LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 17 juin 2008), que Mme X..., a été engagée le 1er avril 1993 par la polyclinique de Gentilly en qualité d'attachée d'intendance et affectée au service de restauration puis promue cadre intendante le 1er janvier 1998 ; que ce service a été confié à la société Française de service à compter du 1er mai 2000, puis à la société Avenance enseignement et santé à compter du 1er mars 2005 ; que Mme X..., a alors saisi la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts des différentes sociétés ;
Attendu que société Avenance enseignement et santé fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de travail à ses torts et de la condamner à payer à Mme X... diverses sommes alors, selon le moyen :
1°/ que la société Avenance enseignement et santé faisait valoir que le contrat conclu le 20 avril 2000 lors de l'attribution du service de restauration de la société polyclinique de Gentilly à la société Française de service prévoyait que le personnel cadre du client qui avait été repris par le prestataire serait, en cas de rupture du dit contrat, réintégré chez le client, et qu'en application de ce contrat, Mme X..., cadre ayant été transféré au sein de la société Française de service lors de l'attribution du marché, était redevenue salariée de la société polyclinique de Gentilly lors de la rupture du dit contrat ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la perte d'un marché au profit d'un concurrent n'entraîne l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail que lorsqu'elle s'accompagne du transfert au nouveau titulaire d'une entité économique autonome qui maintient son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une telle entité un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique autonome qui poursuit un objectif propre ; qu'en affirmant, pour conclure que le changement de prestataire décidé par la société polyclinique de Gentilly pour son service de restauration avait entraîné l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, que l'existence d'un transfert des moyens indispensables à l'exercice de l'activité de restauration suffisait à caractériser le transfert d'une entité économique autonome, quand il lui appartenait de vérifier que cette activité était exercée par un service organisé, disposant d'une autonomie de gestion et composé d'un personnel et de moyens spécialement affectés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
3°/ que la perte d'un marché au profit d'un concurrent n'entraîne l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail que lorsqu'elle s'accompagne du transfert au nouveau titulaire d'une entité économique autonome qui maintient son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'un tel transfert est exclu lorsque les moyens d'exploitation appartiennent au donneur d'ordre et n'ont donc pu être transférés par le prestataire évincé au nouveau prestataire ; qu'en affirmant que la Société Avenance enseignement et santé avait depuis la reprise du marché de restauration collective de la société polyclinique de Gentilly avait utilisé les locaux de cuisine situés au sein de cette société ainsi que l'eau, l'électricité et le matériel mis à sa disposition par la Polyclinique, et que ce «transfert» caractérisait le transfert d'une entité économique autonome, peu important le fait que ces équipements et locaux n'aient pas appartenu à l'entreprise cédante mais étaient mis à disposition par le donneur d'ordre, quand cette circonstance excluait précisément tout transfert du cédant au cessionnaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
4°/ qu'il était fait valoir que certains éléments d'exploitation indispensables à la constitution d'une entité économique étaient directement apportés par la société Française de service (produits alimentaires, produits de nettoyage, linge, tenues de travail…) et qu'aucun de ces moyens n'avait été transféré à la société Avenance enseignement et santé lors de la reprise du marché ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que le transfert des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entité peut être indirect ; que la cour d'appel, qui a constaté que la société Avenance avait repris, pour la gestion du service de restauration, des éléments d'exploitation nécessaires et significatifs appartenant à la clinique et mis par elle à la disposition des prestataires successifs, a ainsi caractérisé un transfert de moyens d'exploitation ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui n'avait pas à répondre au moyen inopérant tiré de stipulations contractuelles dont la société Avenance enseignement et santé n'était pas bénéficiaire, ayant constaté que le service de restauration de l'établissement constituait en son sein une entité économique autonome et que les moyens en locaux et en matériels nécessaires au fonctionnement de ce service avaient été mis à la disposition des prestataires successifs, en a exactement déduit le transfert d'une entité économique autonome, peu important que d'autres matériels ou produits aient été apportés par le dernier exploitant ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Avenance enseignement et santé aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Avenance enseignement et santé à payer à la société Polyclinique et à la société Française de services, chacune, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Avenance enseignement et santé.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame X... au 7 juin 2005 aux torts de la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE et condamna cette société à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'ancien article L122-12 devenu l'article L1224-1 du Code du Travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que cet article doit s'interpréter conformément aux dispositions de la directive CEE 77/187 du 14 février 1977 devenue directive 2001/23 du 12 mars 2001, qui prévoit que les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail existant à la date du transfert d'une entreprise ou d'un établissement, sont du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire ; que selon la Cour de Justice des Communautés Européennes, la directive 77/187 s'applique lorsque le donneur d'ordre, qui avait confié la gestion totale de la restauration collective au sein d'un hôpital à un premier entrepreneur, met fin à ce contrat et conclut pour l'exécution de la même prestation, un nouveau contrat avec un second d'entrepreneur, lorsque cet entrepreneur utilise d'importants éléments d'actifs corporels précédemment utilisés par le premier entrepreneur ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la SA Polyclinique de Gentilly a décidé en avril 2000 d'extemaliser son service de restauration en signant avec la SFS un contrat de restauration ; qu'à cette occasion, le contrat de travail a été transféré à la SFS ; qu'il est tout aussi constant qu'en novembre 2004, la SA Polyclinique de Gentilly a décidé de changer de prestataire de service et a confié son service de restauration à la Société Avenance à compter du 1er mars 2005 ; que la SA Polyclinique de Gentilly n'a pas repris à son compte le service de restauration qui a continué à être externalisé ; que dès lors, Madame X... ne peut utilement soutenir qu'à compter du 1er mars 2005, son contrat de travail aurait dû être repris par la SA Polyclinique de Gentilly ; que pour exclure le transfert du contrat de travail de Madame X..., la Société Avenance soutient que l'avenant du 26 février 1986 de la convention collective excluait la reprise automatique du contrat de travail de Madame X... en sa qualité de cadre et qu'en l'absence d'accord conclu avec le cédant, son contrat de travail ne pouvait lui être transféré ; que si les dispositions conventionnelles ont organisé, notamment dans le secteur de la restauration collective, le transfert des contrat de travail au nouveau titulaire du marché, il n'est toutefois pas exclu que l'article L 1224-1, dont les dispositions sont d'ordre public, trouve à s'appliquer lorsque ses conditions de mise en ..uvre sont réunies, c'est-à-dire lorsqu'il y a transfert d'une entité économique autonome ; qu'une entité économique autonome est un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; qu'en l'espèce, il résulte des explications données par la Société Avenance à l'audience, qu'à l'occasion de la reprise du marché en novembre 2004, elle a utilisé les locaux de cuisine situés au sein de la SA Polyclinique de Gentilly ainsi que l'eau, l'électricité et le matériel mis à sa disposition par la polyclinique, précisant que les repas étaient confectionnés sur place et non apportés de l'extérieur déjà prêts ; que ces précisions n'ont pas été contestées par les autres parties ; que l'activité de restauration collective ne peut être considérée comme une activité reposant essentiellement sur la main-d'oeuvre dès lors qu'elle suppose des équipements important ; qu'au vu des explications données par la Société Avenance, il est établi que les éléments corporels indispensables pour cette activité, à savoir les locaux, l'eau, l'électricité, les diverses machines, ont été repris par celle-ci ; qu'il en découle que le transfert des locaux et des équipements mis à disposition par la polyclinique, éléments indispensables à la préparation et la distribution des repas aux patients et au personnel de la polyclinique, suffit à caractériser le transfert d'une entité économique autonome ; qu'il est précisé que la Société Avenance a nécessairement également repris l'élément incorporel que constitue la clientèle du service de restauration, en raison du caractère captif de celle-ci ; que le fait que ces équipements et locaux n'appartenaient pas à l'entreprise cédante, la SFS, mais étaient mis à disposition par le donneur d'ordre, la SA Polyclinique de Gentilly, est sans conséquence et ne peut suffire à exclure l'application de l'article L1224-1 du Code du Travail ; qu'il résulte des constatations de fait cidessus énoncées que l'article L 1224-1 du Code du Travail est applicable en l'espèce puisqu'il y a eu transfert d'une entité économique autonome telle que la gestion de la restauration collective de la SA Polyclinique de Gentilly, s'accompagnant du transfert des moyens d'exploitation relevant d'une activité autonome, successivement confiée à la SFS puis à la Société Avenance, et ce nonobstant les dispositions plus restrictives de la convention collective, du fait du caractère d'ordre public des dispositions de la directive communautaire et du Code du Travail ; qu'il s'ensuit que l'employeur de Madame X... à compter du 1er mars 2005 était bien la Société Avenance et que la SA Polyclinique de Gentilly et la SFS doivent être mises hors de cause ; que le jugement du Conseil de Prud'hommes du 18 avril 2006 sera donc confirmé et celui du 30 janvier 2007 infirmé ; que, sur la rupture du contrat de travail, si Madame X... soutient avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail, il est constaté qu'elle ne produit aucun écrit adressé à la société Avenance, qui est son employeur à compter du 1er mars 2005, pour caractériser cette prise d'acte ; que la lettre de démission du 7 juin 2005 a été uniquement adressée à la SFS et qu'il n'est pas démontré que la société Avenance en a eu connaissance ; que cependant, la demande de Madame X... doit s'analyser en une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, étant rappelé qu'elle avait saisi initialement les deux Conseils de Prud'hommes d'une telle demande ; qu'en tout état de cause, la prise d'acte et la résiliation judiciaire sont toutes deux fondées sur l'existence de manquements suffisamment graves de l'employeur pour justifier la rupture du contrat de travail et emportent les mêmes conséquences, à savoir la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que Madame X... produit un procès-verbal de constat d'huissier établi le 1er mars 2005 selon lequel Monsieur Y..., directeur général de la société Avenance, lui a déclaré que le contrat de travail de Madame X... n'était pas transféré et qu'elle était toujours salariée de la SFS ; qu'il n'est donc pas contesté que la Société Avenance a refusé de fournir du travail à Madame X... et de la rémunérer alors qu'il résulte de ce qui précède que le contrat de travail de celle-ci avait été transféré à la Société Avenance à compter du 1er mars 2005 ; que ces faits constituent des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations essentielles pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la Société Avenance ; qu'il convient de fixer al date de la rupture du contrat de travail au 7 juin 2005, conformément à la demande de la salariée, et de dire que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1. ALORS QUE la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE faisait valoir que le contrat conclu le 20 avril 2000 lors de l'attribution du service de restauration de la société POLYCLINIQUE DE GENTILLY à la société FRANCAISE DE SERVICES prévoyait que le personnel cadre du client qui avait été repris par le prestataire serait, en cas de rupture dudit contrat, réintégré chez le client, et qu'en application de ce contrat, Madame X..., cadre ayant été transféré au sein de la société FRANCAISE DE SERVICES lors de l'attribution du marché, était redevenue salariée de la société POLYCLINIQUE DE GENTILLY lors de la rupture dudit contrat (conclusions d'appel, p. 6) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QUE la perte d'un marché au profit d'un concurrent n'entraîne l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du Code du travail que lorsqu'elle s'accompagne du transfert au nouveau titulaire d'une entité économique autonome qui maintient son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une telle entité un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique autonome qui poursuit un objectif propre ; qu'en affirmant, pour conclure que le changement de prestataire décidé par la société POLYCLINIQUE DE GENTILLY pour son service de restauration avait entraîné l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail, que l'existence d'un transfert des moyens indispensables à l'exercice de l'activité de restauration suffisait à caractériser le transfert d'une entité économique autonome, quand il lui appartenait de vérifier que cette activité était exercée par un service organisé, disposant d'une autonomie de gestion et composé d'un personnel et de moyens spécialement affectés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
3. ALORS en tout état de cause QUE la perte d'un marché au profit d'un concurrent n'entraîne l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du Code du travail que lorsqu'elle s'accompagne du transfert au nouveau titulaire d'une entité économique autonome qui maintient son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'un tel transfert est exclu lorsque les moyens d'exploitation appartiennent au donneur d'ordre et n'ont donc pu être transférés par le prestataire évincé au nouveau prestataire ; qu'en affirmant que la Société AVENANCE avait depuis la reprise du marché de restauration collective de la société POLYCLINIQUE DE GENTILLY avait utilisé les locaux de cuisine situés au sein de cette société ainsi que l'eau, l'électricité et le matériel mis à sa disposition par la Polyclinique, et que ce « transfert » caractérisait le transfert d'une entité économique autonome, peu important le fait que ces équipements et locaux n'aient pas appartenu à l'entreprise cédante mais étaient mis à disposition par le donneur d'ordre, quand cette circonstance excluait précisément tout transfert du cédant au cessionnaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
4. ALORS QUE l'exposante faisait valoir que certains éléments d'exploitation indispensables à la constitution d'une entité économique étaient directement apportés par la société FRANCAISE DE SERVICE (produits alimentaires, produits de nettoyage, linge, tenues de travail) et qu'aucun de ces moyens n'avait été transféré à la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE lors de la reprise du marché (conclusions d'appel, p. 11) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du Code du travail.