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30/06/2022 | FRANCE | N°21LY01560

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 30 juin 2022, 21LY01560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1904352 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a déchargé M. B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes pour un montant de 111 688 euro

s (article 1er) et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1904352 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a déchargé M. B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes pour un montant de 111 688 euros (article 1er) et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 mars 2021 ;

2°) de remettre à la charge de M. B... les sommes déchargées en première instance au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2013 pour un montant de 111 688 euros.

Il soutient que :

- M. et Mme B... et les autres membres composant leur foyer fiscal sont tous effectivement domiciliés au 573 chemin de Combe Martin à Caluire et Cuire et non à Saint-Martin ; ainsi, l'application des règles habituelles de notification des pièces de procédure à la dernière adresse communiquée à l'administration fiscale par le contribuable doit être écartée ;

- la proposition de rectification au titre de l'année 2012 a été régulièrement envoyée ;

- les rectifications au titre de l'année 2012 sont justifiées ;

- il demande à la cour qu'il soit procédé à une substitution de base légale aux fins d'imposer les sommes à hauteur de 48 000 euros, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en tant que revenus distribués sur le fondement de l'article 109-1 du code général des impôts ;

- les crédits injustifiés figurant sur les comptes bancaires de l'intéressé doivent être imposés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;

- l'application de la majoration de 40 % est justifiée.

Par un mémoire enregistré le 9 mars 2022, M. A... B..., représenté par Me Bravard, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration était dans l'obligation d'adresser la proposition de rectification à la dernière adresse qu'il lui avait officiellement communiquée ;

- les crédits litigieux sont parfaitement justifiés ;

- les pénalités ne sont pas justifiées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure, et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au titre de l'année 2013. A l'issue de ce contrôle, par proposition de rectification du 10 octobre 2016, l'administration lui a notifié des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013, assortis de la majoration pour manquement délibéré. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a déchargé M. B... de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le ministre de l'économie et des finances demande à la cour d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 mars 2021 et de remettre à la charge de M. B... les sommes déchargées en première instance au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2013.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " et aux termes de l'article L. 76 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".

3. S'il appartient en principe à l'administration de procéder à la notification d'une proposition de rectification à l'adresse indiquée par le contribuable aux services fiscaux, elle peut toutefois, lorsqu'elle apporte la preuve de ce que le domicile dont l'adresse lui a été indiquée présente un caractère fictif, retenir une autre adresse, si elle a établi qu'elle est celle où il réside effectivement.

4. Il résulte de l'instruction que, dès le début des opérations de contrôle, M. et Mme B... ont officiellement informé l'administration de ce que les courriers devaient leur être envoyés " Résidence Mississipi - Lot 86 Appt 2 - Oyster Pond Rue du Coralita - 97150 Saint-Martin ", adresse correspondant à l'appartement dont M. B... est propriétaire depuis 2011, via la société civile immobilière B.B. Prenant acte de cette demande, l'administration a envoyé à cette adresse de Saint-Martin, un courrier daté du 22 janvier 2016, demandant aux intéressés de compléter une demande de renseignements patrimoniaux non contraignante. Par lettre recommandée du 8 mars 2016, la vérificatrice leur a envoyé un nouveau courrier à Saint-Martin, en vue de fixer un entretien pour le 4 avril 2016. Le 18 mai 2016, la vérificatrice leur a adressé une convocation pour un deuxième entretien par un courrier adressé à Saint-Martin, et un autre adressé au 8 rue d'Amboise à Lyon 2ème, adresse correspondant au bureau de M. B.... L'administration a également envoyé une convocation à un troisième entretien à ces deux adresses. Enfin, la vérificatrice a notifié la proposition de rectification du 10 octobre 2016 à M. et Mme B... à une autre adresse, au " 573 chemin de Combe Martin - 69300 Caluire-et-Cuire ", correspondant selon elle au domicile réel des intéressés et s'est abstenue de l'envoyer également à l'adresse de Saint-Martin, estimant que la communication de cette dernière adresse relevait de manœuvres destinées à égarer l'administration fiscale.

5. Il ressort des documents produits par le ministre, obtenus dans l'exercice du droit de communication dont dispose l'administration fiscale, et datés de mai 2016, que M. et Mme B... ont indiqué l'adresse de Caluire-et-Cuire comme étant celle de leur domiciliation auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône et de Pôle Emploi. Le ministre produit également une réponse de la mairie de Caluire-et-Cuire datée du 17 juin 2016 indiquant que la fille du requérant, domiciliée au 573 chemin de Combe Martin à Caluire-et-Cuire, est " (actuellement) scolarisée à l'école Edouard Herriot à Caluire-et-Cuire depuis septembre 2009 ", des extraits du site " Infolegale " mentionnant cette même adresse au 1er septembre 2016 pour la SCI ORB dont M. B... assure la gérance depuis le 1er septembre 2016. Il ne ressort d'aucune de ces réponses que ces organismes auraient été informés d'un changement d'adresse des intéressés. Le ministre produit par ailleurs un document de suivi de La Poste dont il ressort que plusieurs courriers de M. B... adressés à l'administration fiscale avec l'en-tête d'une adresse à Saint-Martin étaient postés à partir du bureau de poste de Lyon 2ème. De même, il résulte de l'instruction que les courriers adressés aux intéressés à Saint-Martin, n'ont jamais été retirés par eux en personne. En défense, M. B... se borne à faire valoir que cette adresse correspond bien à un appartement qu'il a acquis et qu'il a souscrit sa déclaration d'impôt à cette adresse. Toutefois, il n'apporte aucun autre élément permettant d'établir qu'il aurait effectivement résidé à cette adresse au cours des années 2015 et 2016 ou qu'il aurait utilisé cette adresse, notamment pour recevoir d'autres correspondances que celles émanant de l'administration fiscale. Ainsi, le ministre rapporte la preuve, d'une part, que M. B... disposait de son adresse réelle à Caluire-et-Cuire et, d'autre part, qu'en communiquant l'adresse de Saint-Martin au cours de la période de contrôle, l'intéressé a procédé à des manœuvres destinées à égarer l'administration fiscale, dans le but notamment d'accréditer l'idée qu'il aurait son domicile fiscal à Saint-Martin et qu'il pouvait bénéficier à ce titre des avantages fiscaux liés à une telle domiciliation. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit adresser à M. B..., à son domicile réel, la proposition de rectification du 10 octobre 2016. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... tant en première instance qu'en appel.

7. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

8. En application de ces dispositions, M. B..., qui n'a pas répondu à des demandes d'éclaircissements sur les importants crédits figurant sur ses comptes bancaires, a été régulièrement imposé d'office sur les sommes demeurées inexpliquées en tant que revenus d'origine indéterminée, dont il lui appartient de démontrer le caractère non imposable, en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales.

9. En premier lieu, M. B... soutient que la somme de 2 500 euros figurant au crédit du compte détenu au Crédit Lyonnais, à la date du 24 septembre 2013, correspond à la vente du mobilier d'un appartement situé Quai de la Pêcherie, à Lyon, à la locataire de ce bien. Toutefois, il ne produit aucun document permettant d'établir que ces biens mobiliers lui auraient personnellement appartenu. Ainsi, l'origine de ce crédit ne peut être tenue pour établie.

10. En deuxième lieu, si M. B... soutient que le crédit de 20 622 euros figurant sur son compte courant d'associé dans la SARL EFB Investissement, à la date du 1er janvier 2013 correspond à une avance de frais qu'il a consentie pour l'acquisition d'un bien, il ne produit aucun document permettant d'établir qu'il serait à l'origine d'une telle avance.

11. En dernier lieu, s'agissant des crédits apparaissant sur le compte courant d'associé de M. B... dans la SARL Etude Foncière Bellecour, les documents produits ne suffisent pas à établir que l'intéressé aurait procédé à un retrait de 2 400 euros sur son compte courant ouvert dans la SCI Amor pour procéder au versement de cette somme, ou qu'il aurait personnellement réglé l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée dus par cette société pour des montants respectifs de 6 370 euros et de 29 554,29 euros.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

13. En invoquant l'importance et l'ampleur des revenus d'origine indéterminée, ainsi que l'importance des minorations des revenus fonciers que le contribuable ne pouvait ignorer, compte tenu de sa position de dirigeant dans les différentes sociétés concernées, l'administration établit la volonté délibérée de M. B... d'éluder une partie de l'impôt dû. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. B... a été assujetti de la majoration pour manquement délibéré.

14. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1904352 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2013, dont le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge par son jugement du 9 mars 2021, sont remises à la charge de M. B....

Article 3 : Les conclusions d'appel de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Le Frapper, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

La rapporteure,

P. DècheL'assesseure la plus ancienne,

M. C...

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique., en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01560

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01560
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-02-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Rectification (ou redressement). - Proposition de rectification (ou notification de redressement).


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : KPMG

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-30;21ly01560 ?
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