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21/03/2023 | FRANCE | N°21PA04701

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 21 mars 2023, 21PA04701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lombard et Guérin Gestion a saisi le Tribunal administratif de Paris de deux demandes tendant à la condamnation de la Ville de Paris à lui verser, d'une part, la somme de 128 043,55 euros en réparation du préjudice découlant de la modification unilatérale des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre et, d'autre part, la somme de 731 607 euros en réparation du préjudice causé par la baisse substantielle de la fréquentation des marchés consécuti

ve à des problèmes de sécurité et de salubrité.

Par un jugement nos 1920094, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lombard et Guérin Gestion a saisi le Tribunal administratif de Paris de deux demandes tendant à la condamnation de la Ville de Paris à lui verser, d'une part, la somme de 128 043,55 euros en réparation du préjudice découlant de la modification unilatérale des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre et, d'autre part, la somme de 731 607 euros en réparation du préjudice causé par la baisse substantielle de la fréquentation des marchés consécutive à des problèmes de sécurité et de salubrité.

Par un jugement nos 1920094, 1927040 du 17 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et par un mémoire en réplique, enregistrés les 17 août 2021 et

30 septembre 2022, la société Lombard et Guérin Gestion, représentée par Me Nahmias, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la Ville de Paris à lui verser, d'une part, la somme de 128 043,55 euros en réparation du préjudice découlant de la modification unilatérale des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre, d'autre part, la somme de 731 607 euros en réparation du préjudice causé par la baisse substantielle de la fréquentation des marchés consécutive à des problèmes de sécurité et de salubrité, soit une somme totale de 859 650 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 16 septembre 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de signature ;

- la Ville de Paris a procédé à une modification unilatérale des conditions de facturation du marché Jean-Henri Fabre telles qu'elles résultaient de la commune intention des parties, admise par la ville, et doivent être interprétées au regard de la hiérarchie des normes, de sorte qu'elle a droit à la somme de 128 043 euros en réparation du préjudice résultant de cette modification unilatérale ;

- la Ville de Paris a commis une faute quasi-délictuelle ou contractuelle ou engagé sa responsabilité sans faute s'agissant des problèmes d'insécurité et d'insalubrité des deux marchés aux puces, de sorte qu'elle a droit à une réparation à hauteur de 731 607 euros en réparation des pertes qu'elle a subies ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée à se prévaloir de la théorie de l'imprévision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2022, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Lombard et Guérin Gestion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que:

- la société Lombard et Guérin Gestion ne peut utilement invoquer la responsabilité quasi-délictuelle de l'administration ;

- les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au

30 septembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Guena représentant la société Lombard et Guérin Gestion et de Me Gorse représentant la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lombard et Guérin Gestion et la Ville de Paris ont conclu le

17 juin 2013, en application de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, une convention de délégation de service public portant sur l'organisation, la gestion et l'entretien des marchés aux puces de la porte de Clignancourt et de la rue Jean-Henri Fabre pour une durée de cinq ans à compter du 26 juillet 2013. Par courrier du

12 juillet 2018, la société Lombard et Guérin Gestion a sollicité la conclusion d'un protocole transactionnel en invoquant, d'une part, la modification unilatérale des conditions de facturation de certains emplacements en cours de convention et, d'autre part, la baisse de fréquentation des marchés consécutive à des problèmes de salubrité et sécurité récurrents qui auraient rompu l'équilibre économique de la délégation de service public. Par courrier du

16 juillet 2019, la Ville de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation s'agissant des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre et a indiqué, s'agissant de la baisse de la fréquentation du marché, qu'elle ne disposait pas des documents certifiés nécessaires à l'étude de cette demande, ce qu'elle a confirmé par courrier du 17 octobre 2019 en réponse à la demande d'indemnisation présentée par la société.

La société Lombard et Guérin Gestion a saisi le tribunal administratif de Paris de deux demandes tendant à la condamnation de la Ville de Paris à lui verser, d'une part, la somme de 128 043,55 euros en réparation du préjudice découlant de la modification unilatérale des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre et, d'autre part, la somme de 731 607 euros en réparation du préjudice causé par la baisse substantielle de la fréquentation des marchés consécutive à des problèmes de sécurité et de salubrité, arrondies à la somme totale de 859 650 euros. Le tribunal a rejeté ses demandes par un jugement du 17 juin 2021, dont la société Lombard et Guerin Gestion relève appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La circonstance que la copie du jugement adressée à la société requérante ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Au demeurant, la minute du jugement est dûment signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

Sur la responsabilité de la Ville de Paris :

En ce qui concerne la demande d'indemnisation au titre d'une modification unilatérale des conditions de facturation du marché Jean-Henri Fabre :

3. Il résulte des termes de l'article 4 de la convention signée entre la société Lombard et Guérin Gestion et la Ville de Paris que l'assiette de la délégation porte, s'agissant du marché aux puces de la rue Jean-Henri Fabre, sur " une surface maximale de vente de

3100 mètres carrés répartis comme suit : / - d'une part, adossés au boulevard périphérique, 590 mètres linéaires d'emplacements de vente d'une profondeur de 2 mètres 50 pour

450 mètres linéaires et de 5 mètres sur 140 mètres linéaires soit une surface maximale de vente de 1825 mètres carrés ; / - d'autre part, sur le trottoir parisien limitrophe de la commune de Saint-Ouen, 510 mètres linéaires d'une profondeur de 2 mètres 50 soit une surface maximale de vente de 1275 mètres carrés ". Si, en vertu des articles 3 et 8 de la convention, le délégataire doit respecter les dispositions réglementaires municipales pour le placement des commerçants et si le règlement du 19 mai 1987 relatif au marché de la rue Jean-Henri Fabre indique que les marchands peuvent s'installer côté périphérique " à l'intérieur des limites tracées au sol ", l'article 8 de la convention, relatif au placement des commerçants, précise également que le délégataire " ne doit placer aucun commerçant en dehors du périmètre contractuel des marchés ". Ce dernier article imposait donc bien une profondeur maximale de 5 mètres côté boulevard périphérique et non de 6,90 mètres, ainsi d'ailleurs que l'avait précisé le dossier de consultation des entreprises. Dès lors, en dépit de ses conditions initiales d'exécution, la convention de délégation de service public litigieuse doit être regardée comme ayant prévu, dès l'origine, par des stipulations qui ne sont pas entachées d'une erreur matérielle contraire à l'intention des parties, des emplacements d'une profondeur maximale de 5 mètres côté boulevard périphérique. Par suite, en demandant à la société Lombard et Guérin Gestion, en cours d'exécution de la délégation de service public, de facturer l'occupation du domaine en fonction du périmètre contractuel, la Ville de Paris n'a pas procédé à une modification unilatérale de la convention, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à solliciter une indemnisation au titre d'une modification unilatérale des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre.

En ce qui concerne la demande d'indemnisation au titre de la baisse de fréquentation des deux marchés aux puces résultant des problèmes d'insalubrité et d'insécurité :

4. En premier lieu, la société requérante, liée à la Ville de Paris par contrat, ne peut utilement invoquer à son encontre ni la responsabilité quasi-délictuelle qui découlerait d'une faute commise par cette collectivité dans l'exercice de ses pouvoirs de police ni la responsabilité sans faute qui découlerait d'une atteinte à l'égalité devant les charges publiques.

5. En deuxième lieu, il ressort des articles 6, 9, 31, 35 et 42 de la convention de délégation de service public que le délégataire exploite les marchés aux puces " à ses risques et périls ", qu'il " doit demander l'intervention des forces de police au cas où des commerçants non autorisés s'installeraient à l'intérieur du périmètre des marchés ", qu'il a une " obligation de résultat en matière de propreté du site " et que le " nettoiement des marchés et l'enlèvement des déchets sont assurés (...) à ses frais ", qu'il est responsable " de la totalité des opérations de nettoyage et collecte des déchets " et est " tenu de renforcer son dispositif en cas de besoin " et qu'il doit affecter à la prévention des ventes à la sauvette trois agents les samedis et dimanches et deux agents le lundi. Or, si la société Lombard et Guérin Gestion a pu effectivement connaître des difficultés dans l'exécution de la délégation de service public en raison de problèmes d'insécurité et d'insalubrité dus notamment à la présence de vendeurs à la sauvette dans le périmètre des marchés, il résulte des stipulations de la convention de délégation de service public que le nettoyage du site et la prévention de la vente à la sauvette relèvent de ses obligations contractuelles. Si la requérante invoque un manquement de la Ville de Paris s'agissant du nettoiement du site avant la tenue du marché, elle ne précise pas quelle stipulation contractuelle aurait été ainsi méconnue par la ville. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la Ville de Paris aurait commis une faute contractuelle s'agissant des problèmes d'insécurité et d'insalubrité des deux marchés aux puces.

6. En dernier lieu, la société requérante invoque à titre subsidiaire la responsabilité sans faute de la Ville de Paris, au titre de l'imprévision comme au titre d'un acte unilatéral non fautif de la personne publique cocontractante. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que de tels problèmes de sécurité et de salubrité étaient imprévisibles lors de la conclusion de la convention ni qu'ils résulteraient d'un acte unilatéral de la ville. D'autre part, il ne résulte pas davantage de l'instruction que ces difficultés auraient entraîné un bouleversement de l'économie du contrat. Par suite, la société Lombard et Guérin Gestion n'est pas fondée à demander l'engagement de la responsabilité contractuelle sans faute de la Ville de Paris.

7. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice résultant de la baisse de fréquentation des marchés aux puces de la porte de Clignancourt et de la rue Jean-Henri Fabre consécutive à des problèmes récurrents d'insécurité et d'insalubrité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lombard et Guérin Gestion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

9. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Lombard et Guérin Gestion une somme au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Lombard et Guérin Gestion est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Ville de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lombard et Guérin Gestion et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04701
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : ADDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-21;21pa04701 ?
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