LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X..., à MM. Y... et Z... du désistement de leur pourvoi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 novembre 2007) que l'association Centre hospitalier Saint-Luc Saint-Joseph (hôpital Saint-Luc), qui assurait depuis le mois d'octobre 2000, en collaboration avec le Centre anticancéreux Léon Bérard, disposant d'installations adaptées et agréées, la préparation et le service des repas destinés à son personnel et aux patients, a décidé de confier cette activité à la société Sodexho qui devait la poursuivre avec les moyens mis à sa disposition par le Centre Léon Bérard, à compter du 1er octobre 2005 ; que l'hôpital Saint-Luc a informé les salariés qui participaient jusqu'alors à cette activité de leur changement d'employeur ; que des salariés, passés au service de la société Sodexho en octobre 2005, ont saisi le juge prud'homal de demandes en réintégration dans le centre hospitalier Saint-Luc ou en paiement de salaires, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ;
Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande en réintégration alors, selon le moyen, que les établissements de santé publics ou privés ont pour objet de dispenser des soins, avec ou sans hébergement, et doivent développer toute action concourant à une prise en charge globale du malade ; que dès lors, ils constituent en eux-mêmes des entités économiques dont aucun service participant à cette prise en charge globale des patients, même s'il peut être confié à un tiers, ne peut constituer une entité économique autonome ; qu'en déboutant les salariés demandeurs, dont elle avait constaté que l'emploi se rattachait au service d'alimentation des patients accueillis au sein du Centre hospitalier Saint-Luc Saint-Joseph, de leur demande de réintégration aux motifs inopérants que les activités de préparation des repas et de service des patients "… tendaient au même objectif de restauration des malades et du personnel, distinctes des missions de soins comme des activités de maintenance, de blanchisserie et de nettoyage, toutes cependant interdépendantes puisque l'arrêt de l'une aurait rendu impossible ou inutile la poursuite des autres" de telle sorte "que ces personnels, ces locaux et ces éléments d'exploitation constituaient une entité économique autonome (ayant) conservé son identité après l'externalisation des prestations de restauration" la cour d'appel a violé les articles L. 6111-2 et L. 6113-2 du code de la santé publique, et, par fausse application, l'article L. 122-12 du code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que l'entité économique autonome dont le transfert entraîne la poursuite de plein droit avec le cessionnaire des contrats de travail des salariés qui y sont affectés s'entend d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; qu'il s'en déduit que l'existence d'une entité économique autonome est indépendante des règles d'organisation, de fonctionnement et de gestion du service exerçant une activité économique ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que les opérations nécessaires à la restauration des malades et du personnel de l'hôpital Saint-Luc, effectuées à la fois dans le Centre Léon Bérard, qui disposait du matériel nécessaire à la confection des repas, et dans l'hôpital, qui y affectait un personnel spécialisé dont une partie avait été mise à la disposition de ce centre, tendaient toutes à la réalisation d'un même objectif, avec des moyens ensuite repris par la société Sodexho, que le personnel chargé de ces tâches, les locaux et les éléments d'exploitation utilisés formaient une entité économique autonome, qui avait conservé son identité à la suite du marché conclu avec la société Sodexho, et que celle-ci avait continué à utiliser les mêmes moyens d'exploitation pour poursuivre l'activité antérieurement assurée par l'hôpital Saint-Luc ; qu'elle a pu en déduire le transfert à ce prestataire de services d'une entité économique autonome dont relevaient les salariés ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes A..., X..., B..., C..., D..., M. Y..., Mme E..., M. F... et Mme G... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour Mmes A..., X..., B..., C..., D..., M. Y..., Mme E..., M. F... et Mme G....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR "dit que la Société Française de services poursui(vait) depuis le 1er octobre 2005, en application de l'article L.122-12 alinéa 2 du Code du travail, l'exécution des contrats de travail de Chantal X..., Danielle A..., Béatrice B..., Marie C..., Marie-Louise D..., Chantha E..., Jeanine G..., Guy Y... et Jean-Yves F... (…)" et, en conséquence, débouté ces salariés de leur demande de réintégration au sein du Centre Hospitalier Saint Luc Saint Joseph ;
AUX MOTIFS QUE "les dispositions de l'article L.122-12 alinéa 2 du Code du travail qui, en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, emportent maintien des contrats de travail en cours, et auxquelles il ne peut être dérogé par des conventions particulières, doivent recevoir application dans tous les cas où une entité économique, dont l'activité est reprise, conserve son identité ;
QUE les dispositions de l'article L.6113 du Code de la santé publique, en application desquelles les établissements de santé publics ou privés développent une politique d'évaluation de l'action concourant à une prise en charge globale du malade, n'imposent à ces établissements aucune modalité particulière de mise en oeuvre des prestations qui, telle la restauration, ne participent pas directement au traitement de la pathologie ayant motivé l'admission du malade ; qu'elles ne mettent pas obstacle à ce que certains des services qu'exige une prise en charge globale soient confiés à des entreprises différentes ; que les personnels et les moyens d'exploitation affectés par celles-ci à l'exécution des prestations qui ont été sous-traitées sont susceptibles de constituer un ensemble organisé d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et qui s'inscrit cependant dans le projet global de l'établissement de santé ;
QU'il ressort en l'espèce des pièces et des débats qu'au 30 juin 2005, 4 salariés du Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc étaient détachés au Centre Hospitalier Léon Bérard pour participer à la fabrication des repas qui étaient ensuite conditionnés et apportés au Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc en liaison froide ; que, sur ce dernier site, 16,80 salariés en équivalent temps plein assuraient la remise en température, le conditionnement et la distribution des repas destinés tant aux malades qu'au personnel ; qu'ils disposaient, sur leur lieu de travail, d'une cuisine équipée des armoires et des appareils nécessaires (chambre froide, four, lave vaisselle etc…) ; que les cuisiniers détachés au Centre Hospitalier Léon Bérard et les salariés restés dans les cuisines ou au restaurant du personnel accomplissaient, à l'aide des outils de travail appropriés, une chaîne de tâches dont les premières étaient parachevées au Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc et dont les dernières n'étaient nécessaires qu'en raison des opérations déjà accomplies au Centre Hospitalier Léon Bérard ; que toutes tendaient au même objectif de restauration des malades et du personnel, distinctes des missions de soins comme des activités de maintenance, de blanchisserie et de nettoyage, toutes cependant interdépendantes puisque l'arrêt de l'une aurait rendu impossible ou inutile la poursuite des autres ; que ces personnels, ces locaux et ces éléments d'exploitation constituaient une entité économique autonome qui a conservé son identité après l'externalisation des prestations de restauration ; qu'il ressort, en effet, de l'examen du contrat de prestation de restauration conclu entre le Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc et la Société Française de services, agissant sous la dénomination commerciale SODEXHO SANTE, que les prestations confiées à celle-ci comprennent l'ensemble des opérations effectuées au sein de l'entité économique et principalement la fabrication des repas des patients et du personnel à partir du site du Centre Hospitalier Léon Bérard ; que le Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc s'est engagé à mettre à la disposition de la Société Française de services, à titre gratuit et précaire, les locaux, les installations et les matériels nécessaires à l'exécution de ses missions ; qu'une liste de ces matériels et équipements de restauration a été annexée au contrat de prestation ; que la continuité d'exécution des prestations et la permanence des éléments d'exploitation garantissent le maintien, sous des directions différentes, de l'identité de l'entité économique autonome transférée, peu important que les locaux et leurs équipements demeurent la propriété du Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc ; que l'article L.122-12 (alinéa 2) du Code du travail dérogeant à l'effet relatif des contrats, c'est en vertu de la loi que l'exécution des contrats de travail en cours au 1er octobre 2005, jour de la modification dans la situation juridique de l'employeur résultant du contrat de prestation de restauration s'est poursuivie entre le personnel de l'entité transférée et la Société Française de services, son nouvel employeur ;
QU'en conséquence, Chantal X..., Danielle A..., Béatrice B..., Marie C..., Marie-Louise D..., Chantha E..., Jeanine G..., Guy Y... et Jean-Yves F... ne pouvaient s'opposer au transfert de leurs contrats de travail ; que les neuf salariés intimés doivent être déboutés de l'intégralité de leurs demandes (…)" ;
ALORS QUE les établissements de santé publics ou privés ont pour objet de dispenser des soins, avec ou sans hébergement, et doivent développer toute action concourant à une prise en charge globale du malade ; que dès lors, ils constituent en eux-mêmes des entités économiques dont aucun service participant à cette prise en charge globale des patients, même s'il peut être confié à un tiers, ne peut constituer une entité économique autonome ; qu'en déboutant les salariés demandeurs, dont elle avait constaté que l'emploi se rattachait au service d'alimentation des patients accueillis au sein du Centre hospitalier Saint Luc Saint Joseph, de leur demande de réintégration aux motif inopérants que les activités de préparation des repas et de service des patients "… tendaient au même objectif de restauration des malades et du personnel, distinctes des missions de soins comme des activités de maintenance, de blanchisserie et de nettoyage, toutes cependant interdépendantes puisque l'arrêt de l'une aurait rendu impossible ou inutile la poursuite des autres" de telle sorte "que ces personnels, ces locaux et ces éléments d'exploitation constituaient une entité économique autonome (ayant) conservé son identité après l'externalisation des prestations de restauration" la Cour d'appel a violé les articles L.6111-2 et L.6113-2 du Code de la santé publique, et, par fausse application, l'article L.122-12 du Code du travail.