La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2022 | FRANCE | N°21TL04858

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 15 novembre 2022, 21TL04858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 18 juin 2020 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée a prononcé sa révocation, d'enjoindre à la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée de le réintégrer, avec reconstitution de sa carrière depuis la date de son éviction, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour

de retard et de mettre à la charge solidaire de la chambre de commerce et d'industr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 18 juin 2020 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée a prononcé sa révocation, d'enjoindre à la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée de le réintégrer, avec reconstitution de sa carrière depuis la date de son éviction, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à la charge solidaire de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée et de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de l'Aude la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative

Par un jugement n°2004780 du 5 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 18 juin 2020 prononçant la révocation de M. E..., a enjoint au président de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée de procéder à la réintégration et à la reconstitution de carrière de M. E... à compter de la date d'effet de la décision du 18 juin 2020, et ce dans le délai d'un mois, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 2021 et 4 février 2022, sous le n°21MA04858 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04858 ainsi que des pièces complémentaires, enregistrées le 21 octobre 2022 qui n'ont pas été communiquées, la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée, représentée par la SELARL Grimaldi et associés, agissant par Me Grimaldi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 novembre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de M. E... les sommes de 2 500 euros à verser respectivement à la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée et à la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle disposait d'éléments probants de nature à établir la matérialité des faits ; outre les explications circonstanciées et détaillées de la victime corroborées par un courriel et la copie de sa plainte, elle disposait d'un rapport d'incident établi par un tiers qui a recueilli le témoignage de la victime quelques minutes après les faits confirmant qu'elle était en pleurs et très choquée au moment des faits, d'une attestation médicale, de l'attestation du délégué de classe dénonçant le comportement inapproprié de M. E..., ainsi que des déclarations de M. A... et Mmes D... et C... ; les éléments produits démontrent la matérialité des faits ;

- les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2021, M. E..., représenté par l'AARPI Lacombe Laredj, agissant par Me Laredj, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée et de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la décision contestée est entachée d'incompétence négative ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; il n'est pas démontré que la commission paritaire régionale a été convoquée dans le délai imparti ; ses membres n'ont pas reçu les informations nécessaires pour se prononcer ; les convocations qui lui ont été adressées ne l'informaient pas de la possibilité de communiquer des documents dans le cadre de cette procédure ; il n'a donc pas été mis en mesure de présenter les éléments utiles à sa défense avant la tenue de la commission ; il n'a pas été entendu par la commission ;

- les faits allégués sont insuffisamment établis ;

- subsidiairement, la sanction est disproportionnée.

Par une ordonnance du 8 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 9 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Piquet, représentant la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée.

Une note en délibéré, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée, a été enregistrée le 26 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... était .... Le 15 janvier 2020, lors d'un cours ... qu'il dispensait, il aurait agressé l'une de ses étudiantes, inscrite en .... La commission paritaire régionale, qui s'est réunie le 20 mai 2020, a émis un avis partagé sur le projet de révocation de l'autorité disciplinaire. A la suite de cet avis, le président de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée a, par une décision du 18 juin 2020, prononcé la révocation de M. E.... Par un jugement du 5 novembre 2021, dont la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 18 juin 2020 et a enjoint au président de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée de procéder à la réintégration et à la reconstitution de carrière de M. E... à compter de sa date d'effet.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 36 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : " Une mesure disciplinaire doit être adaptée à la nature de la faute et proportionnée à sa gravité. / Les mesures disciplinaires applicables aux agents titulaires sont : / (...) 4° L'exclusion temporaire sans rémunération pour une durée de seize jours à six mois maximum (la durée de l'exclusion doit être adaptée à la gravité du motif), / 5° La rétrogradation (avec baisse de l'indice de qualification et/ou de la rémunération) sous réserve du respect simultané des deux conditions suivantes : / A - que le positionnement de l'emploi occupé par l'agent déterminé par la classification nationale des emplois le permette, / B - que la baisse de la rémunération brute totale n'excède pas 10%. En tout état de cause, la rétrogradation ne peut avoir pour effet une baisse de la rémunération en deçà du SMIC légal. / 6° la révocation. ".

3. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'apporter la preuve de l'exactitude matérielle des griefs sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour prendre la décision de révocation en litige, le président de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée s'est fondé sur la circonstance qu'une étudiante s'est plainte d'une agression sexuelle de M. E... pendant un cours ... qu'il dispensait à ses élèves le 15 janvier 2020. D'après les déclarations de celle-ci restituées dans un courriel le lendemain des faits, M. E... lui aurait d'abord massé les épaules, puis, il aurait posé sa main sur son sein droit, aurait ensuite forcé quand elle a voulu enlever ses mains, aurait alors avancé sa main pour saisir son téléphone qui se trouvait sur sa cuisse gauche ou pour toucher ses cuisses et aurait enfin tenu à son égard les propos suivants: "je vois qu'il y en a qui ne sont pas tactiles ". M. E... conteste la matérialité des faits ainsi allégués.

5. Les pièces sur lesquelles s'appuie la chambre de commerce et d'industrie, qu'il s'agisse du courriel de l'étudiante, de la copie de sa plainte ou du rapport d'incident établi par la direction de l'établissement après avoir entendu l'étudiante en cause immédiatement après les faits alors qu'elle était en pleurs et paraissait très choquée, ne retracent cependant que son récit de l'évènement et ne sont corroborées par aucun témoignage des autres élèves de la classe, pourtant présents lors du cours, pas plus que par les résultats d'une enquête administrative à laquelle la chambre n'a pas cru devoir procéder. Dans ces conditions, ni les attestations produites en appel de Mmes C..., D... et de M. A..., qui n'émanent pas de témoins directs de l'incident, ni le certificat médical d'un médecin, spécialiste en réparation du dommage corporel, prescrivant trois jours d'incapacité temporaire de travail qui constate que l'étudiante souffre de certains symptômes dont anxiété manifeste, tachycardie, hypertension, tremblements et dyspnée de stress qui seraient " compatibles avec les faits allégués ", ni le courriel du délégué de classe qui dénonce certains comportements antérieurs déplacés de l'enseignant, notamment des contacts physiques avec les apprenantes mais qui ne donne aucune confirmation expresse des faits reprochés du 15 janvier 2020, ne permettent de tenir pour établis les dires de la victime quant à l'agression qu'elle aurait subie. L'autorité disciplinaire n'établit ainsi pas suffisamment la matérialité des faits allégués par l'étudiante.

6. Il résulte de ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 18 juin 2020 prononçant la révocation de M. E..., et a enjoint au président de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée de procéder à la réintégration et à la reconstitution de carrière de M. E... à compter de la date d'effet de cette décision.

Sur les frais liés au litige :

7. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée dirigées contre M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soient accueillies. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. E... présentées sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie Occitanie Pyrénées-Méditerranée et à M. B... E....

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la région Occitanie, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL04858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04858
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-15;21tl04858 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award