LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2008), que M. X..., engagé par l'institut supérieur du commerce en qualité de responsable du département management et relations humaines le 1er octobre 1988 a été licencié le 22 décembre 2004 pour cause réelle et sérieuse ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent le cadre du débat ; que lorsqu'il résulte des termes de cette lettre que l'employeur a reproché des fautes au salarié, le licenciement prononcé a un caractère disciplinaire ; que le licenciement ayant été notifié le 22 décembre 2004 pour des motifs d'« abus d'autorité et de pouvoir à l'égard d'étudiants» et de « dénigrement de la direction et des enseignants des autres filières », la lettre de licenciement a qualifié l'attitude du salarié de «déplacée, injustifiée, de nature à nuire à la bonne marche de notre établissement et inacceptable compte tenu de votre statut de cadre » ; que l'employeur ayant manifestement prononcé le licenciement pour un motif disciplinaire, en retenant que celui-ci reposait sur une cause réelle et sérieuse sans se prononcer sur le caractère fautif ou non du comportement imputé au salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que la cause du licenciement s'apprécie au regard des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige ; que le licenciement ayant été notifié le 22 décembre 2004 pour des motifs d'« abus d'autorité et de pouvoir à l'égard d'étudiants » et de « dénigrement de la direction et des enseignants des autres filières », en le disant justifié par les « réactions négatives » suscitées par le salarié chez les étudiants et ses collègues, les faits ou écrits imputés au salarié « qui desservaient le fonctionnement et l'image de l'institut », et l'« absence totale de distance » du salarié avec ses étudiants, la cour d'appel qui s'est déterminée hors du cadre fixé par la lettre de licenciement, a violé les articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ que le licenciement du salarié ayant été notifié pour le motif notamment de « dénigrement de la direction et des enseignants des autres filières », en se déterminant en considération de la décision de M. Y..., professeur à l'ICS, de cesser sa collaboration en raison de l'évolution regrettable de ses relations avec M. X..., décision dont ne s'induit aucun acte de dénigrement imputable au salarié licencié, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, impropres à justifier le licenciement contesté, a privé sa décision de base légale au regard des articles codifiés L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ que le licenciement du salarié ayant été notifié pour le motif notamment de « dénigrement de la direction et des enseignants des autres filières », en se déterminant en considération d'un courriel du directeur des études sollicitant M. X... pour une mise au point à la suite de la mise en cause par celui-ci de collègues, de sa hiérarchie « et de façon plus générale la diabolisation de votre environnement de travail justifiant à vos yeux votre repli sur votre filière », reproche dont il n'est pas constaté qu'il ait été étayé par la preuve de faits objectifs imputables au salarié, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, impropres à justifier le licenciement contesté, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
5°/ qu'un employeur qui n'a pas immédiatement sanctionné le comportement d'un salarié ne peut invoquer ultérieurement les mêmes manquements pour justifier le licenciement de l'intéressé ; que le premier juge ayant retenu « l'ancienneté de griefs remontant pour certains à l'année 2002 », en ne précisant ni à quelle date la pétition estudiantine avait été signée et remise à la direction, ni à quelle date les courriels « collectifs » avaient été adressés par le salarié à ses étudiants, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'ancienneté des faits reprochés, a privé sa décision de base légale au regard des articles codifiés L.1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
6°/ qu'un employeur qui n'a pas immédiatement sanctionné le comportement d'un salarié ne peut invoquer ultérieurement les mêmes manquements pour justifier le licenciement de l'intéressé ; qu'ayant retenu que l'évaluation de l'intéressé en date du 20 janvier 2003 témoignait de l'antériorité de ses difficultés relationnelles avec la direction, la cour d'appel qui n'a pas constaté que le salarié avait été sanctionné de ce chef avant le licenciement notifié le 22 décembre 2004, soit près de deux ans après que ces difficultés aient été énoncées par l'employeur, n'a pas tiré les conséquences légales au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
7°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter la demande dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que le salarié ayant régulièrement soumis à l'examen de la cour d'appel une attestation révélant qu'il avait annoncé publiquement vouloir se présenter aux élections représentatives des institutions du personnel, et le premier juge ayant tiré de cette attestation la conviction que la véritable cause du licenciement résidait précisément dans l'acte de candidature du salarié, la cour d'appel qui a dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse sans examiner cette pièce régulièrement versée aux débats et soumise à son examen, a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1353 du code civil ;
Mais attendu que, sans exclure la nature disciplinaire du licenciement et sans sortir des limites du litige, telles qu'elles résultaient de la lettre de licenciement, la cour d'appel a retenu que le comportement irrespectueux de M. X... envers ses collègues de travail et à l'égard des étudiants dont il avait la responsabilité, constituait un manquement à ses obligations professionnelles ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE certes M. X... avait une ancienneté de six années et exerçait d'importantes responsabilités au sein de l'ISC ; qu'il assurait notamment la responsabilité pédagogique du 3ème cycle « Audit et management des ressources humaines », la responsabilité du cycle de 3ème année « Audit d'organisation et ressources humaines », la responsabilité des enseignements de management et ressources humaines des 1ère et 2ème années, ainsi que des responsabilités en matière de coordination et de recrutement ; que certes il produit aussi des attestations très élogieuses de la part d'étudiants et des mails par lesquels ils entendent soutenir leur professeur ; qu'il est exact qu'il entre bien dans les fonctions d'un professeur d'initier ses élèves à exercer leur esprit critique et que lui-même est en droit de s'exprimer librement sur le fonctionnement de l'établissement au sein duquel il exerce ses responsabilités ; que cependant au vu des pièces versées au dossier par l'ISC, il était légitime que cet établissement décide de se séparer d'un responsable qui suscitait des réactions négatives tant de la part d'étudiants que de collègue ; que le dernier trimestre 2004 était émaillé de divers faits ou écrits dont M. X... était à l'origine et qui desservaient le fonctionnement et l'image de l'institut ; que par courrier du 18 octobre 2004, M. Y..., professeur, écrivait à l'ISC afin de l'informer qu'il cessait sa collaboration en raison de l'évolution regrettable de ses relations avec M. X... ; que par mail du 19 novembre 2004, le directeur des études sollicitait M. X... pour une mise au point à la suite de la mise en cause par celui-ci de collègues, de sa hiérarchie « et de façon plus générale la diabolisation de votre environnement de travail justifiant à vos yeux votre repli sur votre filière... » ; que par ailleurs la pétition signée par onze étudiants décrit et dénonce une attitude inadéquate de leur professeur laquelle est confirmée par la teneur des nombreux mails « collectifs » adressés par M. X... à ses étudiants : « Pardon à ceux dont j'ai gâché le week-end, les autres - nombreux étant probablement disposés à profiter de leur dimanche pour faire un crochet à l'église ... Vision religieuse très ethnocentriste, je vous l'accorde, une fois de plus, et dont me pardonneront Sofia, Sam ira, Rajaa, Hédi et Yuejong. Mais leurs dieux (certes, Boudha n'en est pas un), dans leur bonté infinie, m'auront compris et auront traduit... », « ...tout est prétexte à mesquineries, petitesses et bassesses. J'ai bien compris que, derrière mon dos, une poignée de minable, d'ingrats, de gosses gâtés à la mémoire courte se fait un malin plaisir à semer la zizanie et à dresser les uns contre les autres », « Mais je ne laisserai pas passer le manque de respect d'une poignée de gamins sournois aussi irresponsables qu'incultes, prêts à nous pourrir cette fin de programme pour satisfaire leur ego et leur médiocrité démesurée... » et encore « ...Sachez que je commence à en avoir assez de la petite bande de clampins qui, au sein de la promotion, répand de manière sournoise et vile toutes sortes de rumeurs sur les uns et les autres, agresse avec des procès d'intention des condisciples... A une certaine période terrible de notre histoire de France, ces tristes sires portaient le nom de collabos... », « vous me parlez de promotion déchirée et de la crainte de la voir mal finir le programme. Les irresponsables comme Thomas (et avec lui, les petits malins dans l'ombre comme Emilie, Séverine, Eva P, Maxime, Barbara et deux ou trois autres que je ne préfère pas nommer... immatures et donneurs de leçons, irrespectueux à l'égard de tout sauf de leurs nombrils… » ; que ces propos témoignent de la part de M. X... d'une absence totale de distance laquelle est pourtant nécessaire, dans une juste mesure y compris dans le cadre d'un enseignement sur le management des ressources humaines, au maintien d'un respect réciproque et propre à établir une autorité acceptée de tous ; que les difficultés liées à ces relations peu sereines au sein de l'établissement, préexistaient à l'organisation des élections professionnelles ; que M. X... a été convoqué le 6 décembre 2004 à un entretien préalable soit avant la date du 19 décembre 2004, date limite de dépôt des candidatures ; qu'aucun élément ne permet de retenir que l'employeur a eu connaissance d'une éventuelle candidature de l'intéressé avant sa convocation ; que ni l'attestation de M. A... ni celle de M. B... ne font cette preuve ; que le premier ne fait qu'émettre un voeu et le second rapporte des propos tenus par un autre ; que ce n'est que postérieurement au licenciement que M. X... a posté le 13 janvier 2005 un courrier, daté du 14 décembre 2004, aux termes duquel il indiquait « J'ai pris connaissance, hier, de la mesure de licenciement envisagée... en dépit de votre décision à venir, et sans la préjugez, je porte à votre connaissance l'intention que j'avais de vous faire savoir, cette semaine, de me présenter comme candidat aux prochaines élections professionnelles de I'ISC. C'est donc chose faite et elle revêt un caractère officiel… je ne doute pas un instant que vous ayez pu, au plus vite prendre connaissance de mon projet… » ; que dans plusieurs mails, au directeur des études le 18 novembre 2004 et à ses anciens élèves le 19 décembre 2004, M. X... explique de façon très circonstanciée les raisons liées à son comportement qui, selon lui, « agace » et qui est bien antérieur à toute négociation sur le protocole d'accord préélectoral ; que l'évaluation de l'intéressé en date du 20 janvier 2003 témoigne de l'antériorité des difficultés relationnelles constatées par la direction ; qu'il s'ensuit que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse ; qu'il est donc débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement infirmé en ce sens ;
1° ALORS QUE les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent le cadre du débat ; que lorsqu'il résulte des termes de cette lettre que l'employeur a reproché des fautes au salarié, le licenciement prononcé a un caractère disciplinaire ;
Que le licenciement ayant été notifié le 22 décembre 2004 pour des motifs d'« abus d'autorité et de pouvoir à l'égard d'étudiants » et de « dénigrement de la direction et des enseignants des autres filières », la lettre de licenciement a qualifié l'attitude du salarié de « déplacée, injustifiée, de nature à nuire à la bonne marche de notre établissement et inacceptable compte tenu de votre statut de cadre » ;
Que l'employeur ayant manifestement prononcé le licenciement pour un motif disciplinaire, en retenant que celui-ci reposait sur une cause réelle et sérieuse sans se prononcer sur le caractère fautif ou non du comportement imputé au salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 (codifiés L. 1232-1, L.1232-6 et L. 1235-1) du code du travail ;
2° ALORS, en tout état de cause, QUE la cause du licenciement s'apprécie au regard des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige ;
Que le licenciement ayant été notifié le 22 décembre 2004 pour des motifs d'« abus d'autorité et de pouvoir à l'égard d'étudiants » et de « dénigrement de la direction et des enseignants des autres filières », en le disant justifié par les « réactions négatives » suscitées par le salarié chez les étudiants et ses collègues, les faits ou écrits imputés au salarié « qui desservaient le fonctionnement et l'image de l'institut », et l'« absence totale de distance » du salarié avec ses étudiants, la cour d'appel qui s'est déterminée hors du cadre fixé par la lettre de licenciement, a violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 (codifiés L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1) du code du travail ;
3° ALORS QUE le licenciement du salarié ayant été notifié pour le motif notamment de « dénigrement de la direction et des enseignants des autres filières », en se déterminant en considération de la décision de M. Y..., professeur à l'ICS, de cesser sa collaboration en raison de l'évolution regrettable de ses relations avec M. X..., décision dont ne s'induit aucun acte de dénigrement imputable au salarié licencié, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, impropres à justifier le licenciement contesté, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 (codifiés L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1) du code du travail ;
4° ALORS QUE le licenciement du salarié ayant été notifié pour le motif notamment de « dénigrement de la direction et des enseignants des autres filières », en se déterminant en considération d'un courriel du directeur des études sollicitant M. X... pour une mise au point à la suite de la mise en cause par celui-ci de collègues, de sa hiérarchie « et de façon plus générale la diabolisation de votre environnement de travail justifiant à vos yeux votre repli sur votre filière », reproche dont il n'est pas constaté qu'il ait été étayé par la preuve de faits objectifs imputables au salarié, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, impropres à justifier le licenciement contesté, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 (codifiés L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1) du code du travail ;
5° ALORS QU'un employeur qui n'a pas immédiatement sanctionné le comportement d'un salarié ne peut invoquer ultérieurement les mêmes manquements pour justifier le licenciement de l'intéressé ;
Que le premier juge ayant retenu « l'ancienneté de griefs remontant pour certains à l'année 2002 », en ne précisant ni à quelle date la pétition estudiantine avait été signée et remise à la direction, ni à quelle date les courriels « collectifs » avaient été adressés par le salarié à ses étudiants, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'ancienneté des faits reprochés, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 (codifiés L.1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1) du code du travail ;
6° ALORS QU'un employeur qui n'a pas immédiatement sanctionné le comportement d'un salarié ne peut invoquer ultérieurement les mêmes manquements pour justifier le licenciement de l'intéressé ;
Qu'ayant retenu que l'évaluation de l'intéressé en date du 20 janvier 2003 témoignait de l'antériorité de ses difficultés relationnelles avec la direction, la cour d'appel qui n'a pas constaté que le salarié avait été sanctionné de ce chef avant le licenciement notifié le 22 décembre 2004, soit près de deux ans après que ces difficultés aient été énoncées par l'employeur, n'a pas tiré les conséquences légales au regard des articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 (codifiés L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1) du code du travail ;
7° ALORS, en tout état de cause, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter la demande dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Que le salarié ayant régulièrement soumis à l'examen de la cour d'appel une attestation révélant qu'il avait annoncé publiquement vouloir se présenter aux élections représentatives des institutions du personnel, et le premier juge ayant tiré de cette attestation la conviction que la véritable cause du licenciement résidait précisément dans l'acte de candidature du salarié, la cour d'appel qui a dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse sans examiner cette pièce régulièrement versée aux débats et soumise à son examen, a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1353 du code civil.