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12/04/2022 | FRANCE | N°20VE02282

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 avril 2022, 20VE02282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pro'Confort France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

Par des décisions du 9 et 10 mai 2019, postérieures à l'introduction de cette demande, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des retenues à la source mises à la charge de la société Pro'Confort France autres que celles résultant du refus de

déduction des redevances de marque versées à la société de droit chypriote Hastera Inves...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pro'Confort France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

Par des décisions du 9 et 10 mai 2019, postérieures à l'introduction de cette demande, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des retenues à la source mises à la charge de la société Pro'Confort France autres que celles résultant du refus de déduction des redevances de marque versées à la société de droit chypriote Hastera Investments au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1811089 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Pro'Confort France.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, la société Pro'Confort France, représentée par Me Genuyt, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler l'article 2 du jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'a pas démontré l'existence d'un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts ;

- les charges constituées par les redevances de marque présentent un caractère normal et non exagéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au prononcé d'un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge des pénalités mises à la charge de la société Pro'Confort France et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions de la société Pro'Confort France tendant à la décharge des pénalités mises à sa charge sont sans objet dès lors que ces pénalités ont déjà fait l'objet d'un dégrèvement par deux décisions des 9 et 10 mai 2019 ;

- les moyens soulevés par la société Pro'Confort France ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 20 janvier 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham, première conseillère,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Genuyt, pour la société Pro'Confort France.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pro'Confort France, qui exerce une activité de commercialisation de produits de bien-être, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour ses exercices clos en 2011, 2012 et 2013 à l'issue de laquelle l'administration a rejeté la déduction, d'une part, de charges de prospection commerciale et d'études de marché facturées par la société de droit belge MFR International et, d'autre part, de redevances de marque facturées par la société de droit chypriote Hastera Investments. Les sommes correspondantes ayant été considérées comme distribuées à des non-résidents, elles se sont vu appliquer la retenue à la source prévue à l'article 119 bis 2 du code général des impôts. L'administration a assorti l'assujettissement à ces retenues à la source de la pénalité prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. La société Pro'Confort France a demandé au tribunal la décharge, en droits et pénalités, de ces retenues à la source. Par des décisions du 9 et du 10 mai 2019, postérieures à l'introduction de ce recours, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de l'ensemble des pénalités ainsi que des retenues à la source mises à la charge de la société Pro'Confort France autres que celles résultant du refus de déduction des redevances de marque versées à la société de droit chypriote Hastera Investments au titre des exercices clos en 2012 et 2013. Par un jugement n° 1811089 du 6 juillet 2020, dont la société relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Pro'Confort France.

Sur les conclusions en décharge :

En ce qui concerne les retenues à la source :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 238 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. (...) ".

4. Pour l'application des deux premiers alinéas de l'article 238 A du code général des impôts, la charge de la preuve de ce que le bénéficiaire des rémunérations en cause est soumis à un régime fiscal privilégié incombe à l'administration. Il lui appartient à cet égard d'apporter tous éléments circonstanciés non seulement sur le taux d'imposition, mais sur l'ensemble des modalités selon lesquelles des activités du type de celles qu'exerce ce bénéficiaire sont imposées dans le pays où il est domicilié ou établi. Le contribuable peut, de son côté, faire valoir, en réponse à l'administration, tous éléments propres à la situation du bénéficiaire en cause. Dans le cas où l'administration doit être regardée, au vu de l'ensemble des éléments ainsi produits par les parties, comme ayant établi que le bénéficiaire n'est pas imposable ou est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, il appartient au contribuable d'apporter la preuve que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. L'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qu'une société est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts alors qu'elle se prévaut de la seule absence, au cours des exercices litigieux, d'un impôt sur les sociétés dans l'Etat en cause, sans prendre en compte les autres impositions directes sur les bénéfices et les revenus prévues, le cas échéant, par la législation de cet Etat

5. En l'espèce, pour démontrer qu'il existe à Chypre un régime fiscal privilégié, l'administration fiscale a fait valoir que les sociétés enregistrées à Chypre dont le capital est détenu par des non-résidents et dont la source de revenu est située hors de Chypre, comme en l'espèce, sont soit soumises à un taux d'impôt sur les sociétés de 10 % (12,5 % à compter de l'exercice 2013) si elles sont contrôlées ou dirigées depuis Chypre, soit exonérées d'impôt sur les sociétés lorsqu'elles ne sont ni contrôlées, ni dirigées depuis Chypre, alors que le taux de l'impôt français sur les sociétés est fixé à 33,1/3 % par les dispositions de l'article 219 du code général des impôts. Elle indique également que la société Hastera Investments n'a pas payé d'impôt à Chypre au titre des exercices clos en 2012 et 2013 en l'absence de déclaration fiscale de sa part. Ce faisant, elle n'apporte pas d'éléments circonstanciés sur l'ensemble des modalités d'imposition auxquelles pourrait être soumise une activité du type de celle exercée par la société Hastera Investments. Par suite, l'administration ne peut être considérée comme démontrant que la société Hastera Investments était soumise à un régime fiscal privilégié.

6. En second lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) 1° Les frais généraux de toute nature (...) Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu (...) ". Selon les dispositions de l'article 109 de ce code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". Enfin, aux termes du 2 de l'article 119 bis de ce même code : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que le nom commercial Pro'Confort France était utilisé par la société depuis sa création, en 1993, et qu'en 2011, cette marque a fait l'objet d'un dépôt à l'Institut national de la protection intellectuelle par son dirigeant pour le compte de la société de droit chypriote Hastera Investments. Alors même qu'il n'est pas démontré que l'appropriation de cette marque aurait entraîné une hausse du chiffre d'affaires des produits marqués, le paiement de redevances à hauteur de 3 % du chiffre d'affaires doit être regardé comme justifié par la nécessité de sécuriser l'utilisation d'une marque connue de ses clients et dont la société avait l'exclusivité des produits. Il s'ensuit que le paiement des redevances litigieuses était exposé dans l'intérêt de l'exploitation de la société Pro'Confort France, même si la société Hastera Investments, détenue par l'actionnaire principal de la société Pro'Confort France, et dépourvue de moyens humains et matériels, ne lui apportait aucune assistance matérielle et technique, l'administration ne s'étant au demeurant pas fondée sur l'absence de nécessité de localiser à Chypre la société détentrice du nom commercial Pro'Confort France.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pro'Confort France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

En ce qui concerne les pénalités :

9. Par décisions du 9 et 10 mai 2019, antérieures à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des pénalités mises à la charge de la société Pro'Confort France. Par suite, les conclusions de la requête tendant à la décharge de ces pénalités doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1811089 du 6 juillet 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La société Pro'Confort France est déchargée des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie en raison du refus de déduction des redevances de marque versées à la société de droit chypriote Hastera Investments au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Article 3 : L'État versera à la société Pro'Confort France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Pro'Confort France est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pro'Confort France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2022.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE02282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02282
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-12;20ve02282 ?
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