applicable aux sommes perçues en 1999 : " Sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan social au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail, des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ".

3. Pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité de cette disposition à la Constitution.

4. Il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que ces dispositions, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction. Il s'ensuit qu'en cas d'indemnité allouée en vertu d'une transaction, l'administration et, lorsqu'il est saisi, le juge de l'impôt doivent rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction.

5. A cet égard, les sommes perçues par un salarié en exécution d'une transaction conclue avec son employeur ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail, devenu l'article L. 1235-3 du même code, que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérées. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction.

6. Par suite, en jugeant que M. A...ne pouvait bénéficier de l'exonération réservée par les dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts aux indemnités de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail, au motif qu'il lui incombait d'apporter la preuve que la somme versée à la suite de la transaction conclue avec la société Synthelabo-Recherche correspondait à de telles indemnités, alors qu'il incombait à la cour de se prononcer au vu de l'instruction, compte tenu des éléments fournis par les parties et, le cas échéant, de mesures d'instruction, la cour a commis une erreur de droit.

7. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

8. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ".

Sur l'application de l'article 80 duodecies :

9. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts, issues de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, étaient applicables à l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1999 en vertu de l'article 1er de cette loi. La circonstance que le requérant ait transféré son domicile hors de France au cours de l'année 1999 est sans incidence sur l'applicabilité des dispositions à l'indemnité en litige.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.

11. En adoptant les dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts, le législateur ne peut être regardé comme ayant remis en cause un avantage fiscal dont les contribuables pouvaient espérer la pérennisation. La circonstance que les indemnités de licenciement ont été imposées suivant des modalités différentes avant l'entrée en vigueur de l'article 80 duodecies ne peut être regardée comme caractérisant l'existence d'un bien. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il avait une espérance légitime de ne pas être imposé à raison des indemnités perçues au cours de l'année 1999. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit, par suite, être écarté.

12. En troisième lieu, d'une part, le principe de confiance légitime qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. D'autre part, M. A...ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe général du droit à la sécurité juridique, dès lors qu'il se borne à critiquer une disposition législative. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique par l'article 80 duodecies du code général des impôts doivent être écartés.

13. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail peuvent être exonérées ou non d'impôt sur le revenu selon les conditions de leur versement. En particulier, la circonstance que les indemnités ont été versées en vertu d'une transaction ne suffit pas à elle seule à les rendre nécessairement imposables. Il incombe au juge de l'impôt d'apprécier, conformément à la jurisprudence établie du juge du travail et au vu de l'instruction, si le licenciement à l'origine des indemnités transactionnelles est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, dans l'affirmative, si les sommes versées correspondent en tout ou partie à une indemnisation au titre d'un tel licenciement.

14. Il résulte de l'instruction que M. A...a été recruté par la société Synthélabo-Recherche en 1976 en qualité de directeur de la biologie et qu'en 1999 il occupait les fonctions de directeur de la division recherche. A l'occasion de la fusion entre les groupes Synthelabo et Sanofi, un litige est apparu entre la direction du groupe Synthelabo et M.A.en France Ce litige n'ayant pas été résolu, M. A...a été licencié pour faute par une décision du 27 juillet 1999. Il a contesté le licenciement et a saisi le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt d'une demande tendant à obtenir réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi, avant de conclure une transaction avec la société le 25 novembre 1999. Il ressort de cette transaction qu'il existait un désaccord sur les missions que le groupe souhaitait confier à M. A... dans le cadre de la restructuration de ce groupe. Si M. A...fait valoir que la réorganisation projetée du groupe auquel il appartenait aboutissait à une diminution de ses responsabilités, il n'apporte aucun élément précis à l'appui de cette allégation. En revanche, il ressort de la convention que M.A..., qui conservait son poste de directeur de la recherche de Synthélabo avec un périmètre de compétences et de responsabilités inchangées, a contesté le choix du directeur de la recherche de Sanofi pour occuper les nouvelles fonctions de directeur scientifique du groupe chargé de superviser les deux directions de la recherche, fonctions auxquelles il prétendait. Par ailleurs, le ministre soutient, sans être utilement contredit, que la société a proposé à M. A...de nouvelles fonctions équivalentes en terme de rémunération et de responsabilités à l'intérieur du groupe et qu'il les a refusées sans justification sérieuse. Dans ces conditions, et alors que le désaccord portait sur l'organisation du nouveau groupe et non sur une modification du contrat de travail de M.A..., le licenciement dont il a fait l'objet ne peut être regardé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse conformément à une jurisprudence établie du juge du travail. Les indemnités transactionnelles qu'il a reçues étaient, dès lors, imposables sur le fondement du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts.

Sur le caractère imposable de la somme en France :

15. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Les personnes dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de leurs seuls revenus de source française (...) ". Aux termes de l'article 164 A du même code : " Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France (...) ". Aux termes de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : (...) d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France ou d'opérations de caractère lucratif au sens de l'article 92 et réalisées en France (...) ". Aux termes de l'article 167 du code : " 1. Le contribuable domicilié en Francequi transfère son domicile à l'étranger est passible de l'impôt sur le revenu à raison des revenus dont il a disposé pendant l'année de son départ jusqu'à la date de celui-ci, des bénéfices industriels et commerciaux qu'il a réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé, et de tous revenus qu'il a acquis sans en avoir la disposition antérieurement à son départ (...) ". Enfin, aux termes de l'article 182 A du même code dans sa rédaction applicable en 1999 : " I. Les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l'application d'une retenue à la source (...) ".

16. Il est constant que M. A...a quitté la France pour s'établir au Royaume-Uni au cours du mois d'août 1999 et y a transféré son domicile à compter de cette date.

17. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'indemnité en litige, versée à la suite de la rupture de son contrat de travail, n'a pas d'autre cause que l'exercice de l'activité professionnelle salariée exercée jusqu'en juillet 1999 par M. A... en France. Cette indemnité constitue ainsi un revenu de source française provenant d'une activité professionnelle salariée exercée en France au sens des dispositions précitées de l'article 164 B du code général des impôts. M.A..., résident fiscal britannique à la date du versement de l'indemnité transactionnelle, était, dès lors, passible de l'impôt sur ce revenu de source française en application du second alinéa de l'article 4 A du code général des impôts.

18. En deuxième lieu, si M. A...invoque les termes de la documentation administrative de base référencée 5 B-7111 n° 7 et 5 B-214 n° 4 dans leurs versions respectivement mises à jour le 1er août 2001 et le 1er septembre 1999, leurs énonciations ne donnent pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle qui vient d'être donnée.

19. En troisième lieu, si l'article 182 A du code général des impôts prévoit des modalités particulières d'établissement et de recouvrement par voie de retenue à la source de l'imposition du revenu dont sont passibles les personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France et qui perçoivent des traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française, il n'a ni pour objet ni pour effet d'exclure l'assujettissement du bénéficiaire à l'impôt sur le revenu à raison de ses revenus de source française. M. A...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'indemnité en litige ne pouvait être imposée à l'impôt sur le revenu et qu'elle devait être soumise à une retenue à la source libératoire de l'impôt sur le revenu.

20. En dernier lieu, les dispositions de l'article 167 du code général des impôts, qui sont applicables à l'imposition des contribuables visés au premier alinéa de l'article 4 A du même code avant leur départ du territoire français, sont relatives aux modalités d'imposition des revenus en cas de transfert du domicile hors de France et ne font pas obstacle à l'application des dispositions combinées du second alinéa de l'article 4 A et de l'article 164 B du code aux personnes qui ne résident pas fiscalement en France au titre des revenus de source française qu'elles perçoivent. M. A...ne peut dès lors utilement soutenir que l'article 167 ne permettait pas l'imposition de l'indemnité en litige en France, compte-tenu de la date du transfert de son domicile fiscal au Royaume-Uni.

Sur la convention fiscale franco-britannique :

21. Aux termes de l'article 15 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968, dans sa version alors applicable : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 16, 18, 19 et 20, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat (...) ". Aux termes de l'article 22 de la même convention : " 1. Les éléments du revenu bénéficiant effectivement à un résident d'un Etat contractant, d'où qu'ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention ne sont imposables que dans cet Etat ". Aux termes de l'article 2 de cette convention : " Pour l'application des dispositions de la présente convention par un Etat contractant, toute expression qui n'est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation dudit Etat régissant les impôts faisant l'objet de la convention, à moins que le contexte exige une interprétation différente ".

22. L'indemnité transactionnelle en litige a été perçue à la suite de la rupture du contrat de travail et trouve son origine dans le contrat de travail ainsi qu'il a été dit au point 17. Elle doit être regardée, en conséquence, comme une rémunération similaire aux salaires et traitements perçus au titre d'un emploi salarié mentionnés à l'article 79 du code général des impôts et est définie comme une rémunération imposable par l'article 80 duodecies. Par suite, en application des stipulations de l'article 2 de la convention fiscale franco-britannique, l'indemnité transactionnelle entre dans le champ des stipulations de l'article 15 de cette convention. En application de ces stipulations, cette somme, qui a été versée par une entreprise à la suite de la rupture d'un contrat de travail se rapportant à une activité salariée exercée en France, est imposable en France et non dans l'Etat de résidence du contribuable à la date de perception de cette indemnité. En tout état de cause, l'imposition en France de l'indemnité en litige ne méconnaît pas l'article 55 de la Constitution dès lors que la convention fiscale attribue à la France la compétence pour l'imposer, contrairement à ce que soutient M.A.en France

23. Le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la réponse ministérielle à M. C..., député, publié au Journal officiel du 27 janvier 1997, qui est antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 80 duodecies du code général des impôts posant le principe d'assujettissement à l'impôt sur le revenu des indemnités de licenciement et est relative à l'application des principes jurisprudentiels antérieurs aux travailleurs frontaliers français exerçant leur activité en Allemagne.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A...doit être rejetée. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 4 mai 2016 est annulé.

Article 2 : La requête de M. A...et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 401157
Date de la décision : 05/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE. - EXONÉRATION DES INDEMNITÉS VERSÉES À L'OCCASION D'UN LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE (1 DE L'ART. 80 DUODECIES DU CGI) - CAS D'UNE INDEMNITÉ ALLOUÉE EN VERTU D'UNE TRANSACTION - OBLIGATION POUR LE JUGE DE RECHERCHER SI LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL EST ASSIMILABLE À UN TEL LICENCIEMENT ET PAR SUITE, DE QUALIFIER LES SOMMES OBJET DE LA TRANSACTION - EXISTENCE - RÉGIME DE PREUVE OBJECTIVE - EXISTENCE.

19-04-01-02-03 Pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité de cette disposition à la Constitution.... ,,Il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts (CGI) que ces dispositions, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction. Il s'ensuit qu'en cas d'indemnité allouée en vertu d'une transaction, l'administration et, lorsqu'il est saisi, le juge de l'impôt doivent rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction.... ,,A cet égard, les sommes perçues par un salarié en exécution d'une transaction conclue avec son employeur ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail, devenu l'article L. 1235-3 du même code, que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, l'indemnité accordée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est exonérée. La détermination par le juge de la nature de l'indemnité se fait au vu de l'instruction.... ,,Par suite, en jugeant qu'un contribuable ne pouvait bénéficier de l'exonération réservée par l'article 80 duodecies du CGI aux indemnités de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail, au motif qu'il lui incombait d'apporter la preuve que la somme versée à la suite de la transaction conclue avec une société correspondait à une telle indemnité, alors qu'il incombait à la cour de se prononcer au vu de l'instruction, compte tenu des éléments fournis par les parties et, le cas échéant, de mesures d'instruction, la cour a commis une erreur de droit.,,,Il résulte de ce qui a été dit au second paragraphe que les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail peuvent être exonérées ou non d'impôt sur le revenu selon les conditions de leur versement. En particulier, la circonstance que l'indemnité a été versée en vertu d'une transaction ne suffit pas à elle seule à la rendre nécessairement imposable. Il incombe au juge de l'impôt d'apprécier, conformément à la jurisprudence établie du juge du travail et au vu de l'instruction, si le licenciement à l'origine de l'indemnité transactionnelle est manifestement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, dans l'affirmative, si les sommes versées correspondent en tout ou partie à une indemnisation au titre d'un tel licenciement.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2018, n° 401157
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:401157.20180705
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award