REJET du pourvoi formé par :
- X... Peter,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 23 janvier 1997, qui, après sa condamnation par la cour d'assises des Alpes-Maritimes pour meurtre, a rejeté sa demande d'imputation, sur l'exécution de sa peine, de la durée d'une incarcération antérieure subie à l'étranger pour les mêmes faits.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris en ce que la chambre d'accusation, statuant sur une requête tendant à voir prendre en compte, pour l'exécution d'une peine prononcée en France, la durée de la détention exécutée à l'étranger à raison des mêmes faits, a débattu de l'affaire et prononcé son arrêt en chambre du conseil :
" alors que les débats et les décisions sur les modalités de la peine relèvent des litiges relatifs aux accusations pénales et doivent avoir lieu publiquement ; que la chambre d'accusation a ainsi violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Attendu qu'en statuant en chambre du conseil sur un incident contentieux relatif à l'exécution d'une sentence pénale, la chambre d'accusation n'a fait qu'appliquer les prescriptions des articles 199, alinéa 1er, et 711 du Code de procédure pénale, qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions conventionnelles invoquées au moyen, dès lors que, contrairement à ce que soutient le demandeur, les juges saisis d'un tel incident ne sont pas appelés à décider du bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de ces dispositions ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris en ce que la chambre d'accusation a rejeté la requête tendant à voir déduire de la durée d'une condamnation à la réclusion criminelle prononcée par une juridiction française, la durée de l'emprisonnement effectué à l'étranger à raison des mêmes faits :
" aux motifs qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne permet d'imputer sur l'exécution d'une peine privative de liberté, prononcée par une juridiction nationale, la durée de l'incarcération subie dans un pays étranger en exécution d'une condamnation infligée pour les mêmes faits par une juridiction de cet Etat ;
" alors qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même, que Peter X... a été incarcéré en Allemagne (Suisse ?) du 29 octobre 1989 au 21 août 1991 (et en tout cas au 9 août 1991, date de son évasion) ; qu'il avait été condamné par la juridiction helvétique le 26 juin 1991 ; qu'il résulte de ces éléments que la détention effectuée entre le 29 octobre 1989 et le 26 juin 1991 ne pouvait l'avoir été qu'au titre d'une détention provisoire ; que l'article 716-4 du Code de procédure pénale, qui impose de déduire la durée de la détention provisoire de la durée de la peine prononcée, prévoit expressément que l'incarcération subie hors de France doit être ainsi prise en compte ; qu'ainsi, la chambre d'accusation a violé les articles 716-4 et 593 du Code de procédure pénale, 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris en ce que la chambre d'accusation a rejeté la requête tendant à voir déduire de la durée d'une condamnation à la réclusion criminelle prononcée par une juridiction française, la durée de l'emprisonnement effectuée à l'étranger à raison des mêmes faits :
" aux motifs qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne permet d'imputer sur l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par une juridiction nationale, la durée de l'incarcération subie dans un pays étranger en exécution d'une condamnation infligée pour les mêmes faits par une juridiction de cet Etat, dès lors que le condamné ne justifie pas qu'il a intégralement exécuté sa peine ;
" alors qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi ne doit établir que des peines "strictement et évidemment nécessaires" ; que seule peut être tenue pour strictement nécessaire, aux yeux des juridictions nationales, la peine prononcée par une même juridiction en toute indépendance ; que, s'il s'avère qu'une privation de liberté a déjà été infligée, pour une raison quelconque par des autorités étrangères à raison des mêmes faits, cette privation de liberté doit, sauf à ce que la juridiction nationale en ait expressément tenu compte dans le choix de la peine, être considérée comme un fait nécessairement à prendre en compte pour l'exécution de la peine privative de liberté qui doit rester strictement mesurée ; que les textes internes ou bien étrangers ne peuvent être interprétés que dans ce sens, conforme à la déclaration précitée ; qu'ainsi, la chambre d'accusation a violé les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le principe de proportionnalité, et l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, alinéa 7, du Pacte international des droits civils et politiques " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Peter X..., de nationalité française, a été condamné en Suisse, par jugement du tribunal criminel d'Aigle en date du 26 juin 1991, à 12 ans d'emprisonnement pour un meurtre commis sur le territoire de ce pays ; que, le 21 août 1991, il s'est évadé de l'établissement pénitentiaire suisse où, depuis le 29 octobre 1989, il était détenu en raison des mêmes faits ; qu'à la suite de son arrestation en France, il a été poursuivi pour ces faits et condamné le 10 décembre 1993 par la cour d'assises des Alpes-Maritimes à 13 ans de réclusion criminelle ;
Attendu qu'en rejetant, par les motifs partiellement reproduits au moyen, la requête de l'intéressé qui demandait l'imputation, sur l'exécution de cette peine, de la durée de l'incarcération subie en Suisse, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet aucune disposition légale ou conventionnelle ne permet d'imputer sur l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par une juridiction nationale, saisie sur dénonciation officielle des faits, pour un crime ou un délit commis par un citoyen français sur le territoire d'un Etat étranger, la durée de l'incarcération subie dans ce pays, soit au titre de la détention provisoire ordonnée pour les mêmes faits par une juridiction dudit Etat, soit en exécution d'une condamnation infligée pour ces faits par une telle juridiction dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, le condamné ne justifie pas que sa peine a été intégralement subie ou qu'elle a été prescrite ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.