LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 juin 2008) que les époux X..., propriétaires d'un terrain à proximité d'une source d'eaux minérales naturelles exploitée par la Société d'économie mixte Vals (la SEM) ont fait réaliser courant 2001 un forage pour l'arrosage de leur jardin ; que la SEM les a assignés en fermeture de ce forage, en se prévalant d'une violation du principe de précaution et d'un abus du droit de propriété ;
Attendu que la SEM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1° / que le principe de précaution, qui impose d'anticiper et de prévenir tout risque même non encore identifié, doit conduire le juge à ordonner la fermeture d'un forage réalisé à proximité d'un captage d'eau minérale naturelle destiné à la consommation humaine, quand bien même le risque de pollution n'est pas encore établi ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si le principe de précaution n'imposait pas la fermeture du forage des époux X..., au regard des conclusions de l'expert judiciaire qui, bien qu'excluant a priori tout risque de pollution des eaux minérales par le forage des époux X..., avait néanmoins rappelé la nécessité de protéger le captage et préconisé la condamnation du forage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
2° / que le droit du propriétaire de capter sur son fonds les eaux souterraines qui s'y infiltrent ou s'écoulent dans son héritage dégénère en abus lorsque, agissant sans utilité pour lui-même, ce forage est susceptible de porter atteinte à la qualité d'une eau minérale naturelle destinée à la consommation humaine et exploitée depuis plus de cent ans ; qu'en jugeant que la réalisation du forage litigieux n'était pas constitutive d'un abus de leur droit de propriété par les époux X..., bien que l'expert ait constaté l'improductivité de ce forage dont il a préconisé la fermeture en application du principe de précaution, la cour d'appel a violé les articles 552 et 642 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que selon l'article L. 110-1 II 1° du code de l'environnement, le principe de précaution est celui selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ; qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le forage, qualifié d'improductif par l'expert, avait été exécuté par une entreprise spécialisée dans les règles de l'art et le respect des autorisations administratives, et que l'expert avait conclu que ce forage se situant à l'aval du captage des eaux minérales de Saint-Jean Lachaud sans lien direct par faille avec celui-ci, n'avait aucune possibilité de polluer les eaux exploitées par le captage, même si l'on y précipitait des produits nocifs ou des germes délétères, la cour d'appel qui a retenu, à bon droit, que le risque de pollution ayant été formellement exclu par l'expert judiciaire, le principe de précaution ne pouvait trouver application, a pu en déduire que les époux X... n'avaient pas commis de faute ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a retenu que la valeur d'un forage à productivité réduite relevait de la seule appréciation des époux X... et qu'il ne résultait de ce forage ni absence d'utilité, ni intention de nuire, ni dommage causé à la SEM, a pu en déduire qu'aucun abus du droit de propriété n'était établi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société des eaux minérales de Vals aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société des eaux minérales de Vals ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la Société des eaux minérales de Vals
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Sem Vals de sa demande de fermeture du forage ;
Aux motifs propres que s'agissant des dispositions relatives à la qualité des eaux minérales, les règlements invoqués n'apparaissent pas applicables à l'espèce aux époux X... dans la mesure où ils ont effectué de façon non contestée un forage aux fins du seul arrosage de leur jardin, et où il ressort des investigations de l'expert judiciaire qu'il n'y a aucune possibilité que le forage de Monsieur X... puisse polluer les eaux de captage de « Saint Jean Lachaud » exploitées par la SA Sem Vals ; que concernant le principe de précaution, la demande n'apparaît pas mieux fondée au regard d'un risque de pollution des eaux minérales de la SA Sem Vals par le forage X..., ce risque étant formellement exclu par l'expert judiciaire comme dit précédemment et aucun autre élément n'étant produit à l'appui, qui ne saurait résulter d'un arrêté municipal d'interdiction de forage postérieure au forage litigieux, qui n'engage que l'autorité administrative, sans remettre en cause les droits de forage précédents régulièrement acquis ; que n'apparaît pas mieux établi un abus de droit de propriété ou encore un trouble anormal de voisinage au titre d'une productivité réduite du forage, dont la valeur relève de la seule appréciation des époux X... et dont il ne résulte ni absence d'utilité, ni une quelconque intention de nuire de leur part, ni un quelconque dommage causé à la SA Sem Vals ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que l'expert conclut que le forage réalisé sur la propriété des époux X..., qualifié d'improductif et se situant à l'aval du captage des eaux minérales de Saint Jean Lachaud sans lien direct par faille avec celui-ci, n'a aucune possibilité de polluer les eaux exploitées par le captage ; qu'il suggère en définitive de condamner le forage au titre du principe de précaution ;
ALORS D'UNE PART QUE le principe de précaution, qui impose d'anticiper et de prévenir tout risque même non encore identifié, doit conduire le juge à ordonner la fermeture d'un forage réalisé à proximité d'un captage d'eau minérale naturelle destinée à la consommation humaine, quand bien même le risque de pollution n'est pas encore établi ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si le principe de précaution n'imposait pas la fermeture du forage des époux X..., au regard des conclusions de l'expert judiciaire qui, bien qu'excluant a priori tout risque de pollution des eaux minérales par le forage des époux X..., avait néanmoins rappelé la nécessité de protéger le captage et préconisé la condamnation du forage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le droit du propriétaire de capter sur son fonds les eaux souterraines qui s'y infiltrent ou s'écoulent dans son héritage dégénère en abus lorsque, agissant sans utilité pour lui même, ce forage est susceptible de porter atteinte à la qualité d'une eau minérale naturelle destinée à la consommation humaine et exploitée depuis plus de cent ans ; qu'en jugeant que la réalisation du forage litigieux n'était pas constitutif d'un abus de leur droit de propriété par les époux X..., bien que l'expert ait constaté l'improductivité de ce forage dont il a préconisé la fermeture en application du principe de précaution, la Cour d'appel a violé les articles 552 et 642 du Code civil.