Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La chambre de métiers et de l'artisanat interdépartementale Calvados-Orne et la chambre régionale des métiers et de l'artisanat de Normandie, puis la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie, venant aux droits de ces dernières, ont demandé, par trois recours distincts, au tribunal administratif de Caen de condamner Mme C... à leur verser une somme globale de 48 635,18 euros due au titre de sa reconstitution de carrière à la suite de l'annulation par ce tribunal de la décision du 13 février 2014 prononçant son licenciement. Dans chacune de ces instances, Mme C... a demandé au tribunal de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie à lui verser la somme de 95 816,86 euros en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa réintégration dans cet établissement et de la reconstitution de sa carrière.
Par un jugement nos 2001769, 2001770 et 2001771 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a condamné Mme C... à verser la somme de 48 635,18 euros à la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie et a rejeté ses demandes reconventionnelles.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 février et 26 septembre 2022,
Mme A... C..., représentée par Me Labrusse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Caen ;
2°) de rejeter la demande de la chambre des métiers et de l'artisanat de Normandie devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie à lui verser la somme de 95 816,86 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2021 et de la capitalisation de ces intérêts ;
4°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie, les sommes de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant au titre de première instance que de l'instance d'appel.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que :
* le tribunal a omis de répondre à toutes les branches du moyen qu'elle a soulevé à l'encontre des demandes de la chambre de métiers et de l'artisanat interdépartementale Calvados-Orne et de la chambre des métiers et de l'artisanat de Normandie et tiré de la tardiveté de cette demande et de ce que la décision lui accordant l'indemnité de licenciement ne pouvait pas être retirée ;
* le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'elle n'avait reçu que 2 353,40 euros au titre de l'avance sur reconstitution de carrière ;
* c'est à tort que le tribunal a jugé que ses demandes reconventionnelles étaient irrecevables, faute d'un lien de connexité suffisant avec le litige principal ;
- c'est à tort que le tribunal a accueilli les demandes des chambres, dès lors que :
* la décision lui accordant l'indemnité de licenciement ne pouvait pas être légalement retirée, dès lors que cette décision était légale, qu'elle ne pouvait intervenir après l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de son attribution et en tout cas à compter au plus tard de la notification du jugement du 17 septembre 2015 prononçant l'annulation de la décision de licenciement et qu'au surplus cette décision de retrait ne pouvait intervenir au-delà d'un délai raisonnable, expiré en l'espèce ;
* aucune décision de retrait de la décision lui octroyant l'indemnité n'est intervenue ;
- c'est à tort également que le tribunal a considéré que les demandes de remboursement de l'indemnité de licenciement formées par les chambres devant lui n'étaient pas tardives, dès lors qu'elles ont été présentées le 16 septembre 2020, soit près de 6 ans après le versement de l'indemnité litigieuse au mois d'octobre 2014 ;
- la créance prétendue de la chambre régionale des métiers et de l'artisanat de Normandie n'est pas justifiée, dès lors que :
* elle n'a reçu, au titre d'une avance de reconstitution de carrière qu'une somme de 2 353,40 euros et non de 9 878,30 euros, de telle sorte que compte tenu des traitements perdus, s'élevant à 20 506,87 euros, elle a droit au versement de la somme restante de 18 153,47 euros ;
* le préjudice moral lié à l'illégalité de la décision de licenciement doit être évalué à 10 000 euros ;
* le préjudice moral lié aux conditions de sa réintégration doit être évalué à 15 000 euros ;
* le préjudice matériel lié à l'absence de prise en compte de l'évolution possible de sa carrière dans la reconstitution de celle-ci doit être évalué à 10 000 euros ;
* elle a droit au versement de la somme de 8 031,52 euros correspondant aux intérêts dus sur le traitement perdu ;
- à supposer même légale, la demande de remboursement de l'indemnité de licenciement, son caractère tardif l'entache d'une faute, dont elle est fondée à demander l'indemnisation à hauteur de 50% du montant réclamé, soit 29 631,87 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2022, la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie, représentée par Me Gey, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la fin de non-recevoir tiré de la tardiveté des requêtes soulevée en première instance était infondée, dès lors en particulier qu'il n'y a eu aucun retrait de la décision accordant une indemnité de licenciement à la requérante ;
- sa créance découlant de l'exécution du jugement du 17 septembre 2015 s'élève bien à 48 635,18 euros, compte tenu notamment du caractère indu de l'indemnité de licenciement de 59 263,75 euros et des avances sur reconstitution de carrière perçues qui se sont bien élevées à 9 878,30 euros ;
- les demandes reconventionnelles de Mme C... sont irrecevables, dès lors qu'elles relèvent d'un litige distinct du litige principal ; elles sont en tout état de cause, infondées :
* aucune faute n'a été commise dans sa réintégration et la requérante n'a droit à aucune indemnité de ce fait ;
* le préjudice lié à la perte des traitements a déjà été complètement indemnisé ;
* le montant de l'indemnité sollicitée au titre du préjudice moral lié au licenciement est excessif ;
* la reconstitution tardive de la carrière de la requérante ne lui a causé aucun préjudice financier ;
* le préjudice moral lié à la reconstitution tardive de la carrière de la requérante n'est pas établie ;
* les intérêts dus au titre du retard du paiement du traitement devront, en tout état de cause, être limités à la somme de 4 162,71 euros.
Par une ordonnance du 30 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour.
Un mémoire présenté pour Mme C... a été enregistré le 26 janvier 2023, soit après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'artisanat ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Mme C..., et de Me Gey, représentant la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie.
Considérant ce qui suit :
1. L'assemblée générale de la chambre de métiers et de l'artisanat de Basse-Normandie a décidé, par une délibération du 2 décembre 2013, de supprimer le poste de directeur adjoint au sein de la direction régionale des affaires économiques et territoriales CFE-RM, service filière, qu'occupait Mme C.... Cette dernière, n'ayant pu bénéficier d'un reclassement, a été licenciée par une décision du 13 février 2014. Le tribunal administratif de Caen a toutefois annulé cette décision, à la demande de Mme C..., par un jugement du 17 septembre 2015, devenu définitif. Mme C... a été réintégrée, le 26 octobre 2015, au sein de la chambre des métiers et de l'artisanat de Basse-Normandie. Tirant les conséquences de cette annulation, les présidents de la chambre de métiers et de l'artisanat interdépartementale Calvados-Orne et de la chambre de métiers et de l'artisanat Normandie ont demandé, le 20 juillet 2020, à Mme C... de verser à ces établissements publics, la somme de 48 635,18 euros, correspondant à l'indemnité de licenciement versée en 2014 diminuée des sommes qu'elles estimaient devoir à Mme C.... Cette dernière n'ayant pas donné de suite favorable à cette demande, la chambre de métiers et de l'artisanat interdépartementale Calvados-Orne et la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Normandie, puis la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie, venant aux droits de ces dernières, ont demandé, par trois recours distincts, au tribunal de condamner Mme C... au paiement de la somme de 48 635,18 euros et celle-ci a formé auprès du tribunal des demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie à lui verser la somme de 95 816,86 euros en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa réintégration dans cet établissement et de la reconstitution de sa carrière. Par un jugement nos 2001769, 2001770 et 2001771 du 3 décembre 2021, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à verser la somme de 48 635,18 euros à la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Normandie et a rejeté ses demandes reconventionnelles.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, Mme C... soutient que le tribunal n'a pas répondu à toutes les branches du moyen tiré de la " tardiveté " des demandes de première instance et de ce que la décision d'octroi de l'indemnité de licenciement ne pouvait pas être légalement retirée. Il ressort au contraire du jugement attaqué que les premiers juges ont bien répondu aux branches de ce moyen. En effet, et alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés en défense par Mme C..., ils ont relevé, au point 2 de ce jugement, qu'il ne résultait pas de l'instruction que les chambres aient pris une décision de retrait de l'indemnité de licenciement, leurs demandes portant uniquement sur la détermination des sommes dues à l'issue de la reconstitution de carrière de l'intéressée. Ils ont également jugé, au point 4, que Mme C... ne pouvait pas utilement opposer la prescription de l'action en recouvrement à la demande de la chambre de métiers et de l'artisanat.
3. En deuxième lieu, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de Mme C..., a répondu au point 6 de son jugement au moyen tiré de ce qu'elle n'avait reçu que 2 353,40 euros au titre de l'avance sur reconstitution de carrière et non 9 878,30 euros.
4. En troisième lieu, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
5. D'une première part, l'indemnité de licenciement versée à l'agent public irrégulièrement évincée peut, dans la mesure où elle lui est définitivement acquise, être déduite du montant de l'indemnité globale, due à l'agent en application du principe énoncé au point précédent. Dès lors, la demande de la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie, en première instance, doit être regardée comme tendant au remboursement de l'indemnité de licenciement perçue par Mme C... en partie par compensation avec les sommes qui lui étaient dues au titre de la réparation des préjudices découlant de son éviction irrégulière et en partie par sa condamnation au paiement du solde restant dû après compensation. Il s'en suit que les demandes reconventionnelles présentées par cette dernière tendant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie au versement d'une somme de 20 506,87 euros au titre des traitements perdus du fait du licenciement illégal, dont à déduire la provision de 2 353,40 euros, déjà versée, et d'une somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence liés à l'illégalité de ce licenciement ne relèvent pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, d'un litige distinct de celui qui était porté par les chambres devant lui. En effet, la détermination de ces sommes était nécessaire pour fixer le montant de celle qui devait être mise à la charge, le cas échéant, de Mme C... après compensation. Par suite, en regardant ces demandes comme irrecevables, le tribunal a entaché d'irrégularité son jugement en tant qu'il les rejette.
6. D'une deuxième part, la demande de Mme C... tendant à ce que la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie lui verse la somme de 29 631,87 euros au titre du caractère tardif de la demande de remboursement de l'indemnité de licenciement ne saurait être regardée comme relevant d'un litige distinct de celui porté par la chambre devant le tribunal qui tendait à ce remboursement, dès lors que cette demande a également trait au bien-fondé de la créance de cet établissement public. Par suite, en regardant cette demande comme irrecevable, le tribunal a entaché d'irrégularité son jugement en tant qu'il les rejette.
7. D'une dernière part, en revanche, les demandes de Mme C... en première instance tendant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie à lui verser des indemnités au titre des différents préjudices subis en raison des fautes qui auraient été commises à l'occasion de sa réintégration et de sa reconstitution de carrière, ainsi qu'à lui verser des intérêts légaux liés au versement tardif de traitements perdus du fait de l'éviction illégale relèvent d'un litige distinct. Mme C... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'en rejetant les demandes reconventionnelles présentées à ces titres, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité.
8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par voie d'évocation, sur les demandes reconventionnelles de Mme C... tendant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie à l'indemnisation des pertes de traitement, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence liés à son éviction irrégulière du service ainsi que de la réparation du préjudice découlant du caractère tardif de la demande de remboursement de l'indemnité de licenciement. Il y a lieu, en revanche, pour la cour de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.
Sur la demande de la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie tendant à la condamnation Mme C... à lui reverser l'indemnité de licenciement :
9. En premier lieu, aucune disposition ni aucun principe ne prévoit de délai de recours juridictionnel au-delà duquel une chambre de métiers et de l'artisanat ne peut plus saisir la juridiction administrative en vue de la condamnation d'un de ses agents au remboursement d'une somme d'argent indue. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme C... aux demandes de première instance devant les premiers juges doit être écartée.
10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'indemnité de licenciement, de 59 263,75 euros, a été versée à Mme C... sur la paie d'octobre 2014. Ce versement est devenu indu du seul fait de l'annulation du licenciement de l'intéressée par le jugement du tribunal administratif de Caen du 17 septembre 2015. La décision accordant le bénéfice de l'indemnité en cause à Mme C... n'avait donc pas à être retirée pour que l'établissement public soit fondé à en demander le remboursement à l'intéressée et n'a, d'ailleurs, fait l'objet d'aucune décision de retrait. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision lui octroyant l'indemnité de licenciement n'a pas été retirée et de ce qu'elle ne pouvait plus légalement faire l'objet d'un retrait, faute pour ce retrait d'intervenir dans un délai de quatre mois à compter de l'édiction de cette décision ou de la notification du jugement du 17 septembre 2015 ou en tout état de cause dans un délai raisonnable, doivent être écartés.
11. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration a pu légalement demander à la requérante de rembourser des sommes indûment perçues au titre de l'indemnité de licenciement, compte tenu du jugement du 17 septembre 2015, alors même qu'elle n'avait pas retiré la décision lui accordant cet avantage financier. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que Mme C... avait été informée, dès la fin de l'année 2015 par son employeur que ce dernier lui demandait de rembourser l'indemnité de licenciement perçue en 2014, ce n'est que le 20 juillet 2020, soit presque cinq ans après l'intervention du fait générateur de cette créance, que les présidents de la chambre de métiers et de l'artisanat interdépartementale Calvados-Orne et de la chambre de métiers et de l'artisanat Normandie ont mis en demeure
Mme C... de verser à ces établissements publics, la somme de 48 635,18 euros, correspondant au remboursement de cette indemnité, déduction faite des sommes dues au titre de l'éviction illégale. Le délai dans lequel les chambres ont réclamé la créance en cause à l'intéressée puis saisi le tribunal d'une demande de condamnation de celle-ci à payer cette somme doit, dès lors, être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme excessif et de nature à révéler une faute de ces établissements. Dans ces mêmes circonstances, le préjudice subi du fait de cette faute par Mme C... doit être évalué à la moitié de la somme en cause, soit 29 632 euros. Par suite, il y a lieu, en vue d'indemniser la requérante de ce préjudice, de ramener la somme mise à sa charge au titre du remboursement de l'indemnité de licenciement indue à ce dernier montant.
Sur les demandes reconventionnelles de Mme C... tendant à la réparation de son éviction irrégulière du service :
12. En premier lieu, les chambres de métiers et de l'artisanat de Normandie faisaient valoir en première instance que les demandes reconventionnelles de Mme C... étaient tardives, dès lors qu'une décision expresse de rejet de demandes présentées sur le même fondement avait été prise par elles le 7 décembre 2015 et que les créances correspondant à ces demandes étaient prescrites en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du
31 décembre 1968, dès lors qu'à la date de présentation de la réclamation indemnitaire de
Mme C..., le 24 février 2021, le délai de quatre ans prévu par ces dispositions, qui avait commencé à courir le 1er janvier 2016 était écoulé.
13. Toutefois, d'une part, le courrier du 7 décembre 2015 adressé par le conseil des chambres de métiers au conseil de la requérante, qui se borne à indiquer que l'indemnisation demandée par Mme C... ne sera versée qu'après le remboursement de l'indemnité de licenciement, ne saurait être regardé comme une décision expresse de rejet de la réclamation de cette dernière. En outre, ce courrier ne comporte pas l'indication des voies et délai de recours. La fin de non-recevoir tiré de la tardiveté des demandes reconventionnelles ne peut, dès lors, qu'être écartée.
14. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. " Aux termes de l'article 2 : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ".
15. Les chambres des métiers, dépourvues de comptable public, ne pouvaient utilement se prévaloir de la prescription prévue par les dispositions citées au point précédent. En tout état de cause, Mme C... établissait en première instance avoir formé, le 16 mai 2019, par son conseil auprès des établissements publics une réclamation écrite relative notamment au paiement de la créance en cause, de nature à interrompre le délai de la prescription de la créance en litige. Par suite, ces établissements n'étaient pas fondés à soutenir que celle-ci était prescrite.
16. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme C... a bien perçu de la part de son employeur en novembre et décembre 2015, une somme globale de 9 878,30 euros au titre d'une avance sur l'indemnisation de la perte de traitement pour la période allant du 21 octobre 2014 au 26 octobre 2015 durant laquelle elle avait été irrégulièrement évincée du service. Elle n'est donc pas fondée à soutenir, alors même qu'elle n'a pas reçu de bulletin de salaire pour une partie de cette somme, mais seulement un virement bancaire, que l'établissement public a inexactement évalué l'indemnité qui lui était due au titre de la perte de traitement subie.
17. En troisième lieu, Mme C... a subi, ainsi qu'elle l'établit, à la suite de son licenciement un épisode dépressif et une anxiété réactionnelle. Il sera fait, dès lors, une juste appréciation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence du fait de son éviction irrégulière en fixant l'évaluation de ces chefs de préjudice à la somme de 10 000 euros.
18. Eu égard à ce qui précède, compte tenu de la perte totale de traitement, pour la période en cause, subie par Mme C..., dont il est constant qu'elle s'élève à 38 787,54 euros, et du montant auquel doit être fixée l'évaluation de son préjudice moral, de 10 000 euros, la somme qui lui est due par l'établissement public intimé en réparation de son éviction irrégulière, après déduction de l'avance sur perte de traitement déjà perçue de 9 878 euros et des allocations de chômage, d'un montant total de 18 280 euros, s'élève à 20 629,54 euros.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à verser la somme de 48 635,18 euros à la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Normandie. Il en résulte que cette somme doit être ramenée à un montant de 9 002,46 euros, correspondant à la somme restant due au titre du remboursement de l'indemnité de licenciement perçue en 2014, réduite de moitié ainsi que retenu au point 11 ci-dessus, de laquelle il y a lieu de déduire la somme de 20 629,54 euros afin d'indemniser l'intéressée de son éviction illégale.
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chaque partie les sommes exposées par chacune d'elles au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de Mme C... tendant à l'indemnisation de la perte de traitement, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence découlant de son licenciement du 13 février 2014 ainsi qu'à la réparation du préjudice découlant du caractère tardif de la demande de remboursement de l'indemnité de licenciement.
Article 2 : La somme que Mme C... est condamnée à verser à la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie par le jugement du 3 décembre 2021 est ramenée à un montant de 9 002,46 euros.
Article 3 : Le jugement du 3 décembre 2021 en tant qu'il statue sur la demande de la chambre de métiers et de l'artisanat interdépartementale Calvados-Orne, de la chambre régionale des métiers et de l'artisanat de Normandie et la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie et en tant qu'il rejette les demandes reconventionnelles de Mme C... autres que celles mentionnées à l'article 1er du présent arrêt est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 de cet arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la chambre de métiers et de l'artisanat de Normandie.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2023.
Le rapporteur
X. B...Le président
D. SALVI
Le greffier
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00310