Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 février 2018 par lequel le ministre de l'économie et des finances lui a retiré son emploi de chef de mission " secrétaire général de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Alsace ".
Par une ordonnance du 26 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de cette demande au tribunal administratif de Nancy.
Par un jugement N°1822708 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mars et 16 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Alexandre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la compétence du signataire de l'arrêté n'a toujours pas été établie ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation, les graves défaillances qui auraient été révélées par un rapport de l'inspection générale des finances n'étant toujours pas précisées ;
- les dispositions de l'article 3 du décret n° 2015-1043 du 20 août 2015 n'ont pas été respectées ;
- la mesure de fin de détachement constitue une sanction laquelle viole le principe général du droit faisant obstacle à ce qu'une nouvelle sanction soit prononcée pour des faits ayant déjà fait l'objet d'une précédente sanction ;
- l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir compte tenu de son but disciplinaire et de l'intention de l'administration de le priver du bénéfice des dispositions de l'article 3 du décret du 20 août 2015 ;
- la décision est entachée d'une rétroactivité illégale puisque la fin de son détachement prend effet, sans nécessité, au 1er janvier 2016 ;
- aucune défaillance grave dans le fonctionnement du service n'est établie ou lui serait imputable.
Par un mémoire enregistré le 21 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ;
- le décret n°2008-971 du 17 septembre 2008 relatif à l'emploi de chef de mission dans les administrations relevant des ministres chargés de l'économie, de l'industrie, de l'emploi, du budget et des comptes publics ;
- le décret n°2015-1043 du 20 août 2015 portant mesures d'accompagnement des fonctionnaires occupant certains emplois au sein des services de l'Etat en région, des secrétariats généraux pour les affaires régionales et des agences régionales de santé, concernés par la nouvelle organisation des services déconcentrés régionaux ;
- l'arrêté du 15 mars 2012 portant création d'un centre de services des ressources humaines au sein du secrétariat général des ministères économiques et financiers ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Alexandre, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ingénieur des travaux publics de l'Etat titulaire, a fait l'objet à compter du 1er octobre 2011 d'un détachement sur un emploi de chef de mission pour exercer les fonctions de secrétaire général à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi DIRECCTE d'Alsace. Le 16 septembre 2015, la directrice de la DIRECCTE Alsace a saisi sa hiérarchie afin de signaler des dysfonctionnements graves relevés au sein du secrétariat général de la DIRECCTE et une mission de vérification conjointe de l'inspection générale des finances et du conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies a été diligentée, donnant lieu en novembre 2015 à un rapport provisoire, puis en janvier 2016 à un rapport définitif. L'intéressé a en conséquence fait l'objet de la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix-mois par un arrêté le ministre de l'économie et des finances du 27 mai 2016 dont la légalité a été définitivement confirmée par arrêt de la cour n° 18NC00600 du 3 décembre 2019, passé en force de chose jugée. Par arrêté du 28 décembre 2015, il a été procédé au retrait de son emploi de secrétaire général à la DIRECCTE à compter du 1er janvier 2016, l'intéressé étant placé en instance d'affectation auprès de la DIRECCTE Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine à compter de cette date. Toutefois, par un jugement du 3 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 28 décembre 2015 en raison d'une insuffisance de motivation en fait. Le ministre a alors repris un nouvel arrêté du 20 février 2018 ayant le même objet. M. C... relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy, à qui l'affaire a été attribuée par l'ordonnance ci-dessus visée du 26 mars 2019, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. A la différence du premier arrêté annulé du 28 décembre 2015, il est vrai que l'arrêté attaqué du 20 février 2018 précise que la mesure retirant à l'intéressé son emploi de secrétaire général de la DIRECCTE Alsace se fonde sur l'intérêt du service à la suite des défaillances graves imputables à M. C..., défaillances révélées par la mission de vérification de l'inspection générale des finances effectuée du 19 au 30 octobre 2015. Mais, alors que les rapports de l'inspection générale avaient relevé un grand nombre de faits dont certains revêtaient un caractère disciplinaire ayant conduit à la sanction ci-dessus analysée, une telle formulation ne permet pas de savoir quels sont, parmi tous ces faits, les dysfonctionnements retenus à la charge de l'intéressé par les auteurs de la décision attaquée. Dès lors, la décision attaquée ne satisfait pas à l'obligation de motivation résultant des dispositions ci-dessus reproduites, quand bien même M. C... aurait pris connaissance, à l'occasion des diverses procédures suivies à son égard, des rapports de la mission d'inspection, auxquels au demeurant les visas de l'arrêté ne se réfèrent pas. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de forme.
4. Au surplus, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Si l'annulation d'une décision ayant illégalement évincé un agent public oblige l'autorité compétente à réintégrer l'intéressé à la date de son éviction et à prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une position régulière, ladite autorité, lorsqu'elle reprend à la suite d'une nouvelle procédure une mesure d'éviction, le cas échéant sur un autre fondement, ne peut légalement donner à sa décision un effet rétroactif. Il n'en va autrement que lorsque cette autorité, n'ayant à porter aucune appréciation sur les faits de l'espèce, est tenue de mettre un terme aux fonctions de l'intéressé à une date antérieure à sa décision.
5. Par la décision litigieuse du 20 février 2018, l'administration a retiré à compter du 1er janvier 2016 l'emploi de l'intéressé. Si elle soutient que cette date d'entrée en vigueur de sa décision a pour effet de tirer les conséquences de l'annulation pour vice de forme de sa précédente décision du 28 décembre 2015, ci-dessus analysée, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'administration aurait été tenue de mettre un terme aux fonctions de M. C... à une date antérieure à celle à laquelle elle a été prise. Par suite, M. C... est également fondé à soutenir que l'arrêté litigieux est illégal dans la mesure où il prend effet au 1er janvier 2016.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 janvier 2021 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 20 février 2018 par lequel le ministre de l'économie et des finances a retiré à M. C... son emploi de chef de mission " secrétaire général de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Alsace " est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Lambing, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AGNELLe président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
N° 21NC00964
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