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21/01/2022 | FRANCE | N°21NT01202

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 janvier 2022, 21NT01202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 26 novembre 2018 par laquelle le préfet de la région Bretagne a refusé de retirer la décision du 27 juillet 2018 par laquelle ce dernier avait accordé au GAEC de la Ruais une autorisation d'exploiter 54 hectares 01 are 45 centiares de terres situées sur les communes de Broons, Lanrelas, Plumaugat et Sévignac.

Par un jugement n° 1900344 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
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Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 av...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 26 novembre 2018 par laquelle le préfet de la région Bretagne a refusé de retirer la décision du 27 juillet 2018 par laquelle ce dernier avait accordé au GAEC de la Ruais une autorisation d'exploiter 54 hectares 01 are 45 centiares de terres situées sur les communes de Broons, Lanrelas, Plumaugat et Sévignac.

Par un jugement n° 1900344 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 avril, 28 mai, 9 et 24 décembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Chevalier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2021 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Région Bretagne du 26 novembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de droit au regard notamment des dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime en ce que le préfet était tenu de refuser l'autorisation d'exploiter présentée par son concurrent dès lors que la demande de ce dernier relevait d'un rang de priorité inférieur en vertu du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ;

- la décision contestée est entachée d'une seconde erreur de droit, dès lors qu'elle est justifiée par des éléments qui ne tenaient ni à la nature de l'opération envisagée, ni aux critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental de cette opération et ne pouvaient donc pas la fonder légalement ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'intérêt économique et environnemental des opérations en litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2021, le groupement agricole en commun (GAEC) de la Ruais, représenté par Me Barbier, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête de M. A..., dépourvue de motivation, est irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de pêche maritime ;

- l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 arrêtant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Chevalier, représentant M. A..., et de Me Barbier, représentant le GAEC de la Ruais.

Une note en délibéré présentée pour le GAEC de la Ruais a été enregistrée le 7 janvier 2022.

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 18 janvier 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le GAEC de la Ruais a présenté, le 3 octobre 2017, une demande d'autorisation d'exploiter 54 hectares 1 are 45 centiares de terres situées sur les communes de Broons, Lanrelas, Plumaugat, et Sévignac (Côte-d'Armor), qui a fait l'objet d'une autorisation tacite intervenue le 3 février 2018. Le préfet de la région Bretagne a également accordé à M. A..., par une décision expresse du 8 février 2018, l'autorisation d'exploiter ces mêmes terres. Par une décision du 6 avril 2018, le préfet a alors procédé au retrait de l'autorisation tacite d'exploiter obtenue par le GAEC de la Ruais et lui a opposé un refus exprès d'autorisation d'exploiter concernant ces terres. Par une nouvelle décision du 27 juillet 2018, le préfet a toutefois retiré sa décision du 6 avril 2018 et a délivré au GAEC de la Ruais l'autorisation d'exploiter les terres en litige. M. A... a sollicité, par un recours gracieux du 24 septembre 2018, le retrait de cette décision en tant qu'elle accorde l'autorisation au GAEC. Le préfet a rejeté ce recours gracieux et refusé de prononcer le retrait sollicité par une décision du 26 novembre 2018. Par un jugement du 1er mars 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le GAEC de la Ruais à la requête d'appel:

2. La requête de M. A... comporte l'énoncé de faits et de moyens et ne constitue pas une simple reprise des écritures de première instance. Elle répond, par suite, contrairement à ce que soutient le GAEC de la Ruais, aux exigences de motivation prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par le préfet de la région Bretagne :

3. Un exploitant qui a demandé une autorisation d'exploiter une ou plusieurs parcelles sur des terres en application du 1° de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime justifie d'une qualité lui donnant intérêt à agir contre l'autorisation donnée à un autre exploitant d'exploiter des parcelles sur ces terres même s'il ne s'est porté candidat que pour une partie des parcelles qui font l'objet de l'autorisation. Dès lors, contrairement à ce que soutenait l'administration en première instance, M. A..., qui avait sollicité l'autorisation d'exploiter les terres en litige justifiait d'un intérêt à agir contre les décisions contestées, les circonstances qu'il ait effectivement obtenu l'autorisation ainsi sollicité ainsi que, postérieurement aux décisions en litige plusieurs autres autorisations d'exploiter d'autres terres, étant à cet égard, sans incidence.

En ce qui concerne l'étendue du litige :

4. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale. La demande de M. A... devant le tribunal doit, dès lors, être regardée comme dirigée tant contre la décision du 26 novembre 2018 que contre celle du 27 juillet 2018 autorisant le GAEC de la Ruais à exploiter les terres en litige.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation des décisions du 27 juillet 2018 et du 26 novembre 2018 du préfet de la région Bretagne :

5. Aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " (...) L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. (...). ". Aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. ". Enfin, l'article L. 331-3-1 de ce code dispose que : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...). ".

6. Les dispositions précitées n'interdisent pas au préfet de délivrer une autorisation d'exploiter à un demandeur, lorsqu'il existe une demande concurrente relevant d'un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles. Le préfet ne peut toutefois s'écarter de l'ordre des priorités prévu par ce schéma qu'à titre exceptionnel et si l'intérêt général ou des circonstances particulières le justifient.

7. Aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Bretagne relatif à l'ordre de priorités : " I - Les règles et dispositions particulières / a) Règles s'appliquant à toutes les priorités : / En cas de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixés à l'article 5. Si ce classement ne permet pas de les départager, des autorisations sont délivrées pour chacune d'elles. / Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction des sous-priorités. (...) ".

8. Pour prendre la décision attaquée du 27 juillet 2018, le préfet, après avoir vérifié que l'opération envisagée par le GAEC de la Ruais s'inscrivait dans les orientations prévues par le SDREA de Bretagne, s'est fondé sur les circonstances que l'autorisation tacite initialement consentie au groupement l'avait conduit à prendre des engagements importants, avec l'acquisition du cheptel, la location de la stabulation et la conclusion d'un bail rural, alors que le requérant ne justifiait pas de financements ou de démarches en vue de son installation. L'autorité administrative a également relevé que le projet de reprise présenté par le GAEC, dont les demandes d'aide à l'installation était recevables, permettait une installation, effective depuis le 1er mars 2018, de deux jeunes agriculteurs, alors que le projet de M. A... ne permettait l'installation que d'une personne.

9. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation présentée par M. A... en vue d'une installation en agriculture biologique sur des terres exploitées préalablement de façon conventionnelle, qui relève de la priorité 4.2.6 du SDREA de Bretagne, est prioritaire par rapport à celle du GAEC de la Ruais. M. A... soutient, sans être sérieusement contesté, qu'à la date de la décision contestée, il s'était assuré du caractère finançable de son projet d'installation et s'était engagé à cesser son activité professionnelle de consultant en cas d'aboutissement de ce projet. Dans ces conditions, les circonstances que l'autorisation d'exploitation des terres en litige permettrait l'installation de deux jeunes agriculteurs et non d'un seul et que des engagements importants en vue de cette exploitation avaient déjà été conclus par le GAEC de la Ruais dans le délai, de deux mois environ, qui s'est écoulé entre l'autorisation tacite initiale et son premier retrait, ne suffisent pas à justifier que l'autorisation d'exploiter pouvait être accordée au GAEC, à titre exceptionnel, dès lors notamment qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse du 27 juillet 2018, de tels engagements ne pouvaient plus être remis en cause. Cette décision méconnaît, par suite, ainsi que le soutient le requérant, les dispositions citées aux points 5 et 7 ci-dessus.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation des décisions du

27 juillet 2018 et du 26 novembre 2018.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le GAEC de la Ruais demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de

l'État une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 1er mars 2021 du tribunal administratif de Rennes et les décisions du 27 juillet 2018 délivrant une autorisation d'exploiter au GAEC de la Ruais et du 26 novembre 2018 sont annulés.

Article 2 : L'État versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du GAEC de la Ruais présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au groupement agricole d'exploitation en commun de la Ruais et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 21 janvier 2022.

Le rapporteur

X. CatrouxLe président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01202
Date de la décision : 21/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-03-03-01-03 AGRICULTURE ET FORÊTS. - EXPLOITATIONS AGRICOLES. - CUMULS ET CONTRÔLE DES STRUCTURES. - CUMULS D'EXPLOITATIONS. - MOTIFS DE LA DÉCISION. - DEMANDES CONCURRENTES D'AUTORISATION D'EXPLOITER PORTANT SUR LES MÊMES TERRES - OBLIGATION INCOMBANT AU PRÉFET EN VERTU DE L'ARTICLE L. 331-3-1 DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME D'OBSERVER L'ORDRE DES PRIORITÉS ÉTABLI PAR LE SCHÉMA DIRECTEUR RÉGIONAL DES STRUCTURES AGRICOLES - ABSENCE [RJ1] - DÉLIVRANCE D'UNE AUTORISATION EN PRÉSENCE D'UNE DEMANDE CONCURRENTE RELEVANT D'UN RANG DE PRIORITÉ SUPÉRIEUR AU REGARD DU SCHÉMA DIRECTEUR RÉGIONAL DES EXPLOITATIONS AGRICOLES À TITRE EXCEPTIONNEL ET SI L'INTÉRÊT GÉNÉRAL OU DES CIRCONSTANCES PARTICULIÈRES LE JUSTIFIENT - EXISTENCE.

03-03-03-01-03 Les dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, n'interdisent pas au préfet de délivrer une autorisation d'exploiter à un demandeur lorsqu'il existe une demande concurrente relevant d'un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles. Le préfet ne peut toutefois s'écarter de l'ordre des priorités prévu par ce schéma qu'à titre exceptionnel et si l'intérêt général ou des circonstances particulières le justifient.


Références :

[RJ1]

Comp. Sous l'empire du droit antérieur, CE, 30 juillet 2003, Klein, n° 241999, aux tables p. 649.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CHEVALIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-21;21nt01202 ?
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