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10/11/2022 | FRANCE | N°21PA03755

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 novembre 2022, 21PA03755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société à responsabilité limitée (SARL) Paris Heure a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des droits de taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, ainsi que des amendes infligées sur le fondement de l'article 1761 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1909016 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Paris

a fait droit à la demande de la société Paris Heure et a mis à la charge de l'Etat le ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société à responsabilité limitée (SARL) Paris Heure a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des droits de taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, ainsi que des amendes infligées sur le fondement de l'article 1761 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1909016 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société Paris Heure et a mis à la charge de l'Etat le versement à la société de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire aux fins de production de pièces enregistrés le 6 juillet 2021 et le 15 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909016 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de remettre à la charge de la société Paris Heure les impositions en litige.

Il soutient que les montres d'occasion de marques prestigieuses que la société Paris Heure achète auprès de particuliers en vue de leur revente constituent des bijoux au sens du 2° du 1 de l'article 150 VI du code général des impôts, alors mêmes qu'elles ne seraient pas constituées de métaux précieux, ainsi que des objets de collection au sens de ce même article, et entrent en conséquence dans le champ d'application de la taxe sur les métaux précieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2021, la société Paris Heure, représentée par Me Ohana, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ohana, pour la société Paris Heure.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Paris Heure, qui exerce une activité d'achat et de revente de montres-bracelets de luxe d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, faisant application de la procédure de rectification contradictoire, l'a assujettie à des rappels de taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. Ces rappels ont été assortis de l'amende de 25 % prévue à l'article 1761 du code général des impôts en cas d'infraction aux articles 150 VI à 150 VM du même code. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Paris Heure de ces impositions, en droits et pénalités.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales: " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que les impositions contestées ont été établies suivant la procédure de rectification contradictoire et n'ont pas été acceptées par la société requérante. Dès lors, en application des dispositions rappelées au point précédent, la charge de la preuve du bien-fondé des impositions incombe à l'administration.

4. Aux termes de l'article 150 VI du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux ou les exportations, autres que temporaires, hors du territoire des Etats membres de l'Union européenne : 1° De métaux précieux ; 2° De bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité. (...) ". Aux termes de l'article 150 VJ du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont exonérées de la taxe : (...) 4° Les cessions (...) des biens mentionnés au 2° du I de l'article 150 VI lorsque le prix de cession ou la valeur en douane n'excède pas 5 000 € (...) ". Aux termes de l'article 150 VK de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - La taxe est supportée par le vendeur ou l'exportateur. Elle est due, sous leur responsabilité, par l'intermédiaire établi fiscalement en France participant à la transaction ou, en l'absence d'intermédiaire, par l'acquéreur lorsque celui-ci est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France (...) / II. - La taxe est égale : (...) / 2° A 6 % du prix de cession ou de la valeur en douane des biens mentionnés au 2° du I de l'article 150 VI. / III. - La taxe est exigible au moment de la cession ou de l'exportation ". Et aux termes de l'article 1761 du code général des impôts : " Entraînent l'application d'une amende égale à 25 % du montant des droits éludés : / (...) 2. Les infractions aux articles 150 VI à 150 VM ".

5. Pour procéder aux rappels de taxe litigieux, le service vérificateur a estimé que les montres - bracelets de prestige revendues par la société requérante étaient assimilables à des bijoux et a appliqué aux cessions réalisées par la société au titre des années 2015 à 2017 le taux de 6 % prévu à l'article 150 VK du code général des impôts. Toutefois, il ressort des termes du 2° du 1 de l'article 150 VI du code général, éclairés par les travaux préparatoires ayant précédé l'adoption de la loi de finances rectificative pour l'année 2005, dont l'article 68 a remplacé les articles 150 V bis à 150 V sexies du code général des impôts par les articles 150 VI à 150 VM, que seules les montres composées de métaux précieux ou celles qui, en raison de la présence de perles, pierres précieuses ou diamants, pourraient être regardées comme constituant non seulement des objets d'horlogerie mais également des objets de bijouterie ou de joaillerie, sont susceptibles d'entrer dans son champ d'application.

6. En l'espèce, si la société Paris Heure fait valoir que les montres qu'elle acquiert pour les revendre ne sont pas des bijoux au sens du 2° du I de l'article 150 du code général des impôts, dès lors qu'elles ne sont pas composées de métaux précieux, il ressort de son site internet que certaines des montres qu'elle propose à la vente sont en or. Cependant, l'administration, qui a la charge de la preuve et qui a établi les impositions litigieuses après examen du livre de police, des attestations de vente et des contrats de dépôts des montres, ainsi que cela ressort des énonciations de la proposition de rectification du 30 novembre 2018, n'apporte aucun élément de nature à établir que cela serait précisément le cas de tout ou partie de celles de ces montres qui ont donné lieu à l'établissement de la taxe. Enfin, l'administration fiscale ne saurait, pour justifier du bien-fondé des impositions litigieuses, utilement se prévaloir de sa propre doctrine énoncée au paragraphe 50, de l'instruction fiscale BOI-RPPM-PVBMC-20-10 relative à la taxe forfaitaire sur les métaux précieux, qui assimile à des bijoux l'ensemble des montres-bracelets, quels que soient les matériaux entrant dans leur composition.

7. L'administration soutient que les montres qui ont fait l'objet des impositions litigieuses constituent en tout état de cause des " objets de collection " au sens du 2° du I de l'article 150 VI du code général des impôts. Elle fait valoir à ce titre, d'une part, les prix auxquels ces montres ont été achetées par la société Paris Heure auprès des particuliers qui les lui ont vendues entre 5 200 et 45 000 euros et, d'autre part, le fait que sur son site Internet, la société Paris Heure elle-même met en avant l'aspect prestigieux et d'exception des modèles proposés, cible les " collectionneurs " et insiste sur la rareté des " modèles de collection " qu'elle propose à la vente. Toutefois, et alors que le site Internet de la société Paris Heure mentionne également la vente de montres de luxe " vintage " ou " d'occasion ", en plus des " montres de collection ", le prix auquel les montres qui ont fait l'objet des impositions litigieuses ont été achetées, et dont l'administration n'établit pas ni même n'allègue qu'il serait sans rapport avec les prix normalement pratiqués sur le marché du neuf et de l'occasion des montres de luxe, ne suffit pas à démontrer qu'elles présentaient, eu égard à leurs caractéristiques propres, un intérêt artistique ou historique de nature à justifier leur qualification de " montres de collection ".

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société Paris Heure tendant à la décharge des droits de taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, ainsi que des amendes infligées sur le fondement de l'article 1761 du code général des impôts.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Paris Heure d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Paris Heure une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Paris Heure et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île de France et du département de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

C. A...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA03755 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03755
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : AVOCATS DSOB

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-10;21pa03755 ?
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