Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 9 juin 2017 par laquelle le directeur de la Maison de retraite Larmeroux à Vanves (92170) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle déclare avoir été victime le 2 avril 2015, et, d'autre part, d'enjoindre au directeur de la Maison de retraite Larmeroux de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle déclare avoir été victime le 2 avril 2015, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1709250 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 juin 2017, a annulé la décision du 9 octobre 2017 de la Maison de retraite Larmeroux et enjoint au directeur de cet établissement de prendre, dans un délai de deux mois, une décision portant reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 avril 2015.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020, l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Larmeroux, représenté par Me Lacroix, avocate, demande à la cour :
1°) d'infirmer ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... B... ;
3°) de condamner Mme A... B... à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, de désigner un expert chargé notamment de se prononcer sur le lien de causalité entre l'entretien du 2 avril 2015 et l'état de santé de Mme A... B..., ainsi que de proposer une date de consolidation ;
5°) d'infirmer le jugement ;
6°) de rejeter la demande de Mme A... B... ;
7°) de condamner Mme A... B... à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la première demande de Mme A... B... était irrecevable au regard des articles
R. 411-1 et R. 421-1 du code de justice administrative, en l'absence de moyens et de conclusions dirigées contre une décision, et elle a été régularisée au-delà de l'expiration du délai de recours ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- aucun fait accidentel, en l'absence d'un fait précis et avéré caractérisé par une violence et une soudaineté, que ne constitue pas l'entretien du 2 avril 2015, n'est imputable au service ;
- il n'existe pas de lien direct et certain entre, d'une part, l'état de santé de l'agent et, d'autre part, ses conditions de travail antérieures à la date du 2 avril 2015 et l'entretien du même jour ;
- l'état de santé de l'agent trouvant son origine dans des phénomènes à action lente et répétée, une expertise médicale est utile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, Mme A... B..., représentée par Me Beaulac, avocat, conclut au rejet de la requête.
Elle s'en rapporte à ses écritures de première instance et aux pièces qu'elle a produites.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- les observations de Me Neven pour l'EHPAD Larmeroux et celle de Me Riachy pour Mme A... B....
Une note en délibéré présentée pour Mme A... B... a été enregistrée le 17 février 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... A... B... a été recrutée par la Maison de retraite Larmeroux le 12 mars 1990 et nommée agent des services hospitaliers le 1er février 1991, titularisée le 1er février suivant, puis ouvrière professionnelle affectée au service lingerie buanderie à compter du 1er octobre 1996. Après avoir bénéficié d'un congé parental du 18 octobre 2001 au 5 décembre 2006 et été placée à sa demande en position de disponibilité du 6 décembre 2006 au 5 décembre 2012, Mme A... B... a été réintégrée au sein du service hébergement de l'établissement à compter du 6 décembre 2012. Mme A... B... a ensuite été placée en arrêt maladie à partir du 2 avril 2015 jusqu'en décembre 2016, puis, du 3 avril 2016 au 30 novembre 2016, en disponibilité d'office après épuisement de ses droits à congés de maladie. Le 19 mai 2016, elle a fait parvenir à la Maison de retraite Larmeroux une déclaration d'accident de travail en raison d'une " atteinte psychologique " causée par un entretien qui s'est tenu le 2 avril 2015 avec le directeur de cet établissement. Le 23 mai 2017, la commission de réforme des Hauts-de-Seine a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 avril 2015. Toutefois, par une décision du 9 juin 2017, le directeur de la Maison de retraite Larmeroux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Le 10 juillet 2017, Mme A... B... a formé un recours gracieux à l'encontre de la décision du 9 juin précédent. Par une décision du 6 octobre 2017, le directeur de la Maison de retraite Larmeroux a retiré sa décision du 9 juin 2017 et a, de nouveau, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 avril 2015. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Larmeroux fait appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 juin 2017, a annulé la décision du 9 octobre 2017 et enjoint au directeur de l'EHPAD Larmeroux de prendre, dans un délai de deux mois, une décision portant reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 avril 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". L'article R. 421-1 du même code, dans sa version applicable, dispose : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... a, dans le délai de recours, introduit une requête tendant à la contestation de la décision du 9 juin 2017, en invoquant ses conditions de travail et les souffrances endurées jusqu'au 2 avril 2015. A l'appui de sa demande, l'intéressée a produit différentes pièces ainsi que, le 6 novembre 2017, la décision du 6 octobre 2017 qui a retiré la décision du 9 juin précédent et refusé de reconnaître l'imputabilité au service des faits survenus le 2 avril 2015. Dans ces conditions, nonobstant le fait que le premier mémoire déposé au nom de Mme A... B... par l'intermédiaire d'un avocat, formalisant les moyens et conclusions évoqués dans la demande initiale, n'a été produit que le 29 janvier 2020, en admettant la recevabilité de la demande initiale qu'ils ont regardée dirigée contre la décision du 6 octobre 2017 et en considérant que la demande n'était dépourvue ni de conclusions, ni de moyens, les premiers juges n'ont pas entaché d'irrégularité leur jugement.
4. En second lieu, l'EHPAD Larmeroux soutient que le tribunal administratif a commis des erreurs de droit et des erreurs manifestes d'appréciation. Toutefois, ces moyens, qui ont trait au bien-fondé de l'appréciation portée par les premiers juges, sont sans incidence sur la régularité du jugement. Ils doivent, dès lors, être écartés.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
5. Aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 susvisée, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".
6. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
7. D'une part, il est constant qu'un entretien s'est tenu le 2 avril 2015 entre Mme A... B..., la directrice de l'établissement et l'infirmière coordinatrice, supérieure hiérarchique directe de Mme A... B..., à la suite d'un refus opposé à la demande de congés déposée par l'agent le 1er avril précédent, pour la journée du 3 avril suivant. Pour rendre compte du déroulement normal de cet entretien, l'EHPAD Larmeroux produit une attestation rédigée par la directrice de l'établissement seulement le 19 février 2020, dont il ressort que l'entretien n'aurait pas duré plus d'une minute, l'agent y mettant fin de manière brutale. L'autre rapport produit pour confirmer ces dires, s'il est daté du 3 avril 2015, n'est pas signé. Il ressort de cette dernière pièce plusieurs désaccords entre l'infirmière coordinatrice et l'agent concernant la gestion du planning de Mme A... B.... Par ailleurs, l'ensemble des documents médicaux produits, dont les certificats du docteur D... du 18 avril 2017 et du docteur E... en date des 30 octobre 2015 et 21 septembre 2016 et, surtout, le certificat médical établi par le médecin du travail dès le 2 avril 2015, attestent d'un suivi médical régulier pour un stress post-traumatique depuis le 2 avril 2015. Le rapport d'expertise psychiatrique établi le 27 janvier 2016 à la demande de la commission de réforme confirme ce constat et émet un avis favorable à l'imputabilité au service de l'incident survenu le 2 avril. La commission de réforme des Hauts-de-Seine, utilement saisie après plusieurs relances de l'agent, a, le 23 mai 2017, également émis un avis favorable à l'imputation au service de l'accident du 2 avril 2015. Dès lors, le rendez-vous du 2 avril 2015 constitue un événement en lien avec le service.
8. D'autre part, pour contester le caractère soudain et violent de cet événement, l'EHPAD Larmeroux fait valoir qu'il s'agissait d'un entretien s'inscrivant dans des relations de travail normales. Il résulte toutefois des pièces du dossier que ce rendez-vous s'est inscrit dans des conditions dégradées d'organisation du service et de travail, telles qu'en attestent plusieurs collègues de Mme A... B..., de désaccords sur les plannings de travail de cet agent et d'un report à plusieurs reprises de l'engagement de l'EHPAD Larmeroux à changer de service son agent selon le souhait de cette dernière. Dans ce contexte, l'entrevue en présence de deux représentants hiérarchiques de Mme A... B..., dont il n'est pas établi qu'il serait intervenu à la demande de l'agent, au sujet du seul refus d'une journée de congés, ne constituait pas pour Mme A... B... un événement normal et habituel mais a représenté un moment de forte tension, s'ajoutant à des désaccords récurrents sur l'organisation des plannings de travail et le service d'affectation de cet agent, ainsi que cette dernière l'a d'ailleurs clairement explicité. Dans ces conditions, l'entretien du 2 avril 2015, événement soudain et violent pour l'agent, constitue un accident en lien avec le service.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de désigner un expert pour établir l'origine de l'état de santé de Mme A... B... à la suite de l'entretien du 2 avril 2015, que l'EHPAD Larmeroux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision du 9 octobre 2017 et enjoint à son directeur de prendre, dans un délai de deux mois, une décision portant reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 avril 2015. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par l'EHPAD Larmeroux est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Larmeroux et à Mme F....
Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.
La rapporteure
M-G. C...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 20VE03066 2