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29/06/1994 | FRANCE | N°92-13563

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 juin 1994, 92-13563


Sur le moyen unique :

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble les articles 353 et 361 du même Code ;

Attendu que la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ;

Attendu que Mme Y..., alors épouse de M. X..., étant atteinte de stérilité, son mari a donné son sperme à Mme Z... qui, inséminée artificiellement, a porté et m

is au monde l'enfant ainsi conçu ; qu'à sa naissance, le 17 novembre 1985, cette enf...

Sur le moyen unique :

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble les articles 353 et 361 du même Code ;

Attendu que la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ;

Attendu que Mme Y..., alors épouse de M. X..., étant atteinte de stérilité, son mari a donné son sperme à Mme Z... qui, inséminée artificiellement, a porté et mis au monde l'enfant ainsi conçu ; qu'à sa naissance, le 17 novembre 1985, cette enfant, prénommée Solène, a été déclarée comme étant née de Mme Z... ; qu'elle a été ensuite successivement reconnue par celle-ci, puis par M. X... ; que Mme Z..., qui avait aussitôt remis l'enfant aux époux X..., a, le 16 juin 1986, donné son consentement à l'adoption plénière de la jeune Solène par ceux-ci ; que, toutefois, M. X... ne s'est pas associé à cette procédure et Mme Y... ayant quitté le domicile conjugal en emmenant l'enfant, a formé une action en divorce ; qu'après avoir déposé une requête en adoption plénière, Mme Y... a assigné son mari devant le tribunal de grande instance, qui a accueilli sa demande ; que la cour d'appel, statuant après le divorce des époux X..., a infirmé partiellement cette décision et prononcé l'adoption simple de l'enfant par Mme Y... ;

Attendu que pour se prononcer ainsi, l'arrêt attaqué retient qu'il est du devoir de la société de protéger l'enfant contre les erreurs des adultes et que l'adoption est conforme à l'intérêt de la jeune Solène, qui vit depuis sa naissance auprès de Mme Y... ; qu'il ajoute que la solution contraire priverait injustement cette dernière de tout droit sur l'enfant alors que M. X... pourrait exercer ses droits de père naturel ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que cette adoption n'était que l'ultime phase d'un processus d'ensemble destiné à permettre à un couple l'accueil à son foyer d'un enfant, conçu en exécution d'un contrat tendant à l'abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, ce processus constituait un détournement de l'institution de l'adoption, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de Mme Y... tendant à l'adoption de l'enfant Solène Z...


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 92-13563
Date de la décision : 29/06/1994
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Nullité - Atteinte à l'ordre public - Maternité pour autrui - Contrat tendant à l'abandon d'un enfant - Contrat à titre gratuit - Absence d'influence .

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Objet - Chose dans le commerce - Corps humain (non)

FILIATION ADOPTIVE - Adoption simple - Maternité pour autrui - Adoption de l'enfant du père par l'épouse - Détournement de l'institution

FRAUDE - Fraude à la loi - Filiation adoptive - Adoption simple - Maternité pour autrui - Adoption de l'enfant du père par l'épouse - Détournement de l'institution

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Nullité - Atteinte à l'ordre public - Maternité pour autrui - Atteinte au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes

La convention, par laquelle une femme s'engage, fut-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, pour prononcer l'adoption simple d'un enfant, retient d'abord qu'il est du devoir de la société de protéger l'enfant contre les erreurs des adultes et que l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant qui vit depuis sa naissance auprès de l'adoptante, ensuite qu'il serait injuste de priver cette dernière de tout droit sur l'enfant tandis que son ancien mari pourrait exercer ses droits de père naturel, alors que cette adoption n'était que l'ultime phase d'un processus d'ensemble qui, destiné à permettre à un couple l'accueil à son foyer d'un enfant, conçu en exécution d'un contrat tendant à l'abandon à sa naissance par sa mère, constituait un détournement de l'institution de l'adoption.


Références :

Code civil 6, 353, 361, 1128

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 22 janvier 1992

A RAPPROCHER : Assemblée plénière, 1991-05-31, Bulletin 1991, Ass. Plen., n° 4, p. 5 (cassation dans l'intérêt de la loi et sans renvoi) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 jui. 1994, pourvoi n°92-13563, Bull. civ. 1994 I N° 226 p. 165
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 I N° 226 p. 165

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : Mme Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Gélineau-Larrivet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP de Chaisemartin et Courjon, M. Vuitton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.13563
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