Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée (SAS) ACIAM et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2209806 du 6 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 4 mai, 12 juin et 19 juin 2023, le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, représenté par Me Rilov, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACIAM ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 18 octobre 2022 ne répond pas à l'exigence de motivation en fait et en droit prévue par l'article L. 1233-57-4 du code du travail ; elle n'indique pas qu'ont été contrôlées les conditions dans lesquelles l'expert a pu assurer sa mission ; elle ne fait pas apparaître les éléments tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise en liquidation ; elle est insuffisante en ce qui concerne le contrôle de la réalité des recherches de reclassement opérées par le liquidateur et en ce qui concerne les sociétés faisant partie du groupe ; enfin, elle ne comporte aucune mention du contrôle du respect de l'obligation de sécurité tant s'agissant de la régularité de la procédure d'information-consultation du comité social et économique (CSE) que du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ;
- l'avis émis par le CSE est irrégulier en raison de l'insuffisance des informations transmises aux membres de ce comité ; notamment, l'expert mandaté par les membres du CSE, n'a pas obtenu communication des documents indispensables à sa mission et n'a pu la réaliser dans des conditions matérielles et un délai suffisant permettant au comité de formuler ses avis en toute connaissance de cause ; les articles L. 1233-24-4 et L. 2325-35 du code du travail ont été ainsi méconnus ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit en l'absence de contrôle, par l'administration, du périmètre du groupe et de la proportionnalité du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens du groupe auquel la société ACIAM appartient, en méconnaissance des articles L. 1233-57-3 et L. 1233-58, II, alinéa 2 du code du travail ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence de contrôle quant aux recherches effectuées par les liquidateurs judiciaires sur les possibilités de reclassement et de contribution financière auprès de chacune des sociétés du groupe auquel la société ACIAM appartient ;
- le plan de sauvegarde de l'emploi n'est proportionné ni aux moyens de l'entreprise, ni aux moyens du groupe ;
- les moyens mis en œuvre dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés au sens de l'article L. 4121-1 du code du travail sont insuffisants.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 mai, 8 juin et 20 juin 2023, la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak, respectivement mandataire liquidateur et mandataire judiciaire de la société ACIAM, représentées par la SCP Fabiani Luc-Thaler Pinatel, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable en l'absence d'une motivation suffisante car le syndicat appelant se borne à reproduire les mêmes moyens et conclusions que devant les premiers juges ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- la décision d'homologation du PSE est suffisamment motivée ; elle fait apparaître les éléments essentiels de son appréciation quant à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, quant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise ou du groupe, quant à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement et enfin quant au respect des obligations de sécurité découlant de l'article L. 4121-1 du code du travail ;
- le comité social et économique (CSE) a pu bénéficier de l'assistance d'un expert dans des conditions permettant aux élus de rendre leur avis sur le projet de PSE en toute connaissance de cause ; le CSE s'est réuni à trois reprises, et le délai de douze jours prévu par l'article L.641-4 du code de commerce a été dépassé de quatre jours pour permettre à l'expert de disposer de plus de temps et aux membres du CSE de se prononcer ; il n'est fait état d'aucune demande d'information à laquelle l'employeur n'aurait pas répondu et l'expert a eu connaissance en temps utile des informations nécessaires ; la circonstance qu'il n'ait pas obtenu communication de tous les documents sollicités n'est pas de nature à invalider le PSE ;
- s'agissant des entreprises en liquidation judiciaire, en vertu des dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail, l'administration homologue le PSE au regard des seuls moyens de l'entreprise et non du groupe ; il lui appartient ensuite seulement de vérifier que le liquidateur a recherché les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient ; les liquidateurs ont recherché les moyens dont dispose le groupe pour mettre en œuvre le PSE ;
- le liquidateur a recherché tous les reclassements possibles en interne et en externe, notamment au sein des entreprises appartenant au même groupe ou à la même unité économique et sociale ;
- le PSE est proportionné au regard des moyens dont dispose la société ACIAM ;
- le liquidateur n'a pas méconnu ses obligations en matière de sécurité et de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés, en faisant valoir que :
- la décision attaquée est suffisamment motivée ;
- la procédure d'information-consultation du CSE a été menée dans des conditions régulières ; les membres du CSE ont disposé d'une information suffisante pour se prononcer ; l'employeur est le seul débiteur de l'obligation de fournir à l'expert les documents demandés ; l'administration n'a jamais été sollicitée pour enjoindre à l'employeur de communiquer les documents manquants ; il n'est pas établi que l'expert n'a pas été en mesure d'effectuer sa mission et d'éclairer le CSE ;
- les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi sont suffisantes et proportionnées ;
- les dispositions de l'article L. 1233-30 du code du travail n'exigent l'information et la consultation du CSE sur les mesures prévues par le PSE pour prévenir les risques psychosociaux que si ces mesures sont nécessaires ; pour répondre à l'anxiété liée à la fermeture de l'établissement, le liquidateur a prévu des dispositions suffisantes, que l'administration a appréciées et contrôlées.
Par une lettre du 4 mai 2023, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience du 4 juillet 2023 et que l'instruction pourrait être close à partir du 13 juin 2023 sans information préalable.
Par une ordonnance du 21 juin 2023, l'instruction a été immédiatement close le jour même.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Rilov, représentant le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, de Me Pavon-Grangier, représentant la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 1er août 2022, le tribunal de commerce de Lille a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société par actions simplifiée (SAS) ACIAM, entreprise de distribution de prêt-à-porter sous l'enseigne " CAMAIEU ". Ce tribunal a désigné la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak en qualité de mandataires liquidateurs. Par un jugement du 28 septembre 2022, le tribunal de commerce de Lille a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACIAM, sans poursuite d'activité. Les mandataires liquidateurs ont déposé auprès de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts de France (DREETS) une demande d'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de la société ACIAM, prévoyant la suppression de la totalité des emplois. Par une décision du 18 octobre 2022, le directeur régional de la DREETS des Hauts-de-France a homologué ce document unilatéral. Le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs relève appel du jugement du 6 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'homologation du 18 octobre 2022.
En ce qui concerne l'ordre d'examen des moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ;(...) ". Aux termes des septième, huitième et neuvième alinéas du II de l'article L. 1233-58 de ce code, applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " En cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. L'article L. 1235-16 ne s'applique pas. / En cas d'annulation d'une décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une insuffisance de motivation, l'autorité administrative prend une nouvelle décision suffisamment motivée, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à l'administration. Cette décision est portée par l'employeur à la connaissance des salariés licenciés à la suite de la première décision de validation ou d'homologation, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette information. / Dès lors que l'autorité administrative a édicté cette nouvelle décision, l'annulation pour le seul motif d'insuffisance de motivation de la première décision de l'autorité administrative est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne pas lieu au versement d'une indemnité à la charge de l'employeur ".
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière et de vérifier la conformité du plan aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables. Elle doit également, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. A ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, pour cela, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Mais il résulte des dispositions citées au point 2 que, pour les entreprises qui sont en redressement ou en liquidation judiciaire, le législateur a attaché à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des effets qui diffèrent selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen. Par suite, lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui est en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer sur les moyens autres que celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, en réservant, à ce stade, un tel moyen. Lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit ensuite se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, lorsqu'il est soulevé.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel :
4. Aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : / (...) / 3° L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés ; / 4° L. 1233-34 et L. 1233-35 premier alinéa et, le cas échéant, L. 2325-35 et L. 4614-12-1 du code du travail relatifs au recours à l'expert ; / 5° L. 1233-31 à L. 1233-33, L. 1233-48 et L. 1233-63, relatifs à la nature des renseignements et au contenu des mesures sociales adressés aux représentants du personnel et à l'autorité administrative ; / 6° L. 1233-49, L. 1233-61 et L. 1233-62, relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi ; / 7° L. 1233-57-5 et L. 1233-57-6, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés. / II. Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. / Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. / (...) / Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 [au terme desquels, après réception du dossier complet, l'administration doit notifier à l'employeur sa décision de validation ou d'homologation] sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité social et économique, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord (...), un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. ".
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1233-30 du même code : " I.- Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : 1° L'opération projetée et ses modalités d'application (...) ; 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article. / Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 de ce code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; (...) 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. ". Aux termes de l'article L. 1233-32 du même code : " Outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l'employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu'il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'employeur adresse le plan de sauvegarde de l'emploi concourant aux mêmes objectifs ". L'article L. 2312-39 de ce code dispose que le comité social et économique " émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi ".
6. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie, en cas de liquidation judiciaire, par le liquidateur, d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Lorsque le comité social et économique a décidé de recourir à l'assistance d'un expert en application de ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que l'expert a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses deux avis en toute connaissance de cause. En particulier, même si, en cas de redressement et de liquidation judiciaires, une seule réunion du comité d'entreprise est en principe prévue par l'article L. 1233-58, le recours à un expert, destiné à éclairer le comité d'entreprise, justifie qu'il soit réuni une seconde fois afin de ne pas priver d'effet le recours à l'expertise. Il appartient alors à l'administration de s'assurer que les deux avis du comité d'entreprise ont été recueillis après que ce dernier a été mis à même de prendre connaissance des analyses de l'expert ou, à défaut de remise du rapport de l'expert, à une date à laquelle, eu égard notamment aux délais propres à la procédure ouverte par le tribunal de commerce et aux diligences de l'employeur, l'expert a disposé d'un délai suffisant pour réaliser sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de formuler ses avis en connaissance de cause.
7. Le liquidateur doit réunir et consulter le CSE dans les conditions prévues par les articles L. 1233-30 et L. 1233-31 du code du travail cités au point 5, c'est-à-dire notamment sur " la ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ", " l'opération projetée et ses modalités d'application ", " le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ". Lors de sa première réunion du 7 octobre 2022, le comité social et économique (CSE) de la société ACIAM a décidé de faire appel à un cabinet d'expertise comptable afin de l'assister aux fins notamment d'établir un rapport permettant d'analyser la situation économique et comptable de l'entreprise ACIAM, notamment en ce qui concerne ses rapports avec les autres sociétés du groupe auquel elle appartient. A la suite de sa désignation, le cabinet d'expertise comptable a adressé le jour même aux mandataires liquidateurs de la société ACIAM une demande d'informations comportant, en annexe, une liste détaillée de demandes de pièces, comprenant au total soixante-et-un documents, répartis en quatre items respectivement intitulés " A. Informations générales ", " B. Analyse du groupe (Exercices 2020, 2021 et dernier état connu 2022) ", " C. Analyse de l'entreprise ACIAM (Exercices 2020, 2021 et dernier état connu 2022) " et " D. Emploi et organisation du travail (Exercices 2020, 2021 et dernier état connu 2022) ". Pour chacun de ces thèmes, les documents sollicités étaient identifiés et cotés de A1 à A10, de B1 à B14, de C1 à C25 et de D1 à D12. Si le cabinet d'expertise comptable a sollicité les 19 octobre, 4 novembre et 15 novembre 2022 la communication de données complémentaires nécessaires à son analyse, ces demandes ont toutefois été formulées postérieurement à la décision d'homologation attaquée et l'absence de réponse à ces dernières demandes ne saurait être utilement mise en avant par l'appelant.
8. Le procès-verbal de la deuxième réunion du CSE du 10 octobre 2022 relate les difficultés rencontrées par le mandataire liquidateur pour rassembler, dans le court délai imparti, l'intégralité des documents demandés et son engagement de procéder à leur transmission le jour-même. Plusieurs courriels du mandataire liquidateur du 10 octobre 2022 dressent la liste des documents transmis en précisant que tous les documents en possession du liquidateur ainsi que toutes les informations recueillies auprès des salariés ont été transmis. Toutefois, par courrier du 15 novembre 2022, le cabinet d'expertise comptable, qui n'a pas rédigé de rapport dans les délais impartis pour homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi par l'article L. 1233-58 du code du travail, a dressé la liste des pièces cotées de A à D qu'il n'a pas reçues. Il ressort de ces échanges qu'à l'exception des données relatives à l'analyse du groupe, pour lequel n'a été transmise que la pièce cotée B12 (estimation des parts de marché de l'entreprise et de ses principaux concurrents par segment d'activité et par zone géographique et marché français pour l'ensemble des produits vendus par le groupe), la majorité des documents sollicités concernant les informations générales sur la situation de la société (statuts, Kbis, organigramme complet du groupe, plan de cession avec ses annexes ordonné par jugement du 17 août 2020 par le tribunal de commerce, jugement du 17 août 2020 ordonnant le plan de cession, jugement du 28 septembre 2022 du tribunal de commerce prononçant la liquidation judiciaire) ), l'analyse de l'entreprise (rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels, liasses fiscales, balances générales, compte de résultats analytiques pour les exercices 2021 et 2022, liste détaillée des provisions pour risques et charges, toutes les conventions régissant les relations entre la société et des entités de son groupe, détail des aides et subventions publiques perçues sur les exercices 2020 à 2022) ainsi que l'emploi et l'organisation du travail, ont été communiqués.
9. Ainsi, si, comme le mentionne le compte-rendu de la troisième et dernière réunion du CSE du 17 octobre 2022, entre le 10 octobre et cette date, le cabinet n'a pu obtenir communication de toutes les informations initialement sollicitées, il a néanmoins reçu des éléments d'information suffisants et a pu disposer de sept jours pour examiner les documents comportant des éléments financiers, y compris sur les liens entre la société ACIAM et d'autres sociétés du groupe. Pour mener sa mission, ce cabinet disposait par ailleurs du projet de document unilatéral comportant l'ensemble des informations exigées par l'article L. 1233-31 du code du travail, notamment les raisons économiques du projet de licenciement. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et compte-tenu notamment, de la procédure de liquidation judiciaire, le cabinet d'expertise comptable a disposé d'éléments et d'un délai suffisants le mettant en mesure d'établir son rapport même s'il ne l'a pas remis, de sorte que le comité social et économique, qui au demeurant n'a pas usé de la possibilité aménagée par l'article L. 1233-57-5 du code du travail d'adresser à l'administration une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information sollicités par l'expert, a pu valablement formuler ses avis en toute connaissance de cause.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi :
10. En vertu du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail et par dérogation aux dispositions, citées au point 2, du 1° de l'article L. 1233-57-3 qui prévoit que l'administration vérifie le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe, " sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. ". Pour l'application de ces dispositions, les moyens du groupe s'entendent des moyens, notamment financiers, dont disposent l'ensemble des entreprises placées, ainsi qu'il est dit au I de l'article L. 2331-1 du code du travail, sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d'implantation du siège de ces entreprises.
11. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-61 du même code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-62 de ce code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. ".
12. Il résulte des dispositions citées aux points 10 et 11 que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en liquidation judiciaire, d'une part, que le liquidateur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation. En revanche, à ce stade de la procédure, il ne lui appartient pas de contrôler le respect de l'obligation qui, en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, incombe à l'employeur qui projette de licencier un salarié pour motif économique, consistant à procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement de ce salarié, qu'ils soient ou non prévus au plan de sauvegarde de l'emploi, en vue d'éviter autant que de possible ce licenciement. Il en va ainsi même lorsque le document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde d'emploi comporte des garanties relatives à la mise en œuvre de l'obligation, prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail, de recherche sérieuse de reclassement individuel. Au demeurant, de telles garanties, dont les salariés pourront, le cas échéant, se prévaloir pour contester leur licenciement, ne sont pas de nature à dispenser l'employeur de respecter, dans toute son étendue, l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article L. 1233-4 du code du travail.
13. Il ressort de l'organigramme du groupe figurant dans le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi que la société ACIAM est une filiale à 100 % de la société Multi Project Investments, elle-même détenue à 100 % par la société Immo Prom, elle-même détenue à 100 % par la société Hermione People et Brands, elle-même détenue à 94% par la société O Invest. Par une sommation interpellative du 4 octobre 2022, le liquidateur judiciaire de la société ACIAM a notifié à la société O Invest mais également aux sociétés Financière Immobilière Bordelaise, Hermione Holding, Immo Prom, Multi Project Investments ainsi qu'à la société Hermione People et Brands, une demande, d'une part, de contribution à la recherche de reclassement, au sein des sociétés du groupe, des personnels de la société ACIAM licenciés pour motif économique et, d'autre part, au financement du plan de sauvegarde de l'emploi devant être mis en œuvre.
14. En premier lieu, dans ces conditions, même s'il est constant que chacune des sociétés détenues par l'une ou l'autre de ces entreprises dominantes n'a pas été sollicitée individuellement pour abonder financièrement le plan de sauvegarde de l'emploi, la seule saisine de ces sociétés dominantes suffisait à satisfaire aux exigences de la recherche " des moyens du groupe auquel l'employeur appartient " prévue par le deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 cité au point 10, sans que la circonstance que la société O Invest n'ait pas apporté de réponse ait une incidence sur la légalité de la décision d'homologation.
15. En deuxième lieu, le liquidateur a en outre directement saisi par des lettres recommandées, chacune des sociétés identifiées dans l'organigramme du groupe figurant dans le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi pour solliciter leur participation au reclassement des salariés de la société ACIAM. Les lettres de demande de reclassement interne au groupe comportaient en annexe la liste individualisée de tous les salariés concernés, avec mention de leur âge, de leur lieu de résidence, de la nature du contrat, des fonctions exercées et de la catégorie professionnelle et sollicitaient des précisions sur les postes susceptibles d'être offerts tels que la localisation ou le descriptif des tâches et les coordonnées de la personne ayant compétence pour recevoir les candidatures. La teneur de ces courriers était suffisante alors qu'ainsi qu'il a été point 12, à ce stade de la procédure, il n'appartient pas à l'administration de contrôler le respect de l'obligation qui incombe à l'employeur de procéder, préalablement à un licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement. S'il est soutenu que trois sociétés ayant une activité dans le secteur hôtelier à Roissy, Versailles et Bordeaux, n'ont pas été sollicitées, d'une part, les pièces versées au dossier ne suffisent pas à établir qu'elles faisaient partie du groupe tel que défini au point 10 à la date de la décision d'homologation. D'autre part, comme exposé au point 14, la seule saisine de ces sociétés dominantes suffisait à satisfaire aux exigences de la recherche " des moyens du groupe auquel l'employeur appartient " pour envisager les possibilités de reclassement.
16. En tout état de cause, à supposer même que la recherche " des moyens du groupe auquel l'employeur appartient " prévue par le deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 ait été incomplète, une telle circonstance ne suffirait pas à entraîner par elle-même l'annulation de la décision d'homologation dès lors que la matérialité de cette recherche, son objet et son étendue ne conditionnent pas la légalité de la décision de l'administration homologuant le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise se trouvant en liquidation ou en redressement judiciaire.
17. En troisième et dernier lieu, il ressort du document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, que le passif déclaré par la société ACIAM s'élevait à plus de 218 millions d'euros alors que sa trésorerie disponible étant estimée à environ 26 millions d'euros et la valeur de réalisation de l'actif immobilier à 12,8 millions d'euros, son actif pouvait être estimé à moins de 42 millions d'euros. Dans ces conditions, alors même que les sociétés du groupe ont refusé d'abonder le financement du plan de sauvegarde de l'entreprise, le budget global d'un montant de 7 millions d'euros prévu pour le financement des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi n'apparait pas insuffisant au regard des moyens de la société ACIAM. Outre la possibilité d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle prévu à l'article L. 1233-66 du code du travail, le document unilatéral prévoit des mesures d'accompagnement au reclassement financés par une aide à la formation jusqu'à 3 450 euros par salarié, une aide à la création d'entreprise jusqu'à 4 450 euros par salarié, une prime de reclassement rapide jusqu'à 4 450 euros par salarié et des aides à la mobilité géographique ainsi, notamment, qu'un accompagnement des salariés pendant douze mois par un cabinet de reclassement financé par l'Etat.
18. Dans ces conditions, prises dans leur ensemble, les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, sont propres à satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés mentionnés aux articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail, compte tenu des moyens dont disposait la société ACIAM à la date de la décision litigieuse. Par suite, le syndicat appelant n'est pas fondé à soutenir que le plan de sauvegarde de l'emploi était insuffisant au regard des moyens de l'entreprise ni que l'administration n'a pas correctement exercé son contrôle sur ce point. Ces moyens doivent donc être écartés.
En ce qui concerne la prise en compte des risques psycho-sociaux :
19. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".
20. S'agissant du contrôle du respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en premier lieu, il incombe à l'administration, dans le cadre de son contrôle global de la régularité de la procédure d'information et de consultation, de vérifier que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité ou à des observations ou des injonctions formulées par l'administration, parmi tous les éléments utiles qu'il doit lui transmettre pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, des éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale. En second lieu, il appartient à l'administration, dans le cadre du contrôle du contenu du document unilatéral lui étant soumis en vue de son homologation, de vérifier, au vu de ces éléments d'identification et d'évaluation des risques, des débats qui se sont déroulés au sein du comité social et économique, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du PSE, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs.
21. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que dans la perspective de la réunion d'information-consultation devant se tenir le 17 octobre 2022, les membres du comité social et économique ont été rendus destinataires d'une note explicative, visant à les informer des impacts de la procédure de liquidation judiciaire et des suppressions de la totalité des postes au sein de la société ACIAM, en matière de santé, sécurité et conditions de travail et sur les actions à mettre en œuvre en vue de la prévention des risques psycho-sociaux au bénéfice des salariés. Après avoir mentionné la tenue, le 7 octobre précédent, d'une réunion exceptionnelle sur cette question, la note explicative expose les risques et les conséquences que l'arrêt de l'activité s'accompagnant de la suppression des emplois est susceptible d'entraîner sur la santé physique et mentale, avant d'énumérer les différentes mesures de prévention des risques psychosociaux mises en place. Le comité social et économique a ainsi été régulièrement informé et consulté sur les conséquences du projet de licenciement collectif sur la santé ou la sécurité des salariés de la société. En outre, il ressort de la décision de la DREETS du 18 octobre 2022, que l'administration a exercé son contrôle sur la nature et l'existence des mesures prévues dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi.
22. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant la cessation définitive de l'activité de la société ACIAM et la suppression de l'ensemble des emplois, et notamment au cours de la période de prolongation d'activité, les conditions de sécurité dans l'entreprise ou les conditions de travail des salariés ayant vocation à être licenciés seraient susceptibles d'être affectées par l'opération projetée autrement que par la perspective anxiogène du licenciement à venir. Or, il résulte du document unilatéral présenté aux membres du comité social et économique mentionné au point précédent et notamment de sa partie 9, qu'ont été identifiés les risques psycho-sociaux auxquels les salariés ayant vocation à être licenciés étaient susceptibles d'être confrontés ainsi que les actions de prévention de ces risques pendant la période de poursuite d'activité autorisée et au-delà, jusqu'au 30 avril 2023. Le document unilatéral prévoit ainsi, pour les salariés souhaitant être accompagnés, un recours accru au médecin du travail et au service de santé au travail qui ont été informés de la situation de l'entreprise ainsi que la mise en place d'une assistance psychologique, au moyen d'une cellule d'écoute et de rencontre chargée de l'accompagnement de l'ensemble des salariés par contrat souscrit auprès d'une société du 1er septembre 2022 jusqu'au 31 octobre 2022. Il est notamment prévu une possibilité d'accéder à ce dispositif sept jours sur sept et 24 heures sur 24 via un numéro vert, permettant une mobilisation rapide d'une équipe expérimentée de psychologues disponibles aux heures d'accessibilité du numéro d'urgence, un accompagnement et un soutien psychologique des salariés en vue de proposer un dispositif d'accompagnement adapté, sous la forme notamment d'un ou plusieurs entretiens psychologiques par téléphone. Dans ces conditions, eu égard au très bref délai courant à compter de la notification du jugement du 28 septembre 2022 du tribunal de commerce de Lille prononçant la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de la société ACIAM, les mesures contenues dans le document unilatéral, qui ont été contrôlées par l'autorité administrative comme cela ressort des motifs de la décision contestée, étaient suffisantes pour assurer le respect des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision d'homologation du 18 octobre 2022 :
23. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (...). La décision prise par l'autorité administrative est motivée ".
24. La décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. Si le respect de cette règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.
25. Il ressort des termes de la décision d'homologation contestée, d'une part, qu'elle vise les dispositions applicables du code du travail, notamment celles relatives aux licenciements économiques dans le cadre d'une liquidation judiciaire et à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, d'autre part, qu'elle énonce, depuis le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire puis de placement en liquidation judiciaire de la société ACIAM, les différentes phases de la procédure ayant conduit à l'élaboration du document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi. En ce qui concerne le contenu de ce document, la décision relève qu'il mentionne le calendrier d'information-consultation du comité social et économique, le calendrier prévisionnel des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées et les mesures sociales d'accompagnement. En outre, la décision d'homologation mentionne les mesures qui ont été adoptées par le liquidateur pour éviter ou limiter les risques psychosociaux sur les salariés pendant la procédure d'information-consultation. S'agissant du contrôle de la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, la décision indique que les élus ont été convoqués à trois réunions d'information-consultation les 7, 10 et 17 octobre 2022 à l'occasion desquelles ils ont reçu les informations et documents nécessaires, désigné un expert, posé des questions et reçu les réponses, émis des observations, des suggestions et des avis sur la liquidation judiciaire de la société et le projet de sauvegarde de l'emploi. La décision rend compte du caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise, en faisant notamment état de la recherche opérée par le liquidateur judiciaire de postes de reclassement auprès, d'une part, des sociétés du groupe détenant directement ou indirectement la société ACIAM afin qu'elles abondent au plan de sauvegarde de l'emploi, d'autre part, de l'instance paritaire de branche et des organisations patronales de la branche, et en ce que sont également prévues des mesures d'accompagnement au reclassement financées sur un budget global de 7 244 000 d'euros, comprenant le financement, pour chaque salarié, d'une série de mesures d'accompagnement telles qu'une aide à la formation, à la création d'entreprise, une prime de reclassement rapide ou encore des aides à la mobilité géographique financées par l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS). Enfin, la décision précise que le plan de sauvegarde de l'emploi est proportionné aux moyens dont dispose l'entreprise, notamment au regard de l'état de cessation de paiement, d'un passif de 251 millions d'euros et d'une trésorerie insuffisante. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail doit être écarté.
26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la Selarl Perin Borkowiak et la Selarl Miquel Aras, que le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACIAM. Les conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
27. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés par le syndicat appelant et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat appelant le versement de la somme demandée par la Selarl Perin Borkowiak et la Selarl Miquel Aras, au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Selarl Perin Borkowiak et la Selarl Miquel Aras, mandataires de la société ACIAM, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion ainsi qu'à la Selarl Perin Borkowiak et à la Selarl Miquel Aras.
Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023.
Le rapporteur,
Signé : M. A...La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
A.S. Villette
N°23DA00820 2