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02/03/2023 | FRANCE | N°21DA01211

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 mars 2023, 21DA01211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les Peupliers a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2010 et 30 juin 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, d'autre part, de prononcer la décharge de la cotisation primitive

d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les Peupliers a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2010 et 30 juin 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, d'autre part, de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 2012, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1710936 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a déchargé la SCI Les Peupliers des impositions résultant de la remise en cause de la déduction des résultats imposables de l'exercice clos le 30 juin 2012 des charges correspondant à la facture de 30 387 euros hors taxes émise par la société Flandres Travaux et aux factures de 15 000 euros hors taxes émises par la société GTDR, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, et des pénalités se rapportant à ces impositions, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mai 2021 et le 15 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce la décharge d'une partie des impositions en litige et qu'il met une somme à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre à la charge de la SCI Les Peupliers les impositions dont la décharge a été prononcée par ce jugement.

Il soutient que :

- sa requête, qui a été présentée au nom du ministre et a été signée par un fonctionnaire ayant reçu délégation de signature à cet effet, est recevable ;

- pour décharger partiellement la SCI Les Peupliers, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, le tribunal administratif a retenu à tort que ces impositions avaient été établies à l'issue d'une procédure d'imposition irrégulière et ayant privé cette société de garanties qui y sont attachées, faute pour la SCI Les Peupliers d'avoir été rendue destinataire d'une réponse à ses observations ; il est, en effet, justifié en appel, par les mentions précises, claires et concordantes qui ont été portées sur le pli contenant cette réponse du 6 décembre 2013, que celui-ci a été présenté, le 13 décembre 2013, à l'adresse du siège social de cette société, que cette dernière a alors été régulièrement avisée de la mise à disposition de ce pli par le service de distribution et que ce pli n'a pas été réclamé dans le délai imparti ; l'historique de l'acheminement de ce pli, extrait de l'application de suivi ouverte aux usagers du service de distribution postale, confirme ces éléments ;

- le document comportant la motivation de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, à savoir, en l'espèce, la proposition de rectification qui a été adressée le 19 septembre 2013 à la SCI Les Peupliers, a été signé, dans le respect des articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales, par un fonctionnaire ayant au moins le grade requis par ces dispositions ; la circonstance que la réponse apportée aux observations du contribuable ne comporte pas la signature de ce fonctionnaire, mais seulement celle de l'inspecteur des impôts, est sans incidence à cet égard ;

- compte-tenu des éléments admis par l'administration au stade de la réponse aux observations formulées par la SCI Les Peupliers, le litige en matière d'impôt sur les sociétés ne concerne plus qu'une facture, et non trois, dont les mentions sont trop imprécises pour permettre de déterminer la nature des prestations correspondantes ; l'une des deux autres factures continue cependant de faire l'objet du litige en matière de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'il n'est pas justifié de son paiement par la SCI Les Peupliers ;

- pour les motifs énoncés dans la proposition de rectification adressée le 19 septembre 2013 à la SCI Les Peupliers, l'application, aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée demeurant en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts est fondée, la circonstance qu'aucun préjudice n'aurait été causé au Trésor étant sans incidence à cet égard ;

- pour les motifs développés dans le mémoire produit par l'administration le 28 juin 2018 devant le tribunal administratif, les autres moyens présentés par la SCI Les Peupliers en première instance et sur lesquels il appartiendra à la cour de se prononcer par l'effet dévolutif de l'appel ne sont pas fondés ; en particulier, il est établi, de plus fort par les justifications complémentaires produites en appel, que la SCI Les Peupliers a effectivement été destinataire, par courrier recommandé avec avis de réception, de l'avis de mise en recouvrement établi pour obtenir le paiement des impositions en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2022, la SCI Les Peupliers, représentée par Me Maton, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'en méconnaissance de l'article R. 431-12 du code de justice administrative, elle n'identifie pas le ministre qui la présente ; il n'est pas non plus justifié de ce qu'elle a été signée, au nom de ce ministre, par une autorité valablement habilitée ;

- contrairement à ce que soutient l'appelant, quand bien même la cour ne confirmerait pas, au vu des justifications nouvelles produites en appel, le motif de décharge retenu par les premiers juges, elle devrait constater que d'autres irrégularités entachent la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard, la décision d'appliquer la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts n'ayant, en particulier, pas été prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire, en méconnaissance de l'exigence posée par les articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales ;

- par les moyens développés dans ses écritures de première instance, qui ne sont pas utilement réfutés par l'argumentation présentée dans le mémoire auquel la requête se réfère, les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ne sont pas fondés ; en particulier, l'administration ne pouvait écarter, au motif qu'elles se rapporteraient à des dépenses n'incombant pas au propriétaire, trois factures régulières et ayant fait l'objet d'enregistrements comptables, dont les mentions explicites, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, non rapportée, font référence à des opérations incombant, par nature, au propriétaire d'un immeuble ;

- la seule circonstance que son gérant était aussi le dirigeant d'autres sociétés ayant fait l'objet de contrôles fiscaux ne saurait suffire à l'administration à établir l'intention délibérée, qu'elle lui prête, d'éluder l'impôt, alors d'ailleurs qu'aucun préjudice n'a été causé au Trésor ; l'administration ne justifie pas du bien-fondé de l'application aux droits en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

- le décret du 6 mars 1961 portant délégation de signature ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Les Peupliers, qui a son siège à Steenwerck (Nord), a été créée le 24 février 2002 et a pour activité la location de terrains et d'autres biens immobiliers. Elle a opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée. La SCI Les Peupliers a pour locataires la société à responsabilité limitée (SARL) GTDR ainsi que la SARL Flandres Travaux et M. B... D..., son gérant et associé majoritaire, qui détient 80 % de ses parts sociales et qui occupe un logement de fonction meublé qu'elle met à sa disposition. La SCI Les Peupliers a fait l'objet, au cours de l'année 2013, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012. Au cours de ce contrôle, l'administration a, notamment, estimé qu'il y avait lieu de remettre en cause la déductibilité de dépenses portées, en tant que charges, en déduction des résultats imposables au titre de l'exercice clos le 30 juin 2012, au motif qu'il n'était pas suffisamment justifié, par les seules mentions des factures s'y rapportant, de la réalité des prestations correspondantes ou de l'intérêt de celles-ci pour l'entreprise. L'administration a également remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, au motif qu'il n'était, dans ces conditions, pas établi que les dépenses en cause se rapportaient à des opérations se rattachant à l'activité taxable de la SCI Les Peupliers. Ces rectifications, de même que les autres rectifications envisagées, en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, ont été portées à la connaissance de cette société par une proposition de rectification que l'administration lui a adressée le 19 septembre 2013 et qui lui impartissait un délai de trente jours pour présenter des observations. La SCI Les Peupliers a sollicité, le 16 octobre 2013, c'est-à-dire avant l'expiration de ce délai, un délai supplémentaire de trente jours pour présenter ses observations, lequel délai lui a été accordé le 16 novembre 2013. Elle a formulé, le 19 novembre 2013, ses observations, qui n'ont convaincu que partiellement l'administration. Après avoir estimé que la SCI Les Peupliers devait être réputée avoir été destinataire de la réponse apportée le 6 décembre 2013 à ces observations, l'administration a mis en recouvrement, le 14 février 2014, les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rectifications notifiées, pour les montants respectifs de 51 054 euros et 34 392 euros, en droits et pénalités, l'administration ayant fait application de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.

2. Sa réclamation ayant été rejetée, la SCI Les Peupliers a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2010 et 30 juin 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, d'autre part, de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 2012. Par un jugement du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a déchargé la SCI Les Peupliers des impositions résultant de la remise en cause de la déduction des résultats imposables de l'exercice clos le 30 juin 2012 des charges correspondant à la facture de 30 387 euros hors taxes émise par la société Flandres Travaux et aux factures de 15 000 euros hors taxes émises par la société GTDR, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, et des pénalités se rapportant à ces impositions, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce la décharge d'une partie des impositions en litige et qu'il met une somme à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SCI Les Peupliers :

3. D'une part, il ressort des mentions de la requête et des autres pièces versées à l'instruction que cette requête a été introduite par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui est d'ailleurs le ministre désigné par la formule exécutoire du jugement attaqué. Au demeurant, dans le courrier par lequel le conseil de la SCI Les Peupliers s'est constitué pour représenter cette dernière devant la cour, cet avocat a indiqué lui-même que le dossier en cause se rapportait à un appel interjeté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, ce qui révèle que l'appelant a pu être identifié sans ambiguïté par la partie intimée.

4. D'autre part, le ministre justifie, par la production de l'arrêté du 24 novembre 2020 du directeur général des finances publiques, sous la forme d'un extrait de l'édition du Journal officiel du 6 décembre 2020 qui en a assuré la publication, de ce que M. A... C..., administrateur des finances publiques, était habilité par le directeur général des finances publiques, lui-même titulaire d'une délégation permanente du ministre, qui lui a été conférée par l'article 1er du décret du 6 mars 1961 portant délégation de signature, pour saisir la cour administrative d'appel de Douai, au nom du ministre de l'économie, des finances et de la relance, d'une requête d'appel, en vertu du g) du 2. de l'article 2 de cet arrêté.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la fin de non-recevoir opposée par la SCI Les Peupliers à la requête du ministre manque en fait en ses deux branches et qu'elle doit, par suite, être écartée.

Sur la critique, par le ministre, du motif de décharge retenu par le tribunal administratif :

6. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions sont applicables à la procédure de rectification contradictoire, mise en œuvre en l'espèce, lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, elle doit lui adresser une réponse motivée.

7. Pour prononcer, par le jugement attaqué, la décharge, en droits et pénalités, d'une partie des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés devant lui par la SCI Les Peupliers, le tribunal administratif de Lille a retenu qu'il n'était pas établi par les seuls éléments produits par l'administration que la SCI Les Peupliers ait été rendue régulièrement destinataire d'une réponse aux observations qu'elle avait formulées le 19 novembre 2013 sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 19 septembre 2013 et que, dans ces conditions, la procédure à l'issue de laquelle les impositions ayant fait l'objet des observations formulées par la SCI Les Peupliers ont été établies était entachée d'une irrégularité ayant privé cette société de garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire.

8. Pour critiquer le motif ainsi retenu par les premiers juges, le ministre produit, pour la première fois en appel, la copie de l'enveloppe ayant contenu la réponse adressée par l'administration, le 6 décembre 2013, aux observations formulées le 19 novembre 2013 par la SCI Les Peupliers. Il ressort des mentions claires, précises et concordantes portées sur cette enveloppe par le service chargé de l'acheminement et de la distribution du courrier, que ce pli, envoyé à l'adresse du siège social de la SCI Les Peupliers, y a été présenté et qu'un avis de passage a été laissé au destinataire le 11 décembre 2013 dans le but de l'informer de la mise à disposition du pli, pendant un délai de quinze jours, au bureau de poste désigné. En outre, il ressort également des mentions portées sur l'enveloppe ayant contenu la réponse de l'administration aux observations du contribuable que le pli n'a pas été retiré par son destinataire avant l'expiration du délai de mise à disposition et qu'il a été retourné à l'administration, qui l'a reçu le 30 décembre 2013. Dans ces conditions, la SCI Les Peupliers, qui n'oppose aucune contestation aux éléments produits par le ministre au soutien de sa requête, doit être réputée avoir été rendue destinataire de la réponse de l'administration à ses observations. Il suit de là que, par les éléments qu'il produit en cause d'appel, le ministre est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Lille a retenu à tort que les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ayant fait l'objet des observations formulées par la SCI Les Peupliers avaient été établis à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de preuve de la réception, par cette société, d'une réponse de l'administration à ses observations.

9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés, tant devant le tribunal administratif de Lille que devant elle, par la SCI Les Peupliers au soutien de ses conclusions dirigées contre les impositions dont la décharge a été prononcée par ce tribunal.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

10. En vertu du 1. de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges. Par ailleurs, en vertu du 1. du II de l'article 271 de ce code, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations taxables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe sur la valeur ajoutée dont les redevables peuvent opérer la déduction est notamment, selon le a) de ce 1, celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 du même code, et à condition que la taxe puisse légalement figurer sur ces factures. Il incombe au contribuable d'établir le bien-fondé des déductions opérées par lui sur ses résultats imposables, ainsi que des déductions de taxe sur la valeur ajoutée portées sur ses déclarations de chiffre d'affaires.

11. Pour remettre en cause la déduction, en tant que charges, de dépenses portées en comptabilité au titre des exercices clos en 2011 et en 2012, pour les montants hors taxes respectifs de 30 387 euros et de 30 000 euros, ainsi que la déduction, au titre des périodes correspondantes, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant majoré ces montants, le service vérificateur a estimé, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 19 septembre 2013 à la SCI Les Peupliers, que les mentions des trois factures, émanant, pour la première, de la SARL Flandres Travaux, et pour les deux autres, de la SARL GTDR, produites pour justifier ces écritures comptables, n'étaient pas suffisantes à établir, d'une part, que ces dépenses se rapportaient bien à des travaux incombant à la SCI Les Peupliers en tant que propriétaire des immeubles concernés et, par suite, qu'elles avaient été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, et, d'autre part, que la taxe sur la valeur ajoutée portée sur ces factures se rapportait à des dépenses exposées pour les besoins de ses opérations taxables.

12. L'administration a abandonné, au stade de la réponse aux observations de la SCI Les Peupliers, les rectifications afférentes à la déduction, du bénéfice imposable déclaré par cette société au titre de l'exercice clos en 2012, des deux factures émises, pour un montant de 15 000 euros chacune, par la SARL GTDR, dès lors que cette société avait pu établir que les factures en cause se rapportaient à des travaux de réfection de chemins, d'un parc de stationnement et de caniveaux incombant, par nature, au propriétaire du fonds concerné. En revanche, le rehaussement correspondant à la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'une de ces factures de prestations de service a été maintenu, dès lors que la SCI Les Peupliers n'avait pas justifié avoir payé cette facture. Enfin, l'administration a maintenu la rectification relative à la remise en cause de la déduction, en tant que charge, de la dépense mentionnée sur la facture émise, au cours de l'exercice clos en 2011, par la SARL Flandres Travaux, pour un montant de 30 387 euros, ainsi que la rectification relative à la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé cette facture, au motif que les mentions de cette dernière, qui se rapportent à la réalisation de prestations de " réparation et entretien divers ", ne permettent pas d'identifier la nature exacte des opérations auxquelles elles se rapportent, ni d'établir que celles-ci incombent à la SCI Les Peupliers en tant que propriétaire du fonds concerné et non au locataire.

13. La SCI Les Peupliers, qui supporte la charge de la preuve du bien-fondé des déductions qu'elle a opérées sur son résultat imposable de l'exercice clos le 30 juin 2011, ainsi que des déductions de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a portées sur les déclarations de chiffre d'affaires afférentes à la période correspondante et à celle allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012, soutient que la dépense mentionnée sur la facture établie par la SARL Flandres Travaux constituait une charge déductible et que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant, de même que celle de la taxe ayant grevé l'une des factures établies par la SARL GTDR, a été remise en cause à tort. Si elle affirme que la facture établie par la SARL Flandres Travaux se rapporte à des opérations excédant celles énumérées à l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, à savoir l'entretien courant des fonds donnés en location et des équipements qui y sont attachés, ou correspondant à des menues réparations, de sorte que cette facture concernerait des travaux incombant, par nature, au propriétaire, elle n'apporte aucune précision, ni aucune justification au soutien de cette allégation. Par ailleurs, la SCI Les Peupliers n'établit pas davantage que la dépense en cause aurait été exposée pour les besoins de ses opérations taxables et ne justifie pas du paiement de chacune des deux factures établies par la SARL GTDR. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction, en tant que charge de l'exercice clos le 30 juin 2012, de la facture émise par la SARL Flandres Travaux, pour un montant hors taxes de 30 387 euros, et qu'elle a, par ailleurs, remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé cette facture et l'une de celles établies par la SARL GTDR, pour un montant de 15 000 euros.

En ce qui concerne les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

15. Pour justifier du bien-fondé de l'application aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, le ministre fait valoir, en se référant aux termes de la proposition de rectification adressée le 19 septembre 2013 à la SCI Les Peupliers, ainsi qu'au mémoire produit le 28 juin 2018 par l'administration devant les premiers juges, que le gérant de cette société, qui est aussi le dirigeant de la SARL GTDR, dont il est l'associé unique, et qui a aussi été, jusqu'au terme de l'exercice clos en 2010, le gérant de la SARL Flandres Travaux, dont il est resté l'associé majoritaire, ne pouvait ignorer, dès lors que ces deux dernières sociétés avaient elles-mêmes fait l'objet de contrôles fiscaux ayant donné lieu à la notification de rectifications de même nature, afférentes à la remise en cause de dépenses en tant que charges et de la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant, que les déductions opérées par la SCI Les Peupliers n'étaient pas conformes aux dispositions du code général des impôts. Par ces seuls éléments, qui se limitent, dans un contexte dans lequel une part significative des rectifications initialement notifiées a été abandonnée, à imputer à la SCI Les Peupliers des manquements reprochés, en réalité, à son gérant, sans invoquer l'importance des rehaussements maintenus, ni alléguer que ceux-ci procéderaient de manquements répétés imputables à la société, le ministre ne peut toutefois être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt que l'administration a prêtée à la SCI Les Peupliers, ni comme justifiant du bien-fondé de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen dirigé contre cette majoration, que la SCI Les Peupliers est fondée à en demander la décharge.

En ce qui concerne la notification de l'avis de mise en recouvrement :

16. Par les pièces qu'il produit en appel, le ministre établit que l'avis de mise en recouvrement émis le 14 février 2014 pour obtenir le paiement des suppléments d'impôt et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, et rendu exécutoire le 21 février 2014, a été envoyé à la SCI Les Peupliers, à son siège social. Selon les mentions claires, précises et concordantes portées sur l'enveloppe, le pli correspondant a été présenté à l'adresse du siège social de cette société et un avis de passage y a été déposé le 26 février 2015 dans le but d'informer la SCI Les Peupliers de la mise à disposition, pendant un délai de quinze jours, du pli au bureau de poste désigné. Il ressort également des mentions portées sur l'enveloppe que le pli n'a pas été retiré par son destinataire avant l'expiration du délai de mise à disposition et qu'il a été retourné à l'administration le 14 mars 2013. Dans ces conditions, la SCI Les Peupliers, qui n'oppose aucune contestation aux éléments produits par le ministre, doit être réputée avoir été rendue destinataire de cet avis de mise en recouvrement. Il suit de là que le moyen tiré par la SCI Les Peupliers de ce qu'elle n'a pas reçu d'avis de mise en recouvrement concernant les impositions en litige doit être écarté comme manquant en fait.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et intérêts de retard, des impositions résultant de la remise en cause de la déduction des résultats imposables de l'exercice clos le 30 juin 2012 des charges correspondant à la facture de 30 387 euros hors taxes émise par la société Flandres Travaux et aux factures de 15 000 euros hors taxes émises par la société GTDR, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, et qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre est, en outre, fondé à demander que les impositions dont la décharge a été prononcée par ce jugement soient remises, en droits et intérêts de retard, à la charge de la SCI Les Peupliers, à l'exception des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause de la déductibilité, en tant que charges, des deux factures de 15 000 euros hors taxes émises par la société GTDR et de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'une de ces factures, ces impositions n'étant plus en litige, ainsi qu'il a été dit au point 12. Par ailleurs, le ministre n'est pas fondé à se plaindre de la décharge, par ce même jugement, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont les impositions en litige ont été assorties. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais non compris dans les dépens exposés, en cause d'appel, par la SCI Les Peupliers.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1710936 du 1er avril 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé, d'une part, en tant qu'il prononce, en droits et intérêts de retard, la décharge des impositions résultant de la remise en cause de la déduction des résultats imposables de l'exercice clos le 30 juin 2012 des charges correspondant à la facture de 30 387 euros hors taxes émise par la société Flandres Travaux et aux factures de 15 000 euros hors taxes émises par la société GTDR, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante et, d'autre part, en tant qu'il met à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été prononcée par ce jugement sont, dans la mesure de ce qui a été dit au point 17 du présent arrêt, remis, en droits et intérêts de retard, à la charge de la SCI Les Peupliers.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre et des conclusions présentées par la SCI Les Peupliers est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SCI Les Peupliers.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°21DA01211

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01211
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MATON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-02;21da01211 ?
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