Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Pefil a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 214 518 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017.
Par un jugement n° 1900228 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions de la requête en tant qu'elles portaient sur les investissements réalisés au titre de l'épicerie et du bar-brasserie, et, s'agissant des conclusions portant sur les investissements réalisés au titre du restaurant " La ferme ", a procédé à un supplément d'instruction aux fins de communication par la SARL Pefil du plan des locaux du restaurant " La ferme ", ainsi que des factures détaillées correspondant aux travaux réalisés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017.
La SARL Pefil ayant en outre demandé la restitution de la somme de 27 824 euros afférente à un reliquat de crédit d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2017, le tribunal administratif de Bastia a, par un second jugement n° 1900228 du 1er juillet 2021, rejeté le reste des conclusions de sa requête portant sur les investissements réalisés au titre du restaurant " la ferme ".
Procédure devant la cour :
I. - Par une requête enregistrée le 20 août 2021, sous le n° 21MA03619, la SARL Pefil, représentée par Mes Gaillot-Bartoli et Calen, demande à la cour :
1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Bastia en date des 22 octobre 2020 et 1er juillet 2021 ;
2°) de prononcer la restitution de la somme de 214 518 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- conformément à l'article R. 811-6 du code de justice administrative, son appel est recevable également contre le jugement mixte du 22 octobre 2020 ;
- les jugements attaqués sont insuffisamment motivés ;
- les investissements réalisés au titre de l'épicerie et du bar brasserie doivent bénéficier du crédit d'impôt ; la terrasse est bien un local ; même et y compris dans sa documentation BOI-BIC-RICI-10-60-10-20-20170607 relative au dispositif du crédit d'impôt pour investissement en Corse, l'administration n'a jamais exprimé une telle position §60 ;
- les locaux litigieux ne sont pas à ciel ouvert ;
- l'administration fiscale exige un permis de construire qui n'est requis ni par le code général des impôts, ni par l'instruction fiscale ;
- la terrasse est le prolongement du restaurant et la société utilise bien du matériel à usage industriel et du mobilier commercial ; le tribunal et l'administration ont méconnu sa doctrine résultant de sa documentation BOI-BIC-RICI-10-60-10-20-20170607 relative au dispositif du crédit d'impôt pour investissement en Corse, notamment en ses §§ 10, 30, 90 et suiv., 112, 116 et 120 ;
- le tribunal et l'administration méconnaissent les principes de sécurité juridique, de confiance légitime et d'égalité en matière fiscale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la SARL Pefil ne sont pas fondés.
II. - Par une requête enregistrée le 20 août 2021, sous le n° 21MA03620, la SARL Pefil, représentée par Mes Gaillot-Bartoli et Calen, demande à la cour :
1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Bastia en date des 22 octobre 2020 et 1er juillet 2021 ;
2°) de prononcer la restitution de la somme de 214 518 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle reprend les mêmes moyens que dans la requête d'appel enregistrée sous le n° 21MA03619.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir les mêmes moyens que dans la procédure enregistrée sous le n° 21MA03619.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- et les conclusions de M. Allan Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Pefil exploite trois établissements situés village des Pêcheurs, sur l'Ile de Cavallo à Bonifacio (Corse-du-Sud) : une épicerie à l'enseigne " L'Épicerie des pêcheurs " depuis le 1er mai 2017, dans le cadre d'un contrat de location-gérance, un bar-brasserie " Le Bistrot " depuis le 1er juin 2017, suite à l'acquisition du fonds de commerce le 21 juillet 2017 et un restaurant " La ferme de Cavallo " dont le fonds de commerce était inexploité depuis plusieurs années. Au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017, la société ayant réalisé des investissements pour un montant total de 1 123 814 euros, a demandé à bénéficier à ce titre du crédit d'impôt visé à l'article 244 quater E du code général des impôts, soit un crédit d'impôt d'un montant de 337 144 euros, dont 85 688 euros de crédit d'impôt correspondant à des biens d'équipements amortissables selon le mode dégressif d'un prix de revient hors taxe net de subventions publiques de 285 628 euros, outre 251 456 euros de crédit d'impôt correspondant à des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle d'un prix de revient hors taxe net de subventions publiques de 838 186 euros.
2. Le crédit d'impôt initialement demandé s'élevait donc à 337 144 euros. Par décision du 14 décembre 2018, l'administration fiscale a rejeté l'éligibilité d'une partie des investissements au crédit d'impôt d'un montant de 715 059 euros correspondant à un crédit d'impôt d'un montant de 214 518 euros, au motif que ne constituent pas des biens éligibles audit crédit d'impôt, les meubles meublants et mobiliers de bureaux, les matériels divers utilisés dans le cadre de l'exploitation, sous réserve de leur éligibilité au régime de l'amortissement dégressif, et les investissements ne répondant pas à la définition des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle. L'administration fiscale n'ayant donc admis qu'un crédit d'impôt de 122 626 euros, la société Pefil a saisi le tribunal de Bastia afin de voir déclarer éligibles au crédit d'impôt les investissements rejetés à hauteur de 715 059 euros correspondant à un crédit d'impôts de 214 518 euros. Le tribunal s'est prononcé sur sa requête par deux jugements des 22 octobre 2020 et 1er juillet 2021.
3. La SARL Pefil doit être regardée comme relevant appel, d'une part du jugement du 22 octobre 2020 en tant que le tribunal administratif de Bastia a jugé que les investissements réalisés au titre de l'épicerie et du bar-brasserie n'étaient pas éligibles au bénéfice du crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts, d'autre part, du jugement du 1er juillet 2021 en tant que le tribunal administratif de Bastia a jugé que les investissements réalisés au titre du restaurant n'étaient pas non plus éligibles au bénéfice du crédit d'impôt.
Sur la jonction :
4. Les requêtes de la SARL Pefil, relatives à la même requête de première instance et au même crédit d'impôt, ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu dès lors de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité des jugements attaqués :
5. Les jugements rendus par le tribunal administratif de Bastia mentionnent les considérations de fait et de droit sur lesquelles ils s'appuient pour ne pas faire droit à la requête présentée par la SARL Pefil. Dès lors, le moyen tiré de ce que ces jugements seraient irréguliers en l'absence de motivation ou par insuffisance de celle-ci n'est pas fondé et doit être écarté.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
6. Aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur à la date de la réalisation des investissements : " I. - 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole autre que:/ a. la gestion ou la location d'immeubles lorsque les prestations ne portent pas exclusivement sur des biens situés en Corse, ainsi que l'exploitation de jeux de hasard et d'argent ;/ b. l'agriculture ainsi que la transformation ou la commercialisation de produits agricoles, sauf lorsque le contribuable peut bénéficier des aides à l'investissement au titre du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements, la production ou la transformation de houille et lignite, la sidérurgie, l'industrie des fibres synthétiques, la pêche, le transport, la construction et la réparation de navires d'au moins 100 tonnes de jauge brute, la construction automobile./ Les petites et moyennes entreprises mentionnées au premier alinéa sont celles qui ont employé moins de 250 salariés et ont soit réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 40 millions d'euros au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené le cas échéant à douze mois en cours lors de la réalisation des investissements éligibles, soit un total de bilan inférieur à 27 millions d'euros. L'effectif de l'entreprise est apprécié par référence au nombre moyen de salariés employés au cours de cet exercice ou de cette période d'imposition. Le capital des sociétés doit être entièrement libéré et être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions. Pour la détermination du pourcentage de 75 %, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des fonds professionnels spécialisés relevant de l'article L. 214-37 du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs, des fonds professionnels de capital investissement, des sociétés de libre partenariat, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. Pour les sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A ou de l'article 223 A bis, le chiffre d'affaires et l'effectif à prendre en compte s'entendent respectivement de la somme des chiffres d'affaires et de la somme des effectifs de chacune des sociétés membres de ce groupe. La condition tenant à la composition du capital doit être remplie par la société mère du groupe./ 2° (Abrogé)./ 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 20 % du prix de revient hors taxes :/ a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A et des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf ;/ b. Des biens, agencements et installations visés au a pris en location, au cours de la période visée au 1°, auprès d'une société de crédit-bail régie par le chapitre V du titre Ier du livre V du code monétaire et financier ;/ c. Des logiciels qui constituent des éléments de l'actif immobilisé et qui sont nécessaires à l'utilisation des investissements mentionnés aux a et b ;/ d. Des travaux de rénovation d'hôtel./ Pour le calcul du crédit d'impôt, le prix de revient des investissements est diminué du montant des subventions publiques attribuées en vue de financer ces investissements./ 3° bis Le taux mentionné au premier alinéa du 3° est porté à 30 % pour les entreprises qui ont employé moins de onze salariés et ont réalisé soit un chiffre d'affaires n'excédant pas 2 millions d'euros... ". Il résulte des termes du a. du 3° de l'article 244 quater E précité du code général des impôts que seuls les aménagements relatifs à des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle sont susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice du crédit d'impôt. Les agencements et installations ouvrant droit au crédit d'impôt s'entendent des travaux, dispositifs ou éléments destinés à mettre les locaux commerciaux en état d'utilisation et faisant corps avec eux.
7. Aux termes de l'article 39 A du même code, dans sa version alors en vigueur : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif./ Les taux d'amortissement dégressif sont obtenus en multipliant les taux d'amortissement linéaire par un coefficient fixé à :/ a. 1,25 lorsque la durée normale d'utilisation est de trois ou quatre ans ;/ b. 1,75 lorsque cette durée normale est de cinq ou six ans ;/ c. 2,25 lorsque cette durée normale est supérieure à six ans./ L'amortissement dégressif s'applique annuellement, dans la limite des plafonds, à la valeur résiduelle du bien à amortir./ Ces modalités d'amortissement correspondent à une utilisation quotidienne traditionnelle quant à la durée ; dans le cas d'utilisation continue des matériels considérés, les taux d'amortissement sont majorés./ ... ".
8. Aux termes de l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif, dans les conditions fixées aux articles 23 à 25, les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du 1er janvier 1960 et énumérées ci-après :/ Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport ;/ Matériels de manutention ;/ Installations destinées à l'épuration des eaux et à l'assainissement de l'atmosphère ;/ Installations productrices de vapeur, chaleur ou énergie ;/ Installations de sécurité et installations à caractère médico-social ;/ Machines de bureau, à l'exclusion des machines à écrire ;/ Matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique ou technique;/ Installations de magasinage et de stockage sans que puissent y être compris les locaux servant à l'exercice de la profession ;/ Immeubles et matériels des entreprises hôtelières./ Sont exclus du bénéfice de l'amortissement dégressif les biens qui étaient déjà usagés au moment de leur acquisition par l'entreprise ainsi que ceux dont la durée normale d'utilisation est inférieure à trois ans ". Ces dispositions autorisent toute entreprise dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à amortir suivant un mode dégressif les biens d'équipement acquis par elle et qui sont normalement utilisés dans leur activité productive par des entreprises industrielles.
En ce qui concerne l'application de la loi :
S'agissant des investissements réalisés au titre de l'épicerie et du bar-brasserie :
9. S'agissant des matériels acquis, c'est-à-dire un presse-agrumes, des congélateurs, des réfrigérateurs et des machines à glace, du " mobilier bar-brasserie " et du " mobilier épicerie ", des parasols, des guéridons, des luminaires, des matelas et des coussins, qui sont mobiles et,
ne sauraient être regardés comme destinés à mettre les locaux commerciaux en état d'utilisation et faisant corps avec eux ou comme identiques aux matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication alimentaire au sens de l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts, compte tenu du caractère restreint de leur capacité, ils n'entrent pas dans la catégorie des agencements et installations de locaux commerciaux au sens des dispositions précitées de l'article 244 quater E précité du code général des impôts. Il ne s'agit pas davantage de matériels utilisés dans le cadre d'une activité productive de nature industrielle.
10. En ce qui concerne les travaux de réalisation de la terrasse du bar-brasserie, ils ont été entrepris sur un espace totalement ouvert qui ne peut être regardé comme constituant un local commercial au sens des dispositions précitées de l'article 244 quater E du code général des impôts.
S'agissant des investissements réalisés au titre du restaurant :
11. Le tribunal a procédé à un supplément d'instruction aux fins de communication par la SARL Pefil du plan des locaux du restaurant, ainsi que des factures détaillées correspondant aux travaux réalisés dans ces locaux au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017. En réponse, la société a communiqué, au titre des dépenses engagées aux droits du restaurant, une facture n° 2017/12/066 du 31 décembre 2017 de la société BTP Perrino d'un montant de 150 122,53 euros HT. Comme l'ont constaté les premiers juges, une partie des travaux figurant sur cette facture, d'un montant de 57 375,23 euros, a été considérée comme éligible au crédit d'impôt au stade de la réclamation préalable. Dès lors, la SARL Pefil doit être regardée comme demandant au juge administratif de prononcer la restitution d'une somme de 27 824 euros afférente au reliquat du crédit d'impôt auquel elle prétend avoir droit sur un montant d'investissements restant en litige de 92 747 euros. La société requérante fournit une facture n° 2017/12/066 du 31 décembre 2017 de la société BTP Perrino, portant comme objet " gros œuvre ", d'un montant de 150 122,53 euros HT, pour le chantier " restaurant ", se décomposant en 13 873,60 HT pour deux sanitaires, 10 697,30 euros HT pour la fourniture et la pose d'un barbecue, 18 786,40 euros HT pour la fourniture et la pose d'un meuble bar avec évier, lave-verres et étagères et 106 765,23 euros HT pour l'électricité, la plomberie et la climatisation du restaurant dont, sur ce dernier poste, 57 375,23 euros, ont été admis au bénéfice du crédit d'impôt.
12. Si la SARL Pefil soutient que le restaurant comprend une surface intérieure hors terrasse de 74,3 m², une cuisine de 37,14 m², un local de stockage de 119,34 m² et une terrasse extérieure de 466,56 m², il ne résulte pas de l'instruction que la salle intérieure dite de restaurant, d'une surface de 57,20 m², hors sanitaires, comme cela ressort du plan de masse de juillet 2017, serait habituellement ouverte à la clientèle, alors que le dossier sécurité joint au dossier de demande de permis de construire présente cet espace comme accueillant des installations pour les préparations chaudes et froides, et que la notice, jointe au dossier de demande du permis de construire, présente le projet comme consistant en la restructuration et l'extension de la cuisine du restaurant " La ferme ". Par suite, comme l'a exactement jugé le tribunal administratif de Bastia, les travaux entrepris dans ce local non habituellement ouvert à la clientèle ne sont pas éligibles au crédit d'impôt.
13. S'agissant des travaux réalisés sur la terrasse extérieure, ils ont été entrepris sur un espace totalement ouvert qui ne peut être regardé comme constituant un local commercial au sens des dispositions précitées de l'article 244 quater E du code général des impôts.
S'agissant de l'ensemble des investissements :
14. Si la société requérante soutient que l'administration a méconnu le principe de sécurité juridique et le principe de confiance légitime en ajoutant à la loi pour asseoir sa décision, le principe de confiance légitime qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. De plus, la SARL Pefil ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe général du droit à la sécurité juridique, dès lors qu'elle se borne à critiquer une disposition législative. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique par l'article 80 duodecies du code général des impôts doivent être écartés.
En ce qui concerne l'application de la doctrine :
15. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
16. La garantie prévue par ces dispositions ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration. Ainsi, comme l'ont exactement jugé les premiers juges, la SARL Pefil ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de diverses doctrines administratives pour contester le refus de l'administration de faire droit à sa demande tendant au bénéfice du crédit d'impôt institué par les dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts.
17. Compte tenu de tout ce qui précède, la société Pefil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête. Par suite, doivent être rejetées ses conclusions formulées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la SARL Pefil sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Pefil et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, où siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 janvier 2023.
N°s21MA03619 et 21MA03620 2
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