Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2004248 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 décembre 2021, M. B... A..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2021 ;
2°) d'annuler cette décision implicite de rejet ;
3°) de faire injonction au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable ;
- la décision méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable ;
- la commission du titre de séjour devait être consultée, si le refus de titre de séjour se fondait sur l'ordre public ;
- la décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable ;
- la décision méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- la décision méconnaît l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La clôture de l'instruction a été fixée au 30 juin 2022, par une ordonnance en date du 9 juin 2022.
Par décision du 9 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure ;
- les observations de Me Guillaume, substituant Me Bescou, pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc né en 1993, est entré en France, pour la dernière fois, en octobre 2016. Par un arrêté du 28 janvier 2018, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. L'intéressé, qui s'est maintenu sur le territoire français, a déposé le 18 novembre 2019 une demande de titre de séjour, sur le fondement des 4° et 6° de l'article L. 313-11 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par jugement du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le préfet du Rhône sur cette demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision de refus séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dont les 4° et 6° sont désormais codifiés respectivement aux articles L. 423-1 et L. 423-7 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...). ".
3. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) S'il ne dispose pas d'une carte de séjour temporaire ou si celle-ci est périmée, l'étranger reçoit, dès la saisine de la commission, un récépissé valant autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué. ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues aux articles précités et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père de deux enfants français nés en 2017 et 2019 et il n'est pas contesté qu'il vit avec ces derniers, à l'éducation desquels il contribue, ainsi qu'avec sa conjointe de nationalité française. Si, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il s'est rendu coupable en 2017 de violences aggravées et séquestration sur une personne, faits pour lesquels il a été condamné à six mois d'emprisonnement dont deux avec sursis, et si sa présence sur le territoire français est de ce fait susceptible d'être considérée comme une menace pour l'ordre public, M. A... remplissait les conditions prévues aux 4° et 6° de l'article L. 313-11 précités pour se voir délivrer un titre de séjour. Par suite, le préfet était tenu de saisir de son cas la commission du titre de séjour, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa présence constitue une menace à l'ordre public. Faute d'avoir été précédé de cette consultation, le refus de titre de séjour opposé à M. A... est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et est, ainsi, entaché d'illégalité et doit, pour ce motif, être annulé.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Eu égard au motif qui fonde l'annulation prononcée par le présent arrêt, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après avoir pris, conformément à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'avis de la commission du titre de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais exposés dans l'instance :
7. Le bureau d'aide juridictionnelle ayant constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle déposée par M. A..., les conclusions qu'il présente, tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 octobre 2021 du tribunal administratif de Lyon et la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... sont annulés.
Article 2 : Il est fait injonction au préfet du Rhône de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022.
La rapporteure,
C. Vinet
La présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03952