LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 31 juillet 1976 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ; qu'après leur divorce prononcé aux torts partagés par un arrêt du 13 avril 1993 sur une assignation du 19 septembre 1989, des différends les ont opposés sur la liquidation de leur régime matrimonial ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de report des effets du divorce en ce qui concerne leurs biens ;
Attendu qu'après avoir relevé que la mention du procès-verbal du 9 février 1995 selon laquelle les époux se seraient séparés le 20 avril 1989 ne constituait pas un accord des parties pour faire remonter à cette date les effets du divorce et que cette affirmation était contredite par les propres écritures de M. X..., qui indiquait avoir quitté le domicile conjugal fin juillet 1989, la cour d'appel a souverainement estimé que M. X... n'établissait pas que la cohabitation des époux avait cessé à la date de l'ordonnance de non-conciliation du 20 avril 1989 ; que le moyen qui critique un motif surabondant en sa première branche et manque en fait dans sa deuxième, est irrecevable en sa troisième comme contraire aux écritures d'appel de M. X... ; qu'il ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande formée au titre des travaux réalisés sur le terrain de Brunstatt, alors, selon le moyen, que le droit à récompense est constitué dès lors qu'il y a amélioration d'un bien commun avec les deniers propres d'un époux ; qu'en exigeant de M. X... qu'il démontre que les frais afférents aux travaux d'amélioration réalisés sur le terrain commun, dont l'existence n'est nullement contestée, aient été nécessaires et que leur absence aurait constitué un obstacle à la vente, la cour d'appel a violé l'article 1469, alinéa 3, du code civil ;
Mais attendu que les travaux litigieux, réalisés en 1993, postérieurement à la dissolution de la communauté, ne relèvent pas du régime des récompenses mais uniquement de celui de l'indivision post-communautaire régi par l'article 815-13 du code civil ; que le moyen est inopérant ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 1401 et 1404 du code civil ;
Attendu que pour qualifier l'indemnité de libre passage servie au titre du deuxième pilier du régime de prévoyance professionnelle obligatoire suisse d'actif de communauté au sens du droit français, l'arrêt énonce que l'affiliation à ce régime permet à l'assuré de se constituer une épargne par capitalisation et ouvre droit à des prestations qui ne couvrent pas le seul cas du départ à la retraite puisqu'il prévoit le versement d'un capital dans l'hypothèse d'une sortie du régime en dehors des cas de prévoyance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les droits acquis au titre d'un régime de prévoyance professionnelle obligatoire, attribués en considération de la situation personnelle de leur titulaire, constituent des biens propres par nature et que seul le capital représentatif de la prestation de libre passage dont le versement est demandé avant la dissolution du régime constitue un substitut de rémunération et entre en communauté, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que son versement avait été demandé par le mari avant la dissolution du régime matrimonial, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que l'indemnité de libre passage constituait un actif de communauté, l'arrêt rendu le 28 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Claude X... de sa demande de report de la date d'effet du divorce dans les rapports entre les époux et d'AVOIR, en conséquence, statué comme elle l'a fait sur les conséquences du divorce des époux X...-Y...;
AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions de l'article 262-1 du Code Civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, dès la date de l'assignation ; que les époux peuvent l'un ou l'autre demander, s'il y a lieu, que l'effet du jugement soit reporté à la date où ils ont cessé de cohabiter ou de collaborer ; que le procès-verbal du 9 février 1995 comporte la mention suivante « les parties admettent que la date d'assignation est le 19 septembre 1989 et que la séparation effective remonte au 20 avril 1989 » ; que contrairement à ce qui est soutenu par Monsieur Claude X..., cette mention n'établit pas expressément un accord des parties pour faire remonter les effets du divorce au 20 avril 1989 ; que par ailleurs cette affirmation est contredite par les propres écrits de l'appelant principal qui, en page 27 de ses conclusions récapitulatives, indique avoir quitté le domicile conjugal fin juillet 1989, de sorte qu'il ne peut être admis que la cohabitation aurait cessé à la date de l'ordonnance de non-conciliation comme prétendu ; que le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point ;
1° / ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Monsieur X... faisait valoir qu'il résultait du procès-verbal des débats du 9 février 1995 devant le notaire, selon lequel « les parties admettent que la date d'assignation est le 19 septembre 1989 et que la séparation effective remonte au 20 avril 1989 », que « la séparation effective remonte à la date de l'ordonnance de non-conciliation à savoir le 20 avril 1989 » (p. 4) ; qu'en énonçant que « contrairement à ce qui est soutenu par M. Claude X..., cette mention n'établit pas expressément un accord des parties pour faire remonter les effets du divorce au 20 avril 1989 » (arrêt, p. 3), la Cour d'Appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions susvisées, qui invoquaient un accord des parties sur la date de la séparation effective et non pour faire remonter les effets du divorce au 20 avril 1989, en violation de l'article 4 du Code de Procédure Civile ;
2° / ALORS QU'en subordonnant le report de la date d'effet du divorce dans les rapports entre les époux à un « accord des époux » sur ce report, la Cour d'Appel a violé l'article 262-1 du Code Civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
3° / ALORS QUE la Cour d'Appel, qui a énoncé qu'« il ne peut être admis que la cohabitation aurait cessé à la date de l'ordonnance de non-conciliation » puisque Monsieur X... « indique avoir quitté le domicile conjugal fin juillet 1989 », ne pouvait, en toute hypothèse, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le divorce prenait effet dans les rapports entre les époux à la date de l'assignation en divorce, soit le 19 septembre 1989, violant ainsi l'article 262-1 du Code Civil, dans sa rédaction applicable au litige.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué, confirmatif à cet égard, d'AVOIR débouté Monsieur Claude X... du chef de sa demande concernant les travaux sur le terrain de BRUNSTATT ;
AUX MOTIFS QUE la demande de Monsieur Claude X... porte sur la moitié d'une facture en date du 30 avril 1993 correspondant à la « location d'un traco-pelle pour travaux d'aménagement sur votre propriété de Brustatt » d'un montant de 11 860 francs ; qu'il n'est pas contesté que ces frais soient afférents à des travaux réalisés sur le terrain commun ; qu'aucun élément de preuve n'est fourni attestant du projet de construction imputé à Monsieur Claude X... par son ex-épouse ; qu'il appartient toutefois à Monsieur Claude X... de démontrer que ces frais étaient nécessaires à l'amélioration ou à la conservation de l'immeuble ; qu'or s'il est constant que le terrain était en pente, il n'est nullement démontré que cela constitue un obstacle à la vente ; qu'il n'est pas davantage démontré que la location d'un traco-pelle ait été nécessaire pour effectuer des travaux d'entretien, Monsieur Claude X... produisant par ailleurs des factures de location d'une débroussailleuse ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande ;
ALORS QUE le droit à récompense est constitué dès lors qu'il y a amélioration d'un bien commun avec les deniers propres d'un époux ; qu'en exigeant de Monsieur X... qu'il démontre que les frais afférents aux travaux d'amélioration réalisés sur le terrain commun, dont l'existence n'est nullement contestée, aient été nécessaires et que leur absence aurait constitué un obstacle à la vente, la Cour d'Appel a violé l'article 1469, alinéa 3, du Code Civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'indemnité de libre passage constitue un bien commun ;
AUX MOTIFS QUE le système de prévoyance suisse repose sur trois « piliers » ; que le premier, qui a pour objet la garantie d'un minimum vital, est un système de retraite par répartition ; que le second, qui a pour objet de maintenir de façon appropriée le niveau de vie antérieur, est un système de prévoyance professionnelle obligatoire lorsque le salaire perçu dépasse un certain seuil et constitue un système de retraite par capitalisation ; que le troisième pilier est un système de prévoyance individuelle facultative ; que le « 2ème pilier » est régi d'une part par la loi fédérale suisse sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 et d'autre part par la loi fédérale suisse sur « le libre passage » dans la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 ; que la première de ces lois prévoit le versement de prestations d'assurance sous forme de rente lorsque l'assuré se trouve dans un cas de prévoyance (admission au bénéfice de la retraite, décès, invalidité), la seconde prévoit le versement d'une prestation de sortie sous forme de capital, lorsque l'assuré quitte le système de prévoyance en dehors d'un cas de prévoyance ; que la loi du 25 juin 1982 prévoit en outre une possibilité de versement anticipé de la prestation de libre passage, sous certaines conditions, en vue de l'accession à la propriété de son logement ; qu'en considération de la nature des cas de prévoyance ouvrant droit à des prestations, qui ne couvrent pas le seul cas du départ à la retraite, l'adhésion à une institution de prévoyance au titre du « 2ème pilier » ne peut être assimilée à une adhésion à une caisse de retraite complémentaire comme soutenu par Monsieur Claude X..., mais doit être analysée comme une affiliation à une assurance de prévoyance obligatoire et en conséquence comme la constitution d'une épargne par capitalisation ; qu'il n'est pas contesté que les cotisations ont été financées par des fonds communs, de sorte que par application de l'article 1401 du Code Civil, la valeur de ce rachat du contrat, en l'occurrence la prestation de libre passage, fait partie de l'actif de la communauté (Civ. 1re, 31 mars 1992, Bull. n° 95) ;
ALORS QUE les prestations servies dans le cadre du deuxième pilier instauré par la loi fédérale suisse en matière de prévoyance professionnelle obligatoire ont le caractère d'un bien propre ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'Appel a violé l'article 1401 du Code Civil.