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23/11/2022 | FRANCE | N°21MA03540

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 novembre 2022, 21MA03540


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Carbuccia a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 25 mars 2019 par lequel le maire de Pianottoli-Caldarello a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison individuelle avec piscine sur la parcelle cadastrée section C n° 981, au lieu-dit Tighiali et d'enjoindre au maire de ladite commune de lui délivrer le permis sollicité.

Par un jugement n° 1901309 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2021 et le 31 mars 2022,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Carbuccia a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 25 mars 2019 par lequel le maire de Pianottoli-Caldarello a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison individuelle avec piscine sur la parcelle cadastrée section C n° 981, au lieu-dit Tighiali et d'enjoindre au maire de ladite commune de lui délivrer le permis sollicité.

Par un jugement n° 1901309 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2021 et le 31 mars 2022, la SCI Carbuccia, représentée par Me Hachem, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 juin 2021 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2019 du maire de Pianottoli-Caldarello ;

3°) d'enjoindre au maire de Pianottoli-Caldarello de délivrer le permis demandé, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire en lui laissant un délai de cinq jours pour répondre à une mesure d'information sur un moyen susceptible d'être relevé d'office ;

- il a également méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de lui communiquer un précédent jugement du même tribunal portant sur la carte communale de Pianottoli-Caldarello ;

- l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme n'était pas applicable ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de droit, dès lors les critères définis par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) pour les espaces stratégiques agricoles n'étaient pas applicables ;

- le terrain ne constitue pas un espace stratégique agricole ;

- le projet ne méconnaît pas les articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme.

La requête a été communiquée à la commune de Pianottoli-Caldarello, qui n'a pas produit d'observations.

La clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2022 par une ordonnance du 20 janvier 2021.

Un mémoire a été enregistré pour la SCI Carbuccia le 10 juin 2022 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Hachem, pour la SCI Carbuccia.

Une note en délibéré présentée pour la SCI Carbuccia a été enregistrée le 7 novembre 2022.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Carbuccia fait appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2019 par lequel le maire de Pianottoli-Caldarello a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison individuelle avec piscine sur la parcelle cadastrée section C n° 981, au lieu-dit Tighiali.

Sur la régularité du jugement :

2. Par un jugement n° 1901034 du 6 mai 2021 rendu dans un autre litige, le tribunal administratif de Bastia a annulé le refus implicite du maire de Pianottoli-Caldarello de saisir le conseil municipal en vue d'abroger la carte communale adoptée le 5 avril 2008. Par un courrier du 27 mai 2021, le magistrat rapporteur a informé les parties à l'instance en cours de ce que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office. Ce courrier était libellé de la façon suivante : " par le jugement n° 1901034 du 6 mai 2021, le tribunal a déclaré illégale la carte communale de Pianottoli-Caldarello, rendant les prescriptions du [plan d'aménagement et de développement durable de la Corse] opposables au projet litigieux. "

3. D'une part, la mesure d'information décrite au point précédent indique avec précision aux parties les références de la décision de justice dont le tribunal était susceptible de tirer les conséquences. Il résulte de l'article L. 10 du code de justice administrative, qui prévoit au second alinéa que : " les jugements sont mis à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique ", qu'une telle décision fait partie des éléments d'information librement accessibles au public. Il incombait à la société requérante d'en demander la communication si elle entendait prendre connaissance de son contenu. Elle n'établit ni même n'allègue avoir vainement effectué une telle démarche. Pour ces raisons, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'information qui lui a été communiquée sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative aurait été insuffisante.

4. D'autre part, la mesure d'information effectuée par le tribunal accordait aux parties un délai de cinq jours pour présenter leurs observations, ce que la société requérante a fait le 1er juin 2021. Une telle réponse pouvait intervenir, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, jusqu'à l'audience devant le tribunal administratif, soit le 8 juin 2022. Le délai imparti n'est donc pas insuffisant.

5. Il suit de là que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 25 mars 2019 qui mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé, et satisfait donc aux exigences des articles L. 424-3, R. 424-5 et A. 424-4 du code de l'urbanisme. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 25 mars 2019 doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant des espaces stratégiques agricoles :

7. Selon l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le document d'urbanisme immédiatement antérieur.

8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, par un jugement n° 1901034 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé le refus implicite du maire de Pianottoli-Caldarello de saisir le conseil municipal en vue d'abroger la carte communale adoptée le 5 avril 2008. L'autorité absolue de la chose jugée s'attache au dispositif de cette décision et aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire, tirés de ce que la carte communale est illégale au regard, d'une part, des objectifs fixés à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme tel que repris à l'article L. 101-2 du même code, et d'autre part, au regard, s'agissant de 10 zones rendues constructibles, de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme tel que précisé par le PADDUC. Par suite, la déclaration d'illégalité ainsi prononcée produisait des effets immédiats dans le présent litige quand bien même, à la date du jugement attaqué, la carte communale n'avait pas encore été abrogée.

9. Ainsi que l'a retenu le tribunal, le jugement n° 190134 du 6 mai 2021 a déclaré l'illégalité de la carte communale de Pianottoli-Caldarello, ce qui a eu pour effet de remettre en vigueur le document immédiatement antérieur en application de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme. En l'absence d'un tel document antérieur, les dispositions du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) relatives aux espaces stratégiques agricoles sont devenues directement opposables aux tiers en application du deuxième alinéa du II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales.

10. Contrairement à ce que soutient la société requérante, si, par un précédent jugement n° 1600452 du 1er mars 2018, devenu définitif, le tribunal a annulé pour excès de pouvoir la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 de l'assemblée de Corse approuvant le PADDUC en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles, de sorte que le PADDUC ne contient plus de document cartographique permettant de déterminer ou de délimiter ces espaces, les critères d'éligibilité de ces espaces et les prescriptions du PADDUC s'y rapportant demeurent en vigueur.

11. Les critères des espaces stratégiques agricoles, tels que définis par le livret réglementaire du PADDUC, sont soit le caractère cultivable et le potentiel agronomique d'un terrain, soit son caractère cultivable et l'existence d'infrastructures d'irrigation ou d'un projet d'équipement structurant d'irrigation, le caractère cultivable du terrain étant dans les deux cas déterminé par le fait que la pente du terrain considéré est inférieure ou égale à 15 %.

12. Il est constant que la pente du terrain est inférieure à 15 % et que celui-ci revêt, par suite, un caractère cultivable au sens du PADDUC. Toutefois, la société requérante conteste son potentiel agronomique. Il ressort des documents cartographiques produits que la parcelle est classée comme un espace agricole à fort potentiel par la Sodeteg, qui constitue l'une des sources de référence du PADDUC pour l'identification des espaces stratégiques agricoles. Si ladite parcelle a été classée en zone constructible par la carte communale, celle-ci a, ainsi qu'il a été dit précédemment, été déclarée illégale. Par ailleurs, la circonstance, à la supposer avérée, que le terrain n'ait pas été exploité par le passé est sans incidence dès lors que le potentiel agronomique est destiné à apprécier l'opportunité de l'exploiter à l'avenir. Il en va encore de même de la circonstance que la parcelle soit d'une superficie insuffisante pour accueillir une exploitation agricole rentable, l'appréciation du caractère stratégique agricole étant exclusivement analysée au regard, d'une part, de son caractère cultivable et, d'autre part, de son potentiel agronomique ou des moyens d'irrigation. Par suite, ces arguments ne permettent pas de considérer que le maire de Pianottoli-Caldarello aurait inexactement qualifié les faits en retenant que la parcelle d'assiette du projet constituait un espace stratégique agricole au sens du PADDUC.

S'agissant de la méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme :

13. D'une part, l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme prévoit que : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. "

14. Le projet s'inscrit dans un secteur composé de parcelles à l'état naturel et d'habitations individuelles dispersées sur de vastes terrains. Contrairement à ce que soutient la requérante, la construction d'une maison individuelle sur une parcelle à l'état naturel dans un tel secteur constitue une extension de l'urbanisation, qui ne revêt pas un caractère limité. Le projet est situé à moins de 350 mètres de la mer. Les quelques habitations présentes ne forment pas une coupure entre le projet et la mer. Si le terrain d'assiette du projet n'est pas en covisibilité avec la mer au niveau naturel du sol du fait d'une légère déclivité, tel n'est pas le cas pour les constructions susceptibles d'y être édifiées. Dès lors, le projet se trouve dans un espace proche du rivage. Par suite, le tribunal administratif a écarté à bon droit le moyen tiré de l'inexacte application de l'article L. 121-13 de l'urbanisme, tel que précisé par le PADDUC.

15. D'autre part, ainsi qu'il vient d'être dit, le projet se trouve dans un espace proche du rivage. La SCI Carbuccia n'est donc pas fondée à soutenir que le projet aurait pu être autorisé sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, prévoyant la possibilité de déroger sous conditions à l'interdiction d'étendre l'urbanisation dans les secteurs qui ne sont pas en continuité avec une agglomération ou un village existant.

16. Il résulte de ce qui précède que la SCI Carbuccia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

17. La commune de Pianottoli-Caldarello n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société requérante au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Carbuccia est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Carbuccia et à la commune de Pianottoli-Caldarello.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. A... et Mme B..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022.

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No 21MA03540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03540
Date de la décision : 23/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Instruction - Caractère contradictoire de la procédure - Communication des moyens d'ordre public.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : HACHEM

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-23;21ma03540 ?
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