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05/04/2023 | FRANCE | N°23PA00509

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 avril 2023, 23PA00509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Casden Banque Populaire a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés, pour un montant de 146 812 200 francs CFP, et de contribution sociale additionnelle, pour un montant de 73 406 100 francs CFP, dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2016, 2017, 2018 et 2019.

Par un jugement n° 2200145 du 8 décembre 2022, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté cette demande.r>
Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2023, la société ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Casden Banque Populaire a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés, pour un montant de 146 812 200 francs CFP, et de contribution sociale additionnelle, pour un montant de 73 406 100 francs CFP, dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2016, 2017, 2018 et 2019.

Par un jugement n° 2200145 du 8 décembre 2022, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2023, la société Casden Banque populaire, représentée par Me Stéphane Bouvier et Me Arnaud Fernandes, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2200145 du 8 décembre 2022 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie une somme de

1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les frais de siège relatifs à la gestion des prêts, aux prestations informatiques et de télécommunication, au suivi et à la mise en conformité juridique et comptable, à la publicité, à la communication, au marketing et à la gestion des relations avec les banques partenaires sont nécessaires à son activité et sont supportés au prorata du PNB des établissements concernés ;

- l'affectation de frais de siège ne saurait être regardée comme un transfert de bénéfices dans un contexte de fraude ou d'évasion fiscale ;

- la déduction de ces frais est conforme aux principes généraux de droit interne et à l'article 7 de la convention franco-calédonienne ;

- l'administration fiscale métropolitaine exige la refacturation des frais de siège et a validé la répartition des frais de siège dans le cadre d'une vérification de comptabilité ;

- les exigences de preuve posées par le tribunal administratif privent de portée la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel ;

- la doctrine administrative métropolitaine admet le mode de calcul adopté en matière de répartition des frais de siège.

La présente requête a été dispensée d'instruction en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- la convention fiscale en date des 31 mars et 5 mai 1983 conclue entre la France et la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi du pays n° 2015-5/GNC du 18 décembre 2015 plafonnant la déductibilité fiscale des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie ;

- l'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 relatif au plafonnement de la déductibilité des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie et notamment le V de son article 21 ;

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.

La partie a été régulièrement avertie du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Casden Banque Populaire, qui exerce en Nouvelle-Calédonie, par l'intermédiaire d'un établissement stable, une activité de financement de prêts à la consommation et de prêts immobiliers au bénéfice des résidents calédoniens, relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés, pour un montant de 146 812 200 francs CFP, et de contribution sociale additionnelle, pour un montant de 73 406 100 francs CFP, dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2016, 2017, 2018 et 2019.

2. Le V de l'article 21 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction issue de la loi du pays n° 2015-5 du 18 décembre 2015 plafonnant la déductibilité fiscale des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie dispose : " Les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie peuvent déduire du montant de leur bénéfice imposable, la quote-part des frais généraux supportés au lieu du siège social ou de la direction, afférente aux activités exercées en Nouvelle-Calédonie, dans la limite de 5 % du montant des services extérieurs, au sens de la comptabilité privée, nécessités par lesdites activités. Un arrêté du gouvernement précise les services extérieurs à prendre en compte pour l'application de cette disposition./ Cette déduction est subordonnée aux conditions cumulatives suivantes : 1. les frais affectés aux activités exercées en Nouvelle-Calédonie ont été engagés dans l'intérêt direct des entreprises en Nouvelle-Calédonie.(...)/Les dispositions du présent paragraphe s'appliquent également aux frais généraux facturés aux sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés en Nouvelle-Calédonie, par les sociétés liées non imposables à cet impôt en Nouvelle-Calédonie, lorsque ces dernières détiennent, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital de l'entreprise imposée en Nouvelle-Calédonie. Deux sociétés sont réputées liées lorsqu'elles ont en commun des dirigeants de droit ou de fait, ou sont détenues, directement ou indirectement, par une personne morale ou physique, à hauteur de 10 % au moins de leur capital, ou encore lorsqu'au moins 10 % du capital de l'une est détenu, directement ou indirectement, par l'autre. ". Dans son article 6, la loi du pays citée ci-dessus dispose : " Des arrêtés du gouvernement précisent, en tant que de besoin, les dispositions de la présente loi du pays ". L'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 pris pour application de la loi du pays de 2015 qui modifie le V de l'article 21 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie dispose en son article 2 : " Les dispositions du V de l'article 21 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie s'appliquent aux frais et charges de toute nature affectés à une entreprise calédonienne par son siège social ou par une société liée au sens de la disposition légale précitée, établi (e) en dehors de la Nouvelle-Calédonie, à l'exception toutefois de ceux afférents : 1°) aux achats de marchandises, matières premières, fournitures ; 2°) aux autres charges directes de production, y compris la mise à disposition de personnel lorsque ce dernier est directement affecté à la production ; 3°) aux charges financières ". Il résulte enfin du point 21. de la décision QPC 2019-819 du 7 janvier 2020 du Conseil constitutionnel que les dispositions du V de l'article 21 du code des impôts ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que l'entreprise soit autorisée à apporter la preuve que la part de ses frais généraux qui excède le montant de 5 % de ses services extérieurs ne correspond pas à un transfert indirect de bénéfices. Il appartient alors au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, d'apporter la preuve de l'absence de transfert de bénéfices en justifiant de l'existence et de la valeur de contreparties au moins équivalentes aux frais exposés.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les frais facturés par le siège social qui sont, selon les écritures mêmes de la société requérante, relatifs à la gestion des prêts, aux prestations informatiques et de télécommunication, au suivi et à la mise en conformité juridique et comptable, à la publicité, à la communication, au marketing, et à la gestion des relations avec les banques partenaires, ont le caractère de frais généraux au sens des dispositions combinées du V de l'article 21 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie et de l'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 pris pour son application. La société requérante, qui se borne à faire valoir que ces frais sont nécessaires à son activité, que leur affectation ne saurait être regardée comme un transfert de bénéfices dans un contexte de fraude ou d'évasion fiscale, compte tenu notamment du taux d'imposition en métropole, et à invoquer de manière générale le caractère adapté de la méthode, au prorata du PNB de chaque établissement, utilisée pour effectuer leur répartition, ne met pas la Cour en mesure de chiffrer la valeur des prestations rendues et d'apprécier le caractère normal des sommes facturées en échange desdites prestations. Les balances auditées par les commissaires au compte et les rapports établis par ceux-ci au titre des années 2016 à 2019 ne sauraient, à cet égard, constituer des justificatifs suffisants. Contrairement à ce qui est soutenu, la nature des preuves exigées ne prive pas de portée la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, le contribuable gardant la possibilité de choisir des modalités d'organisation qui permettent l'identification des prestations rendues et des sommes versées en rémunération de ces prestations. Ainsi, la société requérante, qui ne saurait utilement se prévaloir des règles de déduction des charges applicables en métropole, ni des modalités de taxation appliquées au siège social par l'administration fiscale métropolitaine, n'établit pas que les sommes comptabilisées au titre des frais généraux en litige ne correspondaient pas à un transfert de bénéfices. Par suite, elle ne combat pas utilement la présomption de transfert de bénéfices qui concerne les frais généraux excédant le plafond de déductibilité prévu au V de l'article 21 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie.

4. En deuxième lieu, l'article 7 de la convention conclue entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, approuvée par la loi du 26 juillet 1983, qui a le caractère d'une disposition de droit interne ayant valeur législative, stipule que : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un territoire ne sont imposables que dans ce territoire, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre territoire par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre territoire mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. /(...)/3. Pour déterminer les bénéfices d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d'administration ainsi exposés, soit dans le territoire où est situé cet établissement stable, soit ailleurs ". La société requérante soutient que ces dispositions n'excluent pas la déductibilité du bénéfice imposable des charges indirectes de production et ne contiennent aucune restriction à la déductibilité des frais de siège. Il résulte toutefois de ce qui a été dit précédemment que, compte tenu de la réserve d'interprétation résultant de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions du V de l'article 21 du code des impôts ne font pas obstacle à ce que l'entreprise soit autorisée à apporter la preuve que la part de ses frais généraux qui excède le montant de 5 % de ses services extérieurs ne correspond pas à un transfert indirect de bénéfices. Il suit de là que lesdites dispositions ne méconnaissent pas les stipulations précitées.

5. En troisième lieu, si la société requérante se prévaut de la doctrine administrative métropolitaine relative à la répartition des frais de siège, un tel moyen est inopérant dès lors que cette doctrine a été prise pour l'interprétation de dispositions du code général des impôts qui ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Casden Banque Populaire n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, ensemble les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Casden Banque Populaire est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Casden Banque Populaire.

Copie en sera adressée au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé

F. A...Le président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 23PA00509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00509
Date de la décision : 05/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : CABINET PEREN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-05;23pa00509 ?
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