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12/11/1990 | FRANCE | N°89-81851

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 novembre 1990, 89-81851


REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
1°) X... Maurice, prévenu,
2°) la société Extraco Anstalt, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 2 mars 1989, qui a condamné le premier pour abus de confiance, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende et a déclaré la seconde irrecevable en sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
I. - Sur le pourvoi de Maurice X... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;

II. - Sur le pourvoi de la société Extraco Anstalt :
Vu les mémoires produits en dem...

REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
1°) X... Maurice, prévenu,
2°) la société Extraco Anstalt, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 2 mars 1989, qui a condamné le premier pour abus de confiance, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende et a déclaré la seconde irrecevable en sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
I. - Sur le pourvoi de Maurice X... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;
II. - Sur le pourvoi de la société Extraco Anstalt :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi du 30 mai 1857 par fausse application, de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 1 et 5 du premier protocole additionnel à la Convention et de l'article 2 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société Extraco Anstalt ;
" aux motifs que le Liechtenstein n'a bénéficié d'aucun décret sur le fondement de l'article 2 de la loi du 30 mai 1857, ni d'aucune convention diplomatique reconnaissant en France la personnalité juridique des sociétés de droit liechtensteinois ; que la société Extraco Anstalt n'a donc pas la personnalité juridique et ne peut ester en France ;
" alors, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des articles 1 et 5 du premier protocole additionnel à cette Convention, ratifiée par la France et d'une valeur supérieure à celle de la loi du 30 mai 1857, que toute personne morale même étrangère a le droit en France de réclamer devant le Tribunal compétent la réparation d'une atteinte portée à ses biens ; qu'une société étrangère est donc recevable à exercer l'action civile devant les juridictions répressives françaises, à raison de l'abus de confiance dont elle est la victime ;
" alors, d'autre part, que la loi peut être abrogée par une règle coutumière contraire ; qu'il est constant que l'ensemble des opérateurs économiques français, l'Etat et les personnes publiques françaises contractent avec des personnes morales étrangères et notamment du Liechtenstein, et leur reconnaissent en France la pleine capacité juridique ; que la cour d'appel ne pouvait donc faire application de la loi du 30 mai 1857 ainsi abrogée " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 14 de la Convention européenne susvisée ;
Attendu que selon les dispositions combinées des articles 6.1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1 et 5 de son premier protocole additionnel, toute personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit au respect de ses biens et à ce que sa cause soit entendue par un Tribunal indépendant et impartial ; que ces dispositions ont, en vertu de l'article 55 de la Constitution, une valeur supérieure à la loi interne du 30 mai 1857 ;
Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué que pour déclarer la société Extraco Anstalt, établissement de droit liechtensteinois, irrecevable en sa constitution de partie civile, la cour d'appel relève que la loi du 30 mai 1857, en son article 1er, confère aux sociétés de capitaux belges le droit d'ester en justice en France et, en son article 2, étend à tous autres pays le bénéfice de cette disposition en le subordonnant à la promulgation d'un décret ; que les juges constatent que si " la personnalité juridique " a été ainsi accordée à diverses sociétés originaires de pays bien déterminés, soit par décrets collectifs, soit par traités internationaux, la principauté du Liechtenstein n'est visée par aucun des décrets prévus à l'article 2 précité, ni par aucune convention diplomatique conclue à cet effet ; que dès lors, selon les juges, même si elle lui est acquise par sa loi nationale, la personnalité juridique n'est pas reconnue en France à la société de capitaux liechtensteinois Extraco Anstalt ; que celle-ci n'a donc pas la capacité d'ester en justice en France ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, et alors que toute personne morale étrangère, qui se prétend victime d'une infraction, est habilitée à se constituer partie civile, devant une juridiction française, dans les conditions prévues par l'article 2 du Code de procédure pénale, la cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé ;
Que la cassation est dès lors encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la seconde branche du même moyen, ni les autres moyens proposés :
1° REJETTE le pourvoi de Maurice X... ;
2° CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 2 mars 1989 ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-81851
Date de la décision : 12/11/1990
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Interprétation - Dispositions des articles 6.1 et 14 de la Convention et du premier protocole additionnel - Personne morale - Droits - Droit d'ester en justice - Bénéficiaire - Personne morale étrangère non autorisée au sens de la loi du 30 mai 1857

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial - Personne morale - Droits - Droit d'ester en justice - Bénéficiaire - Personne morale étrangère non autorisée au sens de la loi du 30 mai 1857

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 14 - Interdiction de discrimination - Discrimination fondée sur l'origine nationale - Personne morale - Droits - Droit d'ester en justice - Bénéficiaire - Personne morale étrangère non autorisée au sens de la loi du 30 mai 1857

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier protocole additionnel - Article 1er - Personne morale - Droits - Droit d'ester en justice - Bénéficiaire - Personne morale étrangère non autorisée au sens de la loi du 30 mai 1857

ETRANGER - Société étrangère - Droit d'ester en justice - Loi spéciale du 30 mai 1857 relative aux sociétés belges - Restrictions de l'article 2 - Domaine d'application

SOCIETE - Société en général - Personnalité morale - Société constituée à l'étranger - Droit d'ester en justice - Exercice en France - Convention européenne des droits de l'homme - Portée

Par application des dispositions combinées des articles 6.1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1 et 5 de son premier protocole additionnel, lesquelles ont, en vertu de l'article 55 de la Constitution, une valeur supérieure à la loi du 30 mai 1857, toute personne morale étrangère, qui se prétend victime d'une infraction, est habilitée à se constituer partie civile devant une juridiction française dans les conditions prévues par l'article 2 du Code de procédure pénale. En conséquence, doit être censuré l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour déclarer une société de droit liechtensteinois irrecevable en sa constitution de partie civile, se borne à retenir, sur le fondement de la loi du 30 mai 1857, qu'une telle société, non bénéficiaire d'un décret prévu à l'article 2 de cette loi, ni d'une convention diplomatique conclue à cet effet, n'est pas reconnue en France et n'a donc pas la capacité d'ester en justice (1).


Références :

Code de procédure pénale 2
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6, art. 14
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 protocole additionnel art. 1, art. 5
Loi du 30 mai 1857 art. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon (chambre correctionnelle), 02 mars 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre civile, 1863-05-19 , Bulletin 1863, n° 97, p. 146 (cassation dans l'intérêt de la loi) ;

Chambre civile 1, 1963-05-28 , Bulletin 1963, I, n° 284, p. 242 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 nov. 1990, pourvoi n°89-81851, Bull. crim. criminel 1990 N° 377 p. 956
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 377 p. 956

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Bayet
Avocat(s) : Avocats :la SCP Waquet, Farge et Hazan, M. Cossa

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.81851
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