Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... F..., M. D... E... et la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie Force-Ouvrière (CSTP-FO) ont demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n°7299 MAE de la ministre de la modernisation de l'administration de la Polynésie française du 7 août 2020 portant établissement du tableau d'avancement pour l'accès au grade d'attaché principal au titre de l'année 2018.
Par un jugement n°2000566 du 8 juin 2021, le Tribunal administratif de la
Polynésie française a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2021, Mme A... F...,
M. E... et la CSTP-FO, représentés par Me Quinquis, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du
8 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté n°7299 MAE de la ministre de la modernisation de l'administration de la Polynésie française du 7 août 2020, mentionné ci-dessus ;
3°) d'enjoindre à la Polynésie française de prendre un nouvel arrêté relatif à la promotion des agents au grade d'attaché principal dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, en nommant Mme A... F... et M. E... dans ce grade ;
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 400 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- selon l'article 17 de la délibération 95-223 AT du 14 décembre 1995, l'agent déchargé totalement de service pour l'exercice de mandats syndicaux doit être promu au grade supérieur lorsqu'il est titulaire du grade inférieur depuis un temps égal à celui qui a été, en moyenne, nécessaire aux agents de ce grade demeurés au service pour être promus ;
- l'ancienneté de Mme A... F... et M. E... dans leur grade était plus importante que celle des agents promus ;
- en se fondant sur d'autres critères, la Polynésie française a entaché son arrêté d'une erreur de droit ;
- elle ne pouvait en particulier se fonder sur une appréciation de la valeur professionnelle des agents qui n'est prévue par aucun texte s'agissant de la promotion au grade d'attaché principal ;
- elle s'est livrée à une discrimination illégale en raison de leur activité syndicale en refusant d'évaluer la valeur professionnelle de ses agents bénéficiant d'une décharge de service pour l'exercice de mandats syndicaux, sur la base de l'appréciation faite par la confédération syndicale auprès de laquelle ils sont affectés, et en l'évaluant par référence à leurs anciennes notations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2022, la Polynésie française, représentée par Me Neuffer, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 700 euros soit mise à la charge solidaire des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, les requérants ne justifiant pas de leur intérêt à agir ;
- de plus, ils ont produit un mandat pour agir, non contre l'arrêté n°7299 MAE du
7 août 2020, mais contre l'arrêté n° 10884 du 27 septembre 2019 ;
- ils ne sont enfin pas recevables à demander l'annulation du tableau d'avancement, seulement en ce qu'ils n'y figurent pas ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 31 août 2022, Mme A... F...,
M. E... et la CSTP-FO concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Ils soutiennent en outre que :
- les fins de non-recevoir soulevées par la Polynésie française doivent être écartées ;
- ils sont victimes d'une discrimination par rapport aux fonctionnaires métropolitains qui bénéficient d'un avancement de plein droit et d'un entretien d'évaluation en vertu de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 et en vertu des articles L. 212-3 à L. 212-6 du code général de la fonction publique ;
- la Polynésie française a commis une erreur de droit en s'abstenant d'appliquer la circulaire n° 1431 PR du 8 mars 2004, prévoyant d'attribuer aux fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux, la note moyenne des autres agents.
Par une ordonnance du 1er septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
23 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code général de la fonction publique ;
- la délibération n° 95-221 AT du 14 décembre 1995 relative aux conditions générales de notation et d'avancement des fonctionnaires du territoire de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-223 AT du 14 décembre 1995 relative à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique du territoire de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-226 AT du 14 décembre 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés d'administration de la fonction publique du territoire de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... F... et M. E..., fonctionnaires de la Polynésie française appartenant au cadre d'emplois des attachés d'administration de la Polynésie française, ont la qualité de représentants syndicaux au sein de la confédération des syndicats des travailleurs Polynésie Force ouvrière (CSTP-FO) et bénéficient à ce titre d'une décharge totale de service pour l'exercice de leur mandat. Par un jugement du 16 juin 2020 (n°1900440), le Tribunal administratif de la Polynésie française a, à leur demande et à la demande de la CSTP-FO, annulé l'arrêté du 27 septembre 2019 établissant le tableau d'avancement au grade d'attaché principal des fonctionnaires appartenant au cadre d'emplois des attachés d'administration au titre de l'année 2018, et a enjoint à la Polynésie française d'établir un nouveau tableau d'avancement. Par un arrêté du 7 août 2020, la ministre de la modernisation de l'administration de la Polynésie française a établi le nouveau tableau d'avancement au grade d'attaché principal des fonctionnaires au titre de l'année 2018, sans y inscrire Mme A... F... et M. E.... Mme A... F...,
M. E... et la CSTP-FO ont demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler cet arrêté. Ils font appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la délibération n° 95-226 AT du
14 décembre 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés d'administration de la fonction publique du territoire de la Polynésie française : " Pour l'établissement du tableau d'avancement, il doit être procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle de l'agent, compte tenu principalement des notes obtenues par l'intéressé et des propositions motivées formulées par l'autorité d'emploi. Les commissions peuvent demander à entendre les intéressés. Les fonctionnaires sont inscrits au tableau par ordre de mérite. Les candidats dont le mérite est jugé égal, sont départagés par l'ancienneté ". Aux termes de l'article 16 de cette délibération : " Peuvent être nommés au grade d'attaché principal, après inscription sur un tableau d'avancement, les attachés ayant atteint le 7e échelon de leur grade. / Le nombre des attachés principaux ne peut être supérieur à 30 % du nombre des attachés et attachés principaux ". Aux termes de l'article 17 de la délibération n° 95-223 AT du 14 décembre 1995 relative à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique du territoire de la Polynésie française : " (...) L'avancement des fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux a lieu sur la base de l'avancement moyen des fonctionnaires du cadre d'emplois auquel les intéressés appartiennent. / Par ailleurs, l'agent déchargé totalement de service peut être promu au grade supérieur lorsqu'il est titulaire du grade inférieur depuis un temps égal à celui qui a été, en moyenne, nécessaire aux agents de ce grade demeurés au service pour être promus. (...) ". L'article 28 de cette délibération dispose : " L'avancement des fonctionnaires mis à disposition d'une organisation syndicale a lieu sur la base de l'avancement moyen des fonctionnaires du corps auquel les intéressés appartiennent ".
3. Ces dispositions ont pour objet de garantir aux fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux un déroulement de carrière équivalent à celui des autres fonctionnaires du cadre d'emplois auquel ils appartiennent et visent à les prémunir contre des appréciations défavorables qui pourraient être liées à l'exercice de leur mandat syndical. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet de soustraire ces fonctionnaires aux procédures d'avancement qui s'appliquent à tous les fonctionnaires, et de reconnaître à ceux d'entre eux dont l'ancienneté de grade excède l'ancienneté moyenne des agents titulaires du même grade, un droit automatique à l'avancement au grade supérieur, qu'aucun principe ni aucune disposition ne garantit aux fonctionnaires, quelles que soient leur situation et leur manière de servir. Il appartient à l'autorité dont dépend l'agent, sous le contrôle du juge, de veiller à ce que les fonctionnaires, bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux, bénéficient effectivement d'un déroulement de carrière équivalent à celui des autres fonctionnaires du cadre d'emplois, en se fondant, pour les inscrire, après avis de la commission administrative paritaire, au tableau annuel d'avancement, sur l'avancement moyen au cours des années précédentes des fonctionnaires du cadre d'emplois de la collectivité.
4. Il résulte en outre de ces dispositions que l'inscription au tableau d'avancement au grade d'attaché principal, d'un fonctionnaire bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice d'un mandat syndical, est fondée sur un examen approfondi de sa valeur professionnelle compte tenu de ses notes, pendant la seule partie de la période couverte par son ancienneté dans son grade au cours de laquelle il n'a pas bénéficié d'une telle décharge.
5. Dans ces conditions, et même si l'ancienneté dans le grade d'attaché de Mme A... F... et de M. E... était plus importante que celle des agents promus au grade d'attaché principal, c'est sans commettre d'erreur de droit que la Polynésie française s'est fondée sur l'appréciation de leur valeur professionnelle et sur leur notation avant leur détachement auprès de la CSTP-FO, pour prendre l'arrêté attaqué.
6. En deuxième lieu, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Pour soutenir que le refus d'inscrire Mme A... F... et M. E... au tableau d'avancement pour l'accès au grade d'attaché principal au titre de l'année 2018 serait constitutif d'une discrimination à raison de leurs fonctions syndicales, les requérants font état de leur ancienneté au 7ème échelon de leur grade, plus importante que celle des agents promus, des précédents refus de reclassement ou de promotion opposés à Mme A... F..., du refus de la Polynésie française d'évaluer leur valeur professionnelle par référence à l'appréciation faite par la confédération syndicale auprès de laquelle ils sont affectés, et de l'ancienneté des notations sur lesquelles elle s'est fondée. Pour établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la Polynésie française fait valoir à bon droit que Mme A... F... et M. E... ne se trouvent pas dans la même situation que les agents affectés dans ses services. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 5 ci-dessus, le moyen tiré d'une discrimination illégale doit être écarté.
8. En troisième lieu, les requérants ne sauraient en tout état de cause invoquer utilement les dispositions de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 et des articles L. 212-3 à L. 212-6 du code général de la fonction publique, dans le champ desquelles ils n'entrent pas. Ils ne sauraient davantage invoquer utilement la circulaire n° 1431 PR du 8 mars 2004 prévoyant d'attribuer, aux fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice d'un mandat syndical, la note moyenne des autres fonctionnaires appartenant au même grade et détenant le même échelon.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la Polynésie française, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Polynésie française sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er: La requête de Mme A... F..., de M. E... et de la CSTP-FO est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... F..., à
M. D... E..., à la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie Force-Ouvrière (CSTP-FO) et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2023.
Le rapporteur,
J-C. B...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA05009