Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération n° CP/010720/D/3 du 1er juillet 2020 de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en tant qu'elle attribue une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France au titre de l'aide sociale générale, d'enjoindre à l'association SOS Méditerranée France de restituer au département de l'Hérault la somme de 20 000 euros correspondant à la subvention reçue ainsi que de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2003886 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2021, sous le n°21MA04824 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis le 1er mars 2022 sous le n°21TL04824 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B..., représenté par Me Lambert, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la délibération n° CP/010720/D/3 du 1er juillet 2020 de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en tant qu'elle attribue une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France au titre de l'aide sociale générale ;
3°) d'enjoindre à l'association SOS Méditerranée France de restituer au département de l'Hérault la somme de 20 000 euros correspondant à la subvention reçue ;
4°) de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 3 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis des erreurs de droit et d'appréciation ;
- la délibération, qui accorde une subvention qui ne se rattache à aucun domaine d'intervention du département et ne concerne pas les bénéficiaires de l'aide sociale apportée par le département, est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut de base légale, au regard des articles L. 1111-2 alinéa 1 et L. 3211-1 alinéa 1 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles ;
- l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales est inapplicable ; l'activité de l'association SOS Méditerranée France ne constitue pas une action internationale dès lors qu'elle ne bénéficie pas à une population étrangère locale identifiée ; la subvention ne respecte pas les engagements internationaux de la France ;
- elle a été prise en violation du principe de neutralité du service public, compte tenu de l'action politique et des conflits internationaux suscités par l'association SOS Méditerranée France et de la manifestation d'un soutien politique et idéologique que constitue l'octroi de cette subvention, révélant aussi l'immixtion de collectivités territoriales dans un domaine réservé exclusivement à l'action de l'Etat ;
- l'association, qui n'a pas qualité de partie, ne pouvait prétendre à des frais de procès au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2022, le département de l'Hérault représenté par la SCP CGCB et associés agissant par Me Geoffret et Me Rosier, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la délibération se fonde sur les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, même si elle ne les vise pas explicitement ; la cour pourra si nécessaire procéder à une substitution de base légale ;
- la décision étant prise en application de dispositions législatives spéciales, elle n'avait pas à rapporter l'existence d'un intérêt public local s'agissant d'une aide extérieure qu'il peut librement apporter et qui ne viole pas le principe de neutralité.
Par ordonnance du 17 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juillet 2022.
Un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2022, a été produit par l'association SOS Méditerranée France, représentée par la SELARL Seattle Avocats agissant par Me Mabile et n'a pas été communiqué.
Un mémoire, enregistré le 7 mars 2023, a été présenté pour M. B... et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Lambert, représentant M. B..., les observations de Me Geoffret, représentant le département de l'Hérault et les observations de Me Philippe, représentant l'association SOS Méditerranée France.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. Manogil, conseiller départemental de l'Hérault, tendant à l'annulation de la délibération du 1er juillet 2020 de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en tant qu'elle a attribué une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France et à ce qu'il soit enjoint à cette association de restituer au département la somme correspondant à la subvention reçue. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. / À cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a autorisé les collectivités territoriales à mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale à caractère, en particulier, humanitaire au titre de leur action extérieure.
3. En premier lieu, si la délibération litigieuse du 1er juillet 2020 ne vise aucun texte, il ressort en particulier de ses écritures en défense que le conseil départemental de l'Hérault a entendu fonder son attribution sur les dispositions précitées de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Selon ses statuts, l'association SOS Méditerranée France a en particulier pour objet de " sauver la vie des personnes en détresse en mer " et elle " est une association humanitaire indépendante de tout parti politique et de toute confession " qui inscrit son activité dans le cadre d'une action internationale à caractère humanitaire. Les tensions diplomatiques entre la France et l'Italie dont témoignent des pièces versées au dossier n'étaient toutefois pas assimilables à un conflit entre ces deux États. Il n'est en outre pas sérieusement contesté que l'association intervient dans le respect des engagements internationaux de la France alors que le requérant se limite à alléguer que son activité nuirait au respect de l'article 77 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par ailleurs, les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales ne faisaient pas obstacle à ce que la subvention soit accordée à une association, seules les conventions prévues au second alinéa de cet article devant être conclues avec des autorités locales étrangères. En outre, les dispositions de cet article ne subordonnent l'attribution de la subvention litigieuse ni à la condition qu'elle réponde à un intérêt public local, ni à celle qu'elle constitue un soutien à une collectivité locale étrangère. Par ailleurs, la légalité de cette délibération n'est pas plus subordonnée à la signature ultérieure d'une convention entre le département de l'Hérault et l'association. Enfin, les dispositions législatives spéciales de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales autorisant expressément le département de l'Hérault à accorder un concours financier, la circonstance que la subvention soit sans lien avec les compétences qui lui sont dévolues en vertu des articles L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales et L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles est sans incidence sur la légalité de la délibération. Dès lors, le moyen tiré du défaut de base légale et de l'erreur de droit doit être écarté.
4. En second lieu, le requérant soutient que la délibération attaquée a été prise pour des motifs purement politiques, la collectivité manifestant ainsi un soutien politique et idéologique à l'association en méconnaissance du principe de neutralité du service public. Toutefois, comme il vient d'être indiqué, indépendamment de ses prises de position publiques, l'association bénéficiaire inscrit son activité dans le cadre d'une action internationale à caractère humanitaire, dans le respect des engagements internationaux de la France en sorte que les conditions posées par les dispositions spéciales de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales sont remplies en l'espèce. Dans ces conditions, la seule circonstance que l'association ait pris des positions dans des débats publics ne faisait pas obstacle à ce que le département lui accorde légalement une subvention. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission permanente aurait, en prenant la délibération attaquée, entendu s'associer aux prises de position publiques de l'association bénéficiaire ou s'immiscer dans un domaine exclusivement réservé à l'action de l'Etat. Pour ces motifs, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de neutralité du service public doit être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la délibération de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en date du 1er juillet 2020 et à ce qu'il soit enjoint à l'association SOS Méditerranée France de restituer au département de l'Hérault la somme correspondant à la subvention reçue.
Sur les frais liés aux litiges :
6. D'une part, l'association SOS Méditerranée France, qui a produit des observations devant le tribunal, aurait eu qualité pour former tierce opposition si elle n'avait pas été mise en cause. Elle doit, par suite, être regardée comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'association ne pouvait prétendre au paiement de frais devant le tribunal sur ce fondement au motif qu'elle n'aurait pas eu qualité de partie.
7. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Hérault, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que demande le département de l'Hérault sur ce fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Hérault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au département de l'Hérault et à l'association SOS Méditerranée France.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21TL04824