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17/03/2023 | FRANCE | N°21PA04211

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 mars 2023, 21PA04211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Malakoff Paris 16 a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1925954 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la Sarl Malakoff Paris 16.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 23 juill

et et 30 septembre 2021 ainsi que le 11 mars 2022, la Sarl Malakoff Paris 16, représentée par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Malakoff Paris 16 a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1925954 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la Sarl Malakoff Paris 16.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 23 juillet et 30 septembre 2021 ainsi que le 11 mars 2022, la Sarl Malakoff Paris 16, représentée par Me Bernard et Me Bilger, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1925954 du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de la décharger des impositions litigieuses à hauteur d'un montant, en droits et intérêts, de 546 658 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société PBPCR 3 était assujettie au Luxembourg à raison des intérêts versés par la société requérante à une imposition dont le montant est au moins égal au quart de l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun, conformément aux dispositions du b) du I de l'article 212 du code général des impôts et aux prévisions de l'instruction BOI-IS-BASE-35-30 ;

- en tout état de cause, les dispositions du b) du I de l'article 212 du code général des impôts méconnaissent la directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 (ATAD 2) ainsi que les règles du droit de l'Union européenne ;

- elle était au surplus en droit de déduire de ses résultats les intérêts dus à la société PBPCR 3, dès lors que le taux de 10,20 % n'est pas excessif au regard du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, conformément aux dispositions du a) du I de l'article 212 du code général des impôts ;

- l'administration ne démontre pas l'existence d'un acte anormal de gestion s'agissant de l'emprunt participatif souscrit auprès de la société Hoche Partners International (HPI).

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 août 2021 et 7 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Bernard pour la Sarl Malakoff Paris 16.

Considérant ce qui suit :

1. La Sarl Malakoff Paris 16, qui exerce une activité de marchand de biens, a souscrit le 19 décembre 2014, d'une part, auprès de sa société-mère, la société de droit luxembourgeois PBPCR 3, une convention de compte courant d'une durée indéterminée, pour un montant de 2 250 000 euros, rémunérée à un taux de 10,20 %, et d'autre part, un emprunt participatif à échéance de vingt-cinq mois auprès de la société HPI, pour un montant de 6 750 000 euros, rémunéré à un taux de 10,20 % majoré de 50 % du résultat net comptable avant impôt de la société requérante, dans la limite d'un taux de rendement interne de 17,5 %. La Sarl Malakoff Paris 16 a comptabilisé en charges les intérêts au titre de ces deux prêts pour les exercices clos en 2015 et 2016.

2. La Sarl Malakoff Paris 16 a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a, d'une part, remis en cause l'intégralité du montant des déductions opérées au titre des intérêts versés en rémunération de la convention de compte courant conclue avec la société PBPCR 3, au motif que la société n'avait pas démontré que la société prêteuse était assujettie au Luxembourg à raison de ces intérêts à un impôt sur les bénéfices dont le montant est au moins égal au quart de l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun et a, par suite, réintégré dans les résultats de la société un montant de 233 962,50 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et un montant de 233 325 euros au titre de l'exercice clos en 2016. Le vérificateur a, d'autre part, regardé le versement des intérêts à la société HPI comme un acte anormal de gestion dans la mesure où le taux consenti n'est pas justifié par le profil de risque de la société, dans la mesure, notamment, où il aurait pu être diminué si la société avait consenti une garantie couvrant l'ensemble de l'emprunt, et a, par suite, remis en cause le montant des déductions opérées pour les intérêts versés en rémunération de cet emprunt participatif, pour la quote-part résultant de l'application d'un taux supérieur au taux moyen de marché calculé à partir de plusieurs comparables, à savoir 2,466 % au titre de l'exercice 2015 et 2,39 % au titre de l'exercice 2016. L'administration fiscale a donc réintégré dans les résultats de la société, en conséquence de cette qualification d'acte anormal de gestion, un montant de 535 828 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et un montant de 538 253 euros au titre de l'exercice clos en 2016. Par sa requête, la Sarl Malakoff Paris 16 demande à la Cour d'annuler le jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en conséquence des rectifications ci-avant décrites, au titre des exercices 2015 et 2016.

Sur la déductibilité des intérêts versés à la société PBPCR 3 :

3. Aux termes du I de l'article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I.- Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles / a) dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ; / b) Et, sous réserve que l'entreprise débitrice démontre, à la demande de l'administration, que l'entreprise qui a mis les sommes à sa disposition est, au titre de l'exercice en cours, assujettie à raison de ces mêmes intérêts à un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices dont le montant est au moins égal au quart de l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun ". Aux termes du 1 de l'article 39 du même code dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans ". En vertu du 12 de ce même article, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies précédemment, sous le contrôle d'une même tierce entreprise.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a refusé à la société Malakoff Paris 16 la déduction de l'intégralité des intérêts versés à sa mère luxembourgeoise, la société PBPCR 3, en exécution de la convention d'avance sur compte courant d'associé au motif qu'il n'était pas justifié que cette dernière société aurait été assujettie à raison de ces intérêts, ainsi que le prévoient les dispositions précitées du b) du I de l'article 212 du code général des impôts, à un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices dont le montant est au moins égal au quart de l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun. La société Malakoff Paris 16, qui fait valoir que le régime fiscal de droit commun des Sarl luxembourgeoises pour les années 2015 et 2016 consiste en une imposition de 20 %, a toutefois versé aux débats les comptes de résultat et les déclarations fiscales de la société prêteuse qui font apparaître, d'une part que les intérêts perçus de la Sarl Malakoff Paris 16 ont contribué à la formation du résultat comptable qui est le même que le résultat fiscal déclaré et, d'autre part, que si l'imposition finale de la société PBPCR 3 est relativement faible, cela tient à ce que cette société est elle-même endettée auprès d'une tierce société à qui elle verse des intérêts légèrement supérieurs à ceux perçus de la société requérante. Or, ainsi que cette dernière le soutient à juste titre, le dispositif d'exclusion de la déduction des intérêts prévu au b) du I de l'article 212 du code général des impôts ne trouve pas à s'appliquer lorsque la société créancière est assujettie à l'impôt à raison des intérêts qu'elle perçoit, quand bien même elle ne se trouve pas effectivement imposée parce qu'elle se trouve en situation déficitaire.

5. En l'espèce, les documents qui viennent d'être mentionnés établissent que la société luxembourgeoise a déclaré au titre de l'année 2015 un bénéfice de 287,40 euros et payé un impôt forfaitaire sur les revenus des collectivités, assimilable à l'impôt français sur les sociétés, de 3 210 euros, qui excède largement le taux de référence minimal de 8,33 %. Au titre de l'année 2016, cette société a déclaré un bénéfice de 6 372 euros et payé un impôt sur les revenus des collectivités de 534,88 euros, soit un taux de 8,39 %, là encore supérieur au taux de référence de 8,33 % prévu au b) du I de l'article 212 du code général des impôts. En se bornant à soutenir qu'il n'est pas établi que les déclarations produites dans l'instance ont été déposées, alors que ces documents portent soit le timbre de l'administration concernant 2015, soit consistent en une télé-déclaration concernant 2016 et impliquent donc que ces impositions étaient exigibles par l'administration fiscale du Grand-Duché du Luxembourg, l'administration ne conteste pas sérieusement que la société appelante a justifié remplir les conditions du b) du I de l'article 212 du code général des impôts et avait par suite, a minima, droit à la déduction des intérêts versés à la société PBPCR 3 à concurrence du taux prévu au 3° du 1 de l'article 39 de ce même code.

6. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance, par le dispositif prévu au b) du I de l'article 212 du code général des impôts, de la directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 relative à la lutte contre les dispositifs hybrides (ATAD 2) et du droit de l'Union européenne, que la société Malakoff Paris 16 est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés des exercices 2015 et 2016 à concurrence de la prise en compte de la déduction des intérêts versés à la société PBPCR 3 calculés selon le taux prévu au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.

7. En second lieu, le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. Le profil de risque doit, pour l'application de ces dispositions, en principe être apprécié au regard de la situation économique et financière consolidée de l'entreprise emprunteuse et de ses filiales. L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen.

8. D'une part, pour justifier qu'elle a droit, en application du a) du I de l'article 212 du code général des impôts, à la déduction d'un taux supérieur au taux prévu au 3° du 1 de l'article 39 de ce même code, la société appelante soutient qu'en raison du ralentissement du secteur immobilier, elle n'aurait pu obtenir de prêt d'aucun établissement financier indépendant. Cependant, alors que les dispositions de l'article 212 du code général des impôts prévoient que les intérêts afférents aux sommes mises à disposition par une entreprise liée ne sont déduits que dans la limite des intérêts calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° de l'article 39 du même code, sauf à prouver que l'entreprise emprunteuse se serait endettée au même taux auprès d'un établissement financier indépendant, cette preuve ne peut être regardée comme apportée dans l'hypothèse où un tel emprunt n'aurait pas été possible.

9. D'autre part, la société Malakoff Paris 16 verse aux débats, pour justifier de la déductibilité des intérêts versés à la société PBPCR 3, un rapport d'expertise financière du cabinet Nera Economic Consulting daté de décembre 2018, qui mobilise une méthode de scoring ayant recours à une méthodologie développée par l'agence Moody's. Plus spécifiquement, ce rapport met en œuvre, en premier lieu, la méthode du prix comparable sur le libre marché, consistant à attribuer, à partir de l'examen de plusieurs facteurs et sous-facteurs de risques analysés au vu du business plan, une cote de crédit à l'emprunteur, en recourant à la notation REITs développée par l'agence Moody's, et en ajustant ensuite le taux pour tenir compte de la subordination du prêt, ce dont cette étude déduit que le taux de 10,2 % se situe en l'espèce dans l'intervalle de pleine concurrence. Toutefois, il résulte de l'instruction, alors que le secteur d'activité est déterminant pour apprécier le risque de crédit de l'emprunteur, que la méthode REITs évalue le risque de crédit pour les sociétés foncières et non pour les marchands de biens alors que la gestion d'un portefeuille immobilier à long terme n'est pas la même activité et ne comporte pas les mêmes risques que l'achat et la revente d'un unique bien immobilier. Il s'en déduit notamment que les facteurs et sous-facteurs respectivement notés dans l'étude pour aboutir au scoring final ne sont pas nécessairement les plus pertinents ou n'ont pas la pondération adéquate cependant que la nature de l'opération, qu'un prêteur prendrait forcément en compte, est différente, entre d'une part l'acquisition d'un parc immobilier aux fins de tirer une rentabilité de son exploitation à long terme et, d'autre part et comme en l'espèce, une opération d'acquisition d'un bien unique en vue d'une revente à court terme. Au surplus, cette première méthode se fonde sur l'indice des obligations américaines, ce qui nécessite une série d'ajustements (de devise, géographique, de marge de crédit et de liquidité) au sujet desquels les explications permettant de déterminer leur valeur sont notoirement insuffisantes. La seconde méthode mobilisée par cette étude ne saurait suppléer à ces lacunes en ce que, concernant la généralité des sociétés notées B pour des prêts de maturité de 5 ans et appliquant un ajustement de liquidité, elle se révèle encore plus sommaire et concerne en tout état de cause des sociétés dont il n'a pas été établi dans un premier temps, comme il vient d'être dit, qu'elles auraient le même profil de risque que la société requérante. Enfin, la troisième méthode proposée par le cabinet Nera Economic Consulting consiste en une comparaison avec le rendement interne des bailleurs sur le marché immobilier résidentiel britannique en 2016, ce qui n'est pas pertinent dès lors que les éléments de cette comparaison sont postérieurs à l'opération en litige et se rapportent à un marché différent. Enfin, la société se prévaut, en sus de cette étude, d'un contrat de souscription d'obligations conclu entre sociétés indépendantes au taux de 13 % en juillet 2020, ce qui est insuffisant au regard notamment de la date à laquelle cette transaction a été conclue et de son caractère unique.

10. Il suit de là que la société Malakoff Paris 16 ne saurait être regardée comme apportant les éléments de preuve susceptibles de justifier de son droit à déduire des intérêts supérieurs à ceux calculés selon le taux prévu au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. De plus, il résulte de l'instruction que l'administration a obtenu pour 2014, par l'exercice de son droit de communication, les caractéristiques de cinq prêts bancaires conclus par des marchands de biens installés en Île-de-France, pour des prêts compris entre 3,7 M et 10,2 M d'euros, d'une maturité comprise entre deux et trois ans, dont la moyenne des taux d'intérêts correspond à la valeur Euribor 3 mois + 2,29 %, ce qui corrobore le bien-fondé de son appréciation selon laquelle l'avance en compte courant d'associé consentie par la société PBPCR 3 n'a pas été rémunérée à un prix compris dans l'intervalle de pleine concurrence.

Sur la déductibilité des intérêts versés à la société HPI :

11. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts (CGI), le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer le caractère anormal d'un acte de gestion.

12. L'administration a refusé à la société Malakoff Paris 16 la déduction des intérêts versés à la société HPI excédant une quote-part résultant de l'application du taux moyen correspondant à la valeur Euribor 3 mois + 2,29 %, calculé à partir des comparables mentionnés au point 10, en estimant que le surplus relevait d'un acte anormal de gestion. A l'appui de cette appréciation, le service a considéré qu'il aurait été dans l'intérêt de la requérante de consentir une sûreté immobilière au prêteur, et qu'elle a entendu s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt en s'abstenant de le faire et en consentant à verser des intérêts au taux de 10,20 % majorés de 50 % de son résultat net comptable avant impôt ne correspondant pas à son profil de risque. A cet égard, le service a relevé que la subordination du prêt n'emportait pas de risque spécifique pour le prêteur, dès lors que le contrat de prêt prévoit qu'il sera remboursé de façon prioritaire, avant que les associés ne le soient de leur apport. Cette appréciation n'est pas contestée par la requérante.

13. La société Malakoff Paris 16 soutient, il est vrai, qu'elle n'avait pas la possibilité de consentir une sûreté sur le bien immobilier objet du montage financier litigieux dès lors qu'elle avait dû consentir, dans le cadre du prêt bancaire senior, la sûreté du prêteur de deniers prévue au 2° de l'article 2374 du code civil à la Bred, et que par ce prêt elle s'était obligée, comme mentionné au point 11.2 du contrat, à " ne consentir aucune sûreté et garantie sur les biens et droits objets des Sûretés autres que les Sûretés ". Cependant, il ne résulte ni des termes de cette clause, qui font état d'une obligation consentie par la société Malakoff Paris 16 et non d'une exigence exprimée par la Bred, ni des éléments produits au dossier, faute pour la société requérante de fournir des éléments, qu'elle seule serait en mesure de produire, concernant la négociation du prêt obtenu de la Bred, et alors que la sûreté de prêteur de denier avait déjà été consentie, qui tendrait à démontrer que l'ajout de la clause dont elle cherche à se prévaloir, excluant que soit accordée une sûreté de rang secondaire, à savoir une hypothèque conventionnelle, à la société HPI, aurait conditionné la conclusion du prêt obtenu de la Bred.

14. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée, alors d'ailleurs que l'étude produite par l'appelante démontre que le ratio de ses actifs non grevés, qui correspond au pourcentage de ses actifs non soumis aux réclamations des créanciers ou à des privilèges, est estimé pour les exercices 2015-2019 à 48,8 %, comme établissant suffisamment que la rémunération du prêt contracté auprès de la société HPI n'est pas, au regard du profil de risque de l'appelante, situé dans l'intervalle de pleine concurrence. En se bornant à soutenir, sans en justifier, qu'un tel choix de financement était nécessaire pour procéder à l'acquisition de l'immeuble et n'avait pas eu pour conséquence de fragiliser sa situation financière, la société requérante n'apporte pas la preuve qu'elle aurait bénéficié de contreparties. Il en résulte que l'administration était fondée à procéder à la réintégration, au bénéfice imposable de la société, de la quote-part des intérêts d'emprunts excédant ceux qui auraient été versés dans le cadre d'une rémunération normale au taux de marché.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Malakoff Paris 16 est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés des exercices 2015 et 2016 à concurrence de la prise en compte de la déduction des intérêts versés à la société PBPCR 3 calculés selon le taux prévu au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. Le surplus de ses conclusions à fins de décharge ne peut, en revanche, qu'être rejeté.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la Sarl Malakoff Paris 16 lui réclame sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition de la Sarl Malakoff Paris 16 à l'impôt sur les sociétés, respectivement, au titre des exercices clos en 2015 et 2016, sont réduites à concurrence de la prise en compte de la déduction des intérêts versés à la société PBPCR 3 calculés selon le taux prévu au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.

Article 2 : La Sarl Malakoff Paris 16 est déchargée, en droits et pénalités, dans la limite de la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er, de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016.

Article 3 : Le jugement n° 1925954 du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la Sarl Malakoff Paris 16 est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Malakoff Paris 16 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2023.

Le rapporteur,

G. A...

La présidente,

H. VINOTLa greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA0421102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04211
Date de la décision : 17/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : REED SMITH LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-17;21pa04211 ?
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