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23/06/1993 | FRANCE | N°92-85106

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 juin 1993, 92-85106


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Eric,
- Y... Anne-Catherine, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, du 16 juillet 1992 qui, dans la procédure suivie contre Eric X... pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Anne-Catherine Y... et pris de la violation des articles 319, 320 et suivants du Code pénal, 1382 du Code ci

vil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Eric,
- Y... Anne-Catherine, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, du 16 juillet 1992 qui, dans la procédure suivie contre Eric X... pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Anne-Catherine Y... et pris de la violation des articles 319, 320 et suivants du Code pénal, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a rejeté comme indirects, les chefs de demande relatifs à la " capitalisation des primes " d'assurance du fauteuil roulant électronique, " et surprimes d'assurance " du véhicule automobile adapté ;
" aux motifs qu'il y avait " lieu de rejeter, comme indirects, les chefs de demande relatifs à la capitalisation des primes et surprimes d'assurance pour le fauteuil roulant électrique et la voiture aménagée " (arrêt p. 9, paragraphe 1) ;
" alors que, d'une part, dès lors que la cour d'appel reconnaissait qu'il devait être fait droit à la demande d'Anne-Catherine Y... relative à l'aménagement d'une voiture compte tenu de son état, le surcoût de prime d'assurance pour ce véhicule constituait un chef de préjudice découlant directement de l'infraction ;
" alors que, d'autre part, il en allait de même pour la prime d'assurance du fauteuil électrique " ;
Attendu qu'en rejetant " comme indirects " les chefs de demande de la partie civile relatifs à la capitalisation des primes et surprimes d'assurance concernant le fauteuil roulant électronique et le véhicule adapté, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement l'étendue et la consistance du préjudice soumis à son examen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le moyen unique de cassation proposé pour Eric X... et pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à payer à Y... la somme de 595 269,21 francs, sous déduction des provisions déjà versées, en réparation de son préjudice " non préemptable " ;
" aux motifs que, la créance de la CPAM de l'Orne doit être déduite en totalité de la somme globale revenant à Y... ; que Anne-Catherine Y... justifie d'un préjudice matériel qui doit être évalué à la somme de 2 123 francs ; que Anne-Catherine Y... soutient que certains frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation sont demeurés à sa charge ; qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur ce chef de demande et d'ordonner une expertise ; que Anne-Catherine Y... dresse une liste de dépenses d'équipement et d'outillage qu'elle sera amenée à supporter ; qu'il convient de demander à l'expert d'apporter des éléments d'information sur la nécessité de ces frais ; qu'il convient d'ores et déjà d'écarter les chefs de demandes relatifs à la capitalisation des primes ou des surprimes d'assurances pour le fauteuil roulant électrique et la voiture aménagée ; qu'il sera toutefois fait droit à celui qui concerne l'aménagement d'une voiture pour la somme de 41 569,30 francs ; qu'il en sera de même de la demande d'indemnisation des frais d'adaptation du logement d'Anne-Catherine Y..., estimés à la somme de 180 000 francs ; que l'expert devra examiner le problème des frais de tierce personne ; que les montants de l'incapacité totale temporaire et de l'incapacité permanente partielle étant dans une certaine mesure liés aux résultats de l'expertise, il sera sursis à statuer sur ces chefs de préjudice ; que le préjudice esthétique subi par Anne-Catherine Y... justifie l'allocation d'une somme de 120 000 francs ; que le préjudice de souffrance doit être fixé à la somme de 150 000 francs ; que Anne-Catherine Y... justifie d'un préjudice d'agrément qui comprend le préjudice sexuel, qui doit être évalué à la somme de 300 000 francs ; que le montant des frais irrépétibles dus à Anne-Catherine Y... sont fixés à la somme de 30 000 francs ; qu'il convient ainsi d'allouer dès maintenant à Anne-Catherine Y... la somme de 793 692,30 francs (2 123 + 41 569,30 + 180 000 + 120 000 + 150 000 + 300 000), soit après le partage des responsabilités :
793 692,30 : 0,75 = 595 269,21 francs ; soit encore, après le remboursement des frais irrépétibles (30 000 francs) et la déduction des provisions déjà versées (588 760,05 francs), la somme de 26 509,16 francs (595 269,21 + 30 000 = 615 269,21 ; 615 269,21 - 588 760,05 = 26 509,16) ;
" alors que, les frais d'adaptation d'un logement et d'aménagement d'un véhicule sont des éléments de préjudice soumis au recours des organismes de sécurité sociale ; qu'en condamnant X... à payer à Anne-Catherine Y... des sommes " non préemptables " quand celles-ci, représentant pour partie les dépenses d'adaptation d'un logement (180 000 francs) et d'aménagement d'un véhicule (41 569,30 francs), étaient soumises au recours des caisses de sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu qu'il résulte de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale que, lorsqu'un assuré social est victime d'un accident imputable en tout ou partie à un tiers, la part d'indemnité à caractère personnel, sur laquelle la caisse d'assurance maladie ne peut poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge, correspond seulement aux souffrances physiques ou morales endurées par la victime ainsi qu'à ses préjudices esthétique et d'agrément, à l'exclusion de tous autres chefs de dommage ;
Attendu que, se prononçant sur la réparation des dommages subis par Anne-Catherine Y... à la suite de l'accident dont Eric X... a été déclaré responsable pour les trois quarts, la juridiction du second degré alloue à la victime une indemnité de 595 269,21 francs correspondant, non seulement à des dégâts vestimentaires, au préjudice esthétique, aux souffrances endurées et au préjudice d'agrément, mais encore à l'aménagement d'une voiture et à l'adaptation d'un logement ; que les juges ordonnent, par ailleurs, une expertise complémentaire et surseoient à statuer sur le préjudice soumis au recours de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les frais d'aménagement d'un véhicule ou d'adaptation d'un logement constituent des éléments du dommage de la partie civile qui doivent être inclus dans l'assiette du recours du tiers payeur, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le premier moyen de cassation proposé par Anne-Catherine Y... et pris de la violation des articles 515, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la demande de Y... tendant, au titre de la réparation de son incapacité permanente partielle, à se voir allouer, outre la somme de 2 200 000 francs déjà sollicitée en première instance " en réparation du déficit physiologique ", " la somme de 1 475 400 francs en réparation du préjudice économique " ;
" aux motifs que, la demande de Y... n'était recevable qu'à concurrence de 2 200 000 francs, puisqu'elle " ne peut, en cause d'appel, que demander une augmentation de dommages-intérêts pour un préjudice souffert depuis la décision de première instance, ce qui n'est pas le cas des 1 475 000 francs " (arrêt p. 9, paragraphe 4) ;
" alors que, dans ses conclusions de première instance, Y... avait fait valoir, dans sa demande en réparation de son incapacité permanente partielle, que du fait de l'accident litigieux elle " ne pourr(ait) jamais avoir une quelconque " activité " ; qu'ainsi ce chef de dommage se trouvait déjà dans le débat et que la demande présentée au titre du préjudice économique devant la cour d'appel ne pouvait être considérée comme nouvelle " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le préjudice causé par une infraction doit être déterminé au jour de la décision ; que les dispositions de l'article 515, alinéa 3, du Code de procédure pénale, prohibant en cause d'appel les demandes nouvelles, ne sauraient interdire à la partie civile d'élever le montant de sa demande pour un chef de dommage déjà soumis au débat en première instance ;
Attendu que les juges d'appel étaient saisis de conclusions de la victime sollicitant, pour la réparation d'une incapacité permanente de 95 %, la somme de 2 200 000 francs au titre du " déficit physiologique " et celle de 1 475 000 francs au titre du " préjudice économique " ; qu'ils ont sursis à statuer sur l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle, sauf à déclarer dès à présent irrecevable, comme nouvelle, la demande formée au titre du préjudice économique, faisant droit sur ce point aux conclusions du prévenu ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il était loisible à la partie civile, qui avait fait valoir devant le Tribunal qu'elle ne pourrait jamais exercer une quelconque activité, et ainsi manifestement inclus son dommage économique dans sa demande afférente à la réparation de son incapacité permanente, de distinguer en cause d'appel son préjudice économique de son préjudice strictement physiologique, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est derechef encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen du 16 juillet 1992, mais seulement en ses dispositions relatives à la fixation du préjudice découlant de l'atteinte à l'intégrité physique d'Anne-Catherine Y... et soumis au recours de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-85106
Date de la décision : 23/06/1993
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Définition - Blessures involontaires - Capitalisation des primes et surprimes d'assurance concernant un matériel adapté (non).

1° En qualifiant d'indirect, pour en rejeter la demande de réparation, le préjudice allégué par la partie civile, victime de blessures involontaires, qui réclamait le paiement de la capitalisation des primes et surprimes d'assurance afférentes au fauteuil roulant électronique et au véhicule adapté, utilisés par le blessé à la suite de l'accident, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement l'étendue et la consistance du préjudice soumis à son examen.

2° APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel de la partie civile - Demande majorée en appel - Chef de préjudice soumis aux débats en première instance - Demande nouvelle (non).

2° APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Demande nouvelle - Recevabilité - Cas - Chefs de préjudice soumis aux débats en première instance - Nouvelle évaluation.

2° Les dispositions de l'article 515, alinéa 3, du Code de procédure pénale, prohibant en cause d'appel les demandes nouvelles, ne sauraient interdire à la partie civile d'élever le montant de la demande pour un chef de dommage déjà soumis au débat en première instance. Tel est le cas de la partie civile qui, ayant sollicité en première instance une indemnité au titre de son incapacité permanente partielle, majore sa demande en réclamant à la cour d'appel l'indemnisation distincte de son préjudice purement physiologique et de son préjudice économique(1).

3° SECURITE SOCIALE - Assurances sociales - Tiers responsable - Recours des caisses - Assiette - Préjudice - Frais d'adaptation ou d'aménagement du logement et du véhicule de la victime.

3° Encourt la cassation, par méconnaissance de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, la cour d'appel qui, après partage de responsabilité, sursoit à statuer sur le préjudice soumis au recours de la caisse primaire d'assurance maladie, tout en allouant dès à présent à la victime une indemnité correspondant, non seulement aux dégâts vestimentaires, aux souffrances endurées et aux préjudices esthétique et d'agrément, mais encore aux frais d'aménagement d'une voiture et d'adaptation d'un logement (2).


Références :

1° :
2° :
3° :
Code civil 1382
Code de la sécurité sociale L376-1
Code de procédure pénale 515 al. 3
Code pénal 319, 320

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen (chambre correctionnelle), 16 juillet 1992

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1983-12-13, Bulletin criminel 1983, n° 339, p. 876 (cassation), et les arrêts cités. CONFER : (3°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1989-03-21, Bulletin criminel 1989, n° 137, p. 349 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jui. 1993, pourvoi n°92-85106, Bull. crim. criminel 1993 N° 219 p. 550
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 219 p. 550

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Souppe, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Blin.
Avocat(s) : Avocats : MM. Copper-Royer, Parmentier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.85106
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