Vu, 1°), sous le n° 273619, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre et 26 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FAUBA FRANCE, dont le siège est ZA Courtaboeuf 1, ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE FAUBA FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler, en tant qu'il lui est défavorable, l'arrêt du 8 octobre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur les appels du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de la société, a 1°) réformé les jugements du 24 avril 2003 du tribunal administratif de Versailles, 2°) décidé que les intérêts de retard sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux ventes réalisées en 1995 et 1996 auprès des sociétés Ariel Trading, Farnese et de l'entreprise Antonino d'Anna ainsi qu'à la vente réalisée le 29 avril 1996 auprès de la société BV Distel Euro Trading pour un montant de 2 210 000 F, seraient réduits au montant correspondant aux droits éludés du 1er au 31 août 1997, 3°) remis à la charge de la société la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux ventes réalisées auprès des sociétés Transnet Business Services, MJ informatica, World Trading CY en 1997 et 1998 ainsi qu'aux ventes réalisées auprès de la société Samtrone Electronique avant le 15 décembre 1997, 4°) rejeté le surplus des conclusions de la société requérante ;
2°) statuant au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 9 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°), sous le n° 273620, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre et 26 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FAUBA FRANCE, dont le siège est ZA Courtaboeuf 1, ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE FAUBA FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) de prononcer le sursis à exécution, en tant qu'il lui est défavorable, de l'arrêt du 8 octobre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur les appels du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de la société, a 1°) réformé les jugements du 24 avril 2003 du tribunal administratif de Versailles, 2°) décidé que les intérêts de retard sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux ventes réalisées en 1995 et 1996 auprès des sociétés Ariel Trading, Farnese et de l'entreprise Antonino d'Anna ainsi qu'à la vente réalisée le 29 avril 1996 auprès de la société BV Distel Euro Trading pour un montant de 2 210 000 F, seraient réduits au montant correspondant aux droits éludés du 1er au 31 août 1997, 3°) remis à la charge de la société la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux ventes réalisées auprès des sociétés Transnet Business Services, MJ informatica, World Trading CY en 1997 et 1998 ainsi qu'aux ventes réalisées auprès de la société Samtrone Electronique avant le 15 décembre 1997, 4°) rejeté le surplus des conclusions de la société requérante ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
…………………………………………………………………………
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu, sous ces deux numéros, les notes en délibéré, présentées le 27 juin 2005 pour la SOCIETE FAUBA FRANCE ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977, modifiée notamment par la directive n° 91/680/CEE du 16 décembre 1991 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Andrieu, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE FAUBA FRANCE,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de la SOCIETE FAUBA FRANCE sont dirigées contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Paris ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au titre de périodes allant du 1er janvier 1994 au 30 juin 1998, l'administration fiscale a refusé à la SOCIETE FAUBA FRANCE, spécialisée dans la fabrication et le négoce de matériels électroniques, le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 262 ter I. 1° du code général des impôts pour des livraisons intracommunautaires, dont elle estimait que la réalité n'était pas établie ; que la SOCIETE FAUBA FRANCE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 octobre 2004 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que, statuant sur les litiges nés, d'une part, des redressements d'assiette de la taxe issus des vérifications de comptabilité portant sur les périodes susmentionnées, d'autre part, du refus par l'administration de rembourser les crédits de taxe réclamés par la société au titre des mois de novembre 1997 et juin 1998, la cour a, par cet arrêt, confirmé le refus du bénéfice de l'exonération pour une fraction des livraisons en cause, au motif, notamment, que les indications tirées par l'administration d'informations retenues dans le cadre de la coopération administrative organisée par le règlement du Conseil des Communautés européennes du 27 janvier 1992 tendaient à démontrer le défaut d'existence réelle de ces sociétés et, partant, l'absence de livraison effective des marchandises ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant, en premier lieu, que pour juger que les documents produits par la société requérante ne suffisaient pas établir la réalité de certaines livraisons, la cour s'est fondée sur les informations contenues dans les écritures de l'administration non contredites par la société, selon lesquelles les sociétés clientes italiennes étaient dépourvues de comptabilité, étaient inconnues, pour deux d'entre elles, des services fiscaux italiens et ne pouvaient être regardées comme ayant eu une activité économique correspondant à l'acquisition des marchandises litigieuses, et les sociétés clientes luxembourgeoises, la société cliente portugaise, et l'une des sociétés clientes britanniques en cause, la société World Trading Company, ne possédaient pas d'établissement stable et disposaient d'une simple adresse de domiciliation, ne remplissaient pas leurs obligations comptables et fiscales dans leurs pays et ne pouvaient être regardées comme ayant eu une activité économique correspondant à l'acquisition des marchandises litigieuses ; que la société requérante, sans contester devant la cour la réalité de ces faits, s'est bornée à demander à celle-ci d'ordonner la production de certains des courriers échangés par l'administration avec les autorités étrangères dans le cadre de la coopération administrative susmentionnée et d'où avaient été tirées lesdites informations ; qu'il appartient, toutefois, au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'apprécier s'il est utile, pour la solution du litige dont il est saisi, de faire produire certaines pièces dont la communication est demandée par les parties ; que la cour n'était pas tenue de répondre aux conclusions de la société requérante tendant à ordonner la production dont s'agit ; que, par suite, en estimant, même implicitement, qu'il n'y avait pas lieu de demander à l'administration fiscale de produire les documents susmentionnés réclamés par la société requérante, la cour n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour se prononcer sur la réalité des livraisons à la société luxembourgeoise Transnet Business Services, la cour n'était pas tenue de répondre au simple argument tiré par la société requérante de ce que, parmi les informations obtenues dans le cadre de la coopération administrative, figuraient, concernant l'activité de cette société luxembourgeoise, deux réponses successives et différentes des autorités luxembourgeoises ; qu'eu égard aux motifs retenus par elle et relatifs à l'absence d'activité réelle de certains clients de la SOCIETE FAUBA FRANCE, la cour n'était pas non plus tenue de répondre aux moyens, inopérants, tirés de ce que postérieurement à la date alléguée des livraisons en cause, la société italienne Ariel Trading aurait cessé son activité, et la convention de domiciliation de la société luxembourgeoise Samtrone Electronique aurait été dénoncée, et de ce que la marchandise livrée à la société portugaise MJ Informatica aurait été expédiée en Espagne et non au Portugal ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la cour a répondu au moyen non inopérant tiré de l'opposabilité, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 301 et 302 de l'instruction administrative 3 CA-92 du 31 juillet 1992 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en se fondant, pour juger que la notification de redressements du 15 décembre 1997 était suffisamment motivée, sur ce que cette notification distinguait précisément les différents éléments des redressements en cause selon la valeur des justificatifs présentés par la société, la cour a uffisamment répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette notification ;
Considérant, en quatrième lieu, que la cour a jugé qu'il appartenait au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération, et que, si l'administration entend remettre en cause l'authenticité ou la sincérité des documents ainsi produits, il lui appartient d'apporter des indices sérieux de leur caractère fictif ; que, dès lors, la cour a suffisamment répondu au moyen tiré de le ce que les preuves exigées par l'administration en matière de justification de l'existence de livraisons intracommunautaires méconnaissaient le principe de proportionnalité, principe général du droit communautaire ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'en estimant que la notification de redressements du 15 décembre 1977 était suffisamment motivée, la cour a porté sur cette motivation une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 28 quater de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 : A.Exonération des livraisons de biens. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires et dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les Etats membres exonèrent : / a) les livraisons de biens, au sens de l'article 5, expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l'acquéreur ou pour leur compte en dehors du territoire visé à l'article 3 mais à l'intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un Etat membre autre que celui du départ de l'expédition ou du transport des biens. ; qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions : I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie.. ;
Considérant que si, pour l'application de ces dispositions, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraison en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataire présumé des personnes dépourvues d'activité réelle ;
Considérant que, pour juger que la réalité des livraisons répétées et importantes à raison desquelles la société requérante prétendait au bénéfice des dispositions précitées ne résultait pas de l'instruction, la cour s'est fondée, en ce qui concerne les livraisons aux sociétés clientes mentionnées ci-dessus, sur les indices qu'elle a retenus de l'absence d'activité de ces sociétés, non efficacement combattus par les documents relatifs à ces livraisons produits par la société requérante ; qu'en retenant, parmi ces indices, la circonstance, pour certaines d'entre elles, qu'elles étaient dépourvues de comptabilité ou qu'elles ne remplissaient pas leurs obligations comptables et fiscales dans leur pays, la cour ne saurait être regardée comme ayant ajouté l'exigence de la preuve ou de la garantie par le vendeur du respect par l'acquéreur de ses propres obligations déclaratives aux conditions auxquelles les dispositions précitées du code subordonnent le bénéfice de l'exonération des livraisons intracommunautaires, ni, en tout état de cause, comme ayant méconnu les stipulations du traité instituant la Communauté européenne, ainsi que les principes de proportionnalité et de sécurité juridique, principes généraux du droit communautaire ; que, par ailleurs, c'est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, des éléments de preuve apportés par l'administration et par la société requérante, que la cour a conclu que la réalité des livraisons alléguées n'était pas établie par l'instruction ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en ce qui concerne les livraisons à la société néerlandaise BV Distel Eurotrading, si la société requérante soutient que les marchandises enlevées le 29 avril 1996 ont été volées sur le territoire français le 7 mai 1996 après avoir été livrées aux Pays-Bas et réacheminées vers la France, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette société cliente a refusé de payer la facture au motif que les marchandises avaient été volées avant de lui être livrées ; que, dès lors, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a jugé que les marchandises en litige n'avaient pas été réellement livrées hors du territoire français ;
Considérant, en quatrième lieu, que si la société requérante soutient que la cour aurait méconnu l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales en lui refusant la possibilité d'invoquer les dispositions des paragraphes 301 et 302 de l'instruction administrative 3 CA-92 du 31 juillet 1992, d'où il ressort que la condition que l'acquéreur soit un assujetti, prévue par l'article 262 ter précité du code, est regardée comme satisfaite dès lors que l'acquéreur fournit au vendeur son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans son Etat membre, il ressort des énonciations de l'arrêt que la cour, sans se prononcer sur le caractère opposable des dispositions de l'instruction relatives à la preuve de l'assujettissement, qui n'étaient pas en cause, a relevé que l'instruction se bornait à énumérer, de manière non exhaustive, les modes de preuve du transport ou de l'expédition des marchandises hors de France et précisait que la valeur de ces justifications devait être appréciée au cas par cas ; que, dès lors, c'est sans erreur de droit que la cour a pu considérer que ces dispositions de l'instruction, relatives à la preuve de la livraison hors de France, ne comportaient aucune interprétation de la loi fiscale dont le contribuable serait susceptible de se prévaloir sur le fondement des dispositions susmentionnées du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE FAUBA FRANCE n'est pas fondée à demander l'annulation ou le sursis à exécution de l'arrêt attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes susvisées de la SOCIETE FAUBA France sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FAUBA FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.