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09/01/1997 | FRANCE | N°96-85211

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 janvier 1997, 96-85211


REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 18 juillet 1996, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef d'usage de faux et escroquerie en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant sa détention provisoire pour une durée de 2 mois.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 19 janvier 1996, X..., mise en examen des chefs d'usage de faux et d'abus de confiance, a été placée en

détention provisoire ; que, le 17 mai 1996, le juge d'instruction a été saisi...

REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 18 juillet 1996, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef d'usage de faux et escroquerie en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant sa détention provisoire pour une durée de 2 mois.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 19 janvier 1996, X..., mise en examen des chefs d'usage de faux et d'abus de confiance, a été placée en détention provisoire ; que, le 17 mai 1996, le juge d'instruction a été saisi d'un réquisitoire supplétif tendant à requalifier les faits d'abus de confiance en escroquerie en bande organisée ; que, le même jour, le juge d'instruction a rendu une ordonnance, devenue définitive, prolongeant la détention provisoire de l'intéressée pour une durée de 4 mois, à compter du 19 mai 1996 ;
Que, le 25 juin 1996, après avoir notifié à X... une mise en examen supplétive du chef d'escroquerie en bande organisée, réprimée par l'article 313-2, alinéa 5, du Code pénal, le juge d'instruction a placé l'intéressée en détention provisoire, puis, par ordonnance du 27 juin 1996, a rectifié l'ordonnance et le mandat de dépôt précédents qui ne comportaient pas la mention de la nouvelle qualification retenue ;
Que, par ordonnance du 5 juillet 1996, le juge d'instruction a prolongé la détention provisoire de X... pour une durée de 2 mois à compter du 19 juillet 1996 ;
Que, par arrêt du 11 juillet 1996, devenu définitif, la chambre d'accusation a annulé tant l'ordonnance et le mandat de dépôt du 25 juin 1996 que l'ordonnance du 27 juin 1996 et dit que la prolongation de détention ordonnée le 17 mai 1996 n'avait d'effet que pour une durée de 2 mois ;
Que, sur l'appel de l'ordonnance du 5 juillet 1996, la chambre d'accusation a confirmé cette décision par l'arrêt attaqué qui fait l'objet du présent pourvoi ;
En cet état :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 66 de la Constitution de 1958, 145 et suivants, 201, 567-2, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a confirmé l'ordonnance du 5 juillet 1996 qui a prolongé la détention de X... pour une durée de 2 mois à partir du 19 juillet 1996, à zéro heure ;
" aux motifs que le juge d'instruction est saisi de faits qui lui sont dénoncés par le réquisitoire introductif, indépendamment de la qualification qui leur est donnée ; que s'il apparaît que ces faits peuvent recevoir une qualification différente de celle retenue lors de la première comparution et que, en raison de la peine encourue, la durée de la détention provisoire s'en trouve modifiée, le titre initial de détention demeure valable mais, à compter de la notification de la nouvelle mise en examen, la détention se trouve soumise aux règles qui découlent de la nouvelle qualification ; qu'il résulte en l'espèce de la rédaction du réquisitoire du 17 mai 1996 et du procès-verbal de notification du 25 juin 1996, que les faits qui ont été qualifiés d'escroquerie en bande organisée sont les mêmes que ceux qui avaient été qualifiés d'abus de confiance au moment de l'interrogatoire de première comparution ; que si le juge d'instruction n'avait pas le pouvoir à la date du 17 mai 1996 de prolonger la détention pour une durée de 4 mois, alors que la mise en examen du chef d'escroquerie en bande organisée n'avait pas encore été notifiée, l'ordonnance de prolongation de détention du 17 mai 1996 a cependant produit ses effets pour une durée de 2 mois conformément aux dispositions de l'article 145-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; qu'il ne peut être soutenu, comme cela est affirmé dans le mémoire déposé au nom de X..., que cette ordonnance dont il n'a pas été interjeté appel et qui est devenue définitive, serait entachée de nullité pour le motif qu'elle avait prolongé la détention pour une durée de 4 mois ; que l'ordonnance de prolongation du 17 mai 1996 n'ayant eu aucun effet au-delà du 18 juillet 1996, il ne peut non plus être soutenu qu'elle avait le même objet que l'ordonnance du 5 juillet 1996 qui a prolongé la détention pour une durée de 2 mois à partir du 19 juillet 1995 ; que la mise en examen du chef d'escroquerie en bande organisée, qui ne constitue qu'une requalification des faits qui avaient été initialement qualifiés d'abus de confiance, ayant été notifiée le 25 juin 1996, les dispositions de l'article 145-1 et 2 du Code de procédure pénale permettaient, à la date du 5 juillet 1996, de prolonger la détention pour une nouvelle durée de 2 mois, alors que la peine encourue pour cette infraction, édictée par l'article 313-2 alinéa 5 du Code pénal, est supérieure à 5 ans d'emprisonnement ; que X... ne peut se faire grief de ce qu'il n'est pas fait référence dans l'ordonnance de prolongation de détention du 5 juillet 1996 aux faits d'escroquerie en bande organisée, alors que sa mise en examen pour cette infraction lui avait été précédemment notifiée ; que le visa de l'infraction pour laquelle la personne est mise en examen, dans l'ordonnance de prolongation de la détention, ne constitue pas une formalité substantielle dont l'absence entacherait l'ordonnance de nullité ; qu'il ne peut être conclu de ce qu'une nouvelle ordonnance de prolongation de détention a été rendue le 10 juillet 1996, qui avait le même objet que celle du 5 juillet 1996, que la seconde devait se substituer à la première qui aurait été entachée de nullité, alors que l'ordonnance du 10 juillet 1996 résulte manifestement d'une inadvertance du magistrat qui a remplacé le juge d'instruction désigné pour instruire le dossier qui ne s'est manifestement pas rendu compte que la détention avait déjà été prolongée ; que la validité de l'ordonnance de prolongation de détention du 5 juillet 1996 est indépendante de celle de l'ordonnance de prolongation de détention du 10 juillet 1996 qui lui est postérieure ; que le mari de X... est actuellement en fuite ; qu'un mandat d'arrêt a été délivré à son encontre ; que même s'il est supposé ne pas résider en France, la détention de X... constitue l'unique moyen de l'empêcher de se concerter avec lui, ne serait-ce que par téléphone ou par personne interposée, alors qu'il est essentiel de déterminer quel a été le rôle de chacun des 2 dans la conception et la réalisation des opérations frauduleuses pour lesquelles ils ont été mis en examen ; que, par ailleurs, X..., ressortissante de nationalité japonaise, domiciliée en Grande-Bretagne, dépourvue de toute attache avec la France, ne présente pas, malgré une attestation d'hébergement fournie par un tiers, de réelle garantie de représentation en France ; qu'elle ne propose pas dans son mémoire de verser un cautionnement ; que le dépôt de son passeport ne constituerait pas une mesure suffisante en raison des complicités dont elle est susceptible de bénéficier, pour l'empêcher de regagner son pays d'origine ; que sa détention constitue en l'état l'unique moyen d'assurer sa comparution en justice (arrêt, p. 7 à 9) ;
" 1° alors que, d'une part, la chambre d'accusation n'a pu légalement reconnaître une efficacité partielle à l'ordonnance de prolongation de 4 mois, datée du 17 mai 1996, dont elle reconnaissait par ailleurs l'irrégularité ; qu'ainsi l'ordonnance de prolongation ici attaquée était elle-même nulle comme étant prise à la suite d'une ordonnance inexistante ;
" 2° alors que, d'autre part, l'ordonnance de prolongation du 5 juillet 1996, en tant qu'elle se substituait à une précédente ordonnance rectifiée du 25 juin qui prétendait elle-même remplacer l'ordonnance du 17 mai, était de plus fort irrégulière en conséquence de l'annulation par un précédent arrêt de la chambre d'accusation de l'ordonnance rectifiée du 25 juin 1996 ;
" 3° alors que, de troisième part, la chambre d'accusation devait rechercher, comme elle en était requise, si l'ordonnance de prolongation du 5 juillet 1996, eu égard à sa date et à sa durée, ne se proposait pas de contourner la difficulté née de l'irrégularité de l'ordonnance du 17 mai 1996, à laquelle elle tentait de faire produire un effet identique caractéristique d'un détournement de procédure reprochable au juge d'instruction ;
" 4° alors que, de quatrième part, après 6 mois d'incarcération provisoire, l'ordonnance portant prolongation de la détention n'est régulière que si elle vise expressément une incrimination permettant qu'il soit exceptionnellement fait échec au droit commun ; que ce visa est substantiel et ne peut être suppléé par la chambre d'accusation par référence directe au dossier de procédure ;
" 5° alors que, de cinquième part, est prématurée l'ordonnance de prolongation de la détention prise le 5 juillet pour prendre effet à partir du 19 juillet suivant ;
" 6° alors, enfin, que ni l'extranéité de la personne détenue, ni la fuite d'un tiers soupçonné, ne sont de nature à justifier la prolongation de la détention de la demanderesse ; que ces motifs, d'ailleurs généraux et pour partie étrangers à la personne de X..., demeurent insuffisamment circonstanciés au regard des garanties de représentation susceptibles d'être offertes ou ordonnées " ;
Sur le moyen pris en ses 5 premières branches :
Attendu que, pour écarter les conclusions de X... qui sollicitait l'annulation de l'ordonnance du 5 juillet 1996 et sa mise en liberté, la chambre d'accusation énonce que le juge d'instruction est saisi des faits qui lui sont dénoncés par le réquisitoire introductif, indépendamment de la qualification qui leur est donnée ; que, s'il apparaît que ces faits peuvent recevoir une qualification différente de celle retenue lors de la première comparution et que, en raison de la peine encourue, la durée de la détention provisoire s'en trouve modifiée, le titre initial de détention demeure valable, mais que la détention, à compter de la notification de la nouvelle mise en examen, se trouve soumise aux règles qui découlent de la nouvelle qualification ;
Que les juges relèvent qu'en l'espèce les faits qui ont été qualifiés d'escroquerie en bande organisée sont les mêmes que ceux qui avaient été qualifiés d'abus de confiance lors de l'interrogatoire de première comparution ; qu'ils ajoutent que, si le juge d'instruction n'avait pas le pouvoir, à la date de son ordonnance du 17 mai 1996, de prolonger la détention pour une durée de 4 mois, alors que la mise en examen du chef d'escroquerie en bande organisée n'a été notifiée que le 25 juin suivant, cette décision a cependant produit ses effets pour une durée de 2 mois conformément aux dispositions de l'article 145-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; qu'ils retiennent encore que cette ordonnance n'a pas le même objet que celle du 5 juillet 1996 qui a régulièrement prolongé la détention provisoire pour une nouvelle durée de 2 mois à partir du 19 juillet 1996, la peine encourue étant supérieure à 5 ans d'emprisonnement ;
Que les juges énoncent, enfin, que X... ne saurait se faire un grief de ce que l'ordonnance du 5 juillet 1996 ne fait pas expressément référence aux faits d'escroquerie en bande organisée, sa mise en examen pour cette infraction lui ayant été notifiée précédemment ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors, en outre, que l'article 145-1 du Code de procédure pénale n'impose pas que la prolongation de la détention provisoire soit ordonnée en une seule fois et par une décision unique, ni que le juge d'instruction soit tenu de statuer le dernier jour du délai expiré, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Sur le moyen pris en sa dernière branche :
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé les faits reprochés à X..., relève que sa détention constitue l'unique moyen de l'empêcher de se concerter avec son mari, en fuite, ne serait-ce que par téléphone ou par personne interposée, alors qu'il est essentiel de déterminer le rôle de chacun d'eux dans la conception et la réalisation des opérations frauduleuses pour lesquelles ils ont été mis en examen ; qu'elle retient, par ailleurs, que l'intéressée, de nationalité japonaise et domiciliée en Grande-Bretagne, est dépourvue de toute attache avec la France et ne présente pas, malgré une attestation d'hébergement fournie par un tiers, de réelle garantie de représentation en France ;
Attendu qu'en cet état la chambre d'accusation a justifié sa décision par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 144, 145 et 145-1 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-85211
Date de la décision : 09/01/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DETENTION PROVISOIRE - Décision de prolongation - Qualification différente des faits en cours d'information - Effet.

1° INSTRUCTION - Détention provisoire - Décision de prolongation - Qualification différente des faits en cours d'information - Effet.

1° En cas de changement de qualification des faits au cours d'une information, de nature à entraîner une modification de la durée de la détention provisoire, le titre initial de détention demeure valable mais, à compter de la notification de la nouvelle qualification, la détention se trouve, de plein droit, soumise aux règles qui découlent de celle-ci(1).

2° DETENTION PROVISOIRE - Décision de prolongation - Prolongation dans la limite de durée prévue par l'article du Code de procédure pénale - Pluralité de décisions - Possibilité.

2° INSTRUCTION - Détention provisoire - Décision de prolongation - Prolongation dans la limite de durée prévue par l'article du Code de procédure pénale - Pluralité de décisions - Possibilité.

2° Si l'article 145-1 du Code de procédure pénale autorise la prolongation de la détention provisoire pour une certaine durée en fonction de la peine encourue et des antécédents judiciaires, ce texte n'impose pas que cette prolongation soit ordonnée en une seule fois par une décision unique(2).

3° DETENTION PROVISOIRE - Décision de prolongation - Prolongation dans la limite de durée prévue par l'article du Code de procédure pénale - Date de la décision.

3° INSTRUCTION - Détention provisoire - Décision de prolongation - Prolongation dans la limite de durée prévue par l'article du Code de procédure pénale - Date de la décision.

3° L'article 145-1 du Code de procédure pénale, qui permet au juge d'instruction, en matière correctionnelle, de prolonger la détention à l'expiration de certains délais, ne lui fait pas obligation de prendre sa décision le dernier jour, à l'expiration desdits délais(3).


Références :

3° :
Code de procédure pénale 145-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre d'accusation), 18 juillet 1996

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1990-03-27, Bulletin criminel 1990, n° 135, p. 362 (cassation), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1991-03-19, Bulletin criminel 1991, n° 134, p. 340 (rejet)

arrêt cité ; Chambre criminelle, 1991-10-29, Bulletin criminel 1991, n° 385, p. 964 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1994-01-10, Bulletin criminel 1994, n° 12, p. 22 (rejet). CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1993-01-04, Bulletin criminel 1993, n° 2, p. 2 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jan. 1997, pourvoi n°96-85211, Bull. crim. criminel 1997 N° 8 p. 15
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 8 p. 15

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Schumacher.
Avocat(s) : Avocat : M. Bouthors.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.85211
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