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17/12/2021 | FRANCE | N°20VE01204

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 20VE01204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Val'Horizon a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions implicites par lesquelles le président du conseil départemental du Val d'Oise et le maire de la commune de Montlignon ont rejeté ses demandes tendant à l'abrogation de l'arrêté n° 2009P158 des 24 et 30 juillet 2009, d'enjoindre au maire de la commune de Montlignon et au président du département du Val d'Oise d'abroger l'arrêté n° 2009P158 dans un délai de quinze jours à compter de la notification

du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de mettre solida...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Val'Horizon a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions implicites par lesquelles le président du conseil départemental du Val d'Oise et le maire de la commune de Montlignon ont rejeté ses demandes tendant à l'abrogation de l'arrêté n° 2009P158 des 24 et 30 juillet 2009, d'enjoindre au maire de la commune de Montlignon et au président du département du Val d'Oise d'abroger l'arrêté n° 2009P158 dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de mettre solidairement à la charge du département du Val d'Oise et de la commune de Montlignon la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1704623 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 27 avril 2020 et 9 septembre 2021, la société Val'Horizon, représentée par Me Le Port, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions implicites de rejet ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Montlignon et au président du conseil départemental du Val d'Oise d'abroger l'arrêté n° 2009P158 des 24 et 30 juillet 2009, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à défaut, de modifier cet arrêté afin d'autoriser l'accès au site de Montlignon pour les véhicules devant s'y rendre, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Montlignon et du conseil départemental du Val d'Oise la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le caractère contradictoire de la procédure, prévu à l'article L. 5 du code de justice administrative, n'a pas été respecté ;

- il est entaché d'erreurs de droit, d'erreurs de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté en cause aurait dû être signé par les maires des communes avoisinantes ;

- il méconnaît l'article L. 541-1 du code de l'environnement ;

- il viole le principe de proportionnalité ;

- il porte atteinte de manière injustifiée à la liberté du commerce et de l'industrie, ainsi qu'à la liberté de circulation.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Le Port pour la société Val'Horizon et de Me Goul, substituant Me Di Francesco, pour le département du Val d'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté conjoint n° 2019P158 signé les 24 et 30 juillet 2009, le président du conseil général du Val d'Oise et le maire de la commune de Montlignon ont interdit la circulation des poids lourds de plus de cinq tonnes transportant des marchandises sur une portion de la route départementale 909, située entre la route départementale 44 et la route départementale 144, afin de " sécuriser la traversée de la commune de Montlignon ". Par deux courriers du 8 février 2017 adressés au maire de Montlignon et au président du conseil départemental du Val d'Oise, la société Val'Horizon, exploitante d'un centre de traitement et de transfert de déchets situé sur la route départementale 909, a demandé l'abrogation de cet arrêté. Ces demandes ont fait l'objet de décisions implicites de rejet. La société Val'Horizon relève appel du jugement du 27 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ".

3. La société Val'Horizon soutient que le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le caractère contradictoire de la procédure, prévu à l'article L. 5 du code de justice administrative, n'aurait pas été respecté, les premiers juges s'étant fondés au point 5 de leur décision sur des pièces qui ne lui auraient pas été communiquées. Toutefois, pour considérer que la route départementale 909 est caractérisée par une faible largeur de chaussée en agglomération incluant l'existence de stationnement en écluse, les premiers juges se sont fondés sur les écritures du département du Val d'Oise, régulièrement communiquées à la société requérante, qui ne les a pas sérieusement contestées dans son mémoire en réplique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction doit être écarté.

4. En second lieu, si la société Val'Horizon soutient que le tribunal a commis des erreurs de droit, des erreurs de fait et une erreur manifeste d'appréciation, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, ne sont pas de nature à affecter la régularité de ce jugement.

Au fond :

5. En premier lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. (...) ". L'article L. 3221-4 du même code dispose que : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'Etat dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le département prévu à l'article L. 3221-5 ". D'autre part, la police de la circulation sur une voie dont l'axe délimite les territoires de deux communes doit être exercée en commun par les maires de ces communes, la réglementation devant être édictée sous forme soit d'arrêtés concordants signés par chacun d'eux, soit d'un arrêté unique signé par les deux maires.

6. La société requérante soutient que l'arrêté 2019P158 des 24 et 30 juillet 2009 aurait dû être également signé par les maires des communes de Saint-Prix, Saint-Leu, Eaubonne, Montmorency, Andilly, Domont et Bouffémont, dès lors que son exécution a des conséquences pour ces communes en terme de circulation. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'axe de la route départementale 909 délimiterait le territoire des communes en question avec celui de la commune de Montlignon. Par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

7. En deuxième lieu, la société requérante soutient que l'arrêté dont s'agit, en allongeant nécessairement le temps de parcours des camions chargés de la collecte des déchets, méconnaît l'article L. 541-1 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable, aux termes duquel " I. - Les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : (...) 2° D'organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume ; (...) ". Toutefois, l'arrêté 2019P158 des 24 et 30 juillet 2009, qui a pour objet de sécuriser la traversée de la commune de Montlignon, pouvait être pris en application des seules dispositions précitées de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, indépendamment des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, invoquées par la société requérante et relatives à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance desdites dispositions doit être écarté.

8. En troisième lieu, la société requérante soutient que l'arrêté dont s'agit viole le principe de proportionnalité des mesures de police. Il a fait à cet égard valoir qu'il édicte une interdiction générale et absolue qui n'est en tout état de cause pas justifiée, dès lors qu'aucun élément ne permet de caractériser un risque avéré pour la sécurité publique lié à la circulation de poids lourds sur la route départementale 909. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté, qui a pour objet ainsi qu'il a été dit de sécuriser la traversée de la commune de Montlignon, vise uniquement la circulation des poids lourds de plus de cinq tonnes sur une portion de la route départementale 909. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que cette mesure est justifiée par la circonstance que la portion de la voie concernée, fréquemment bordée d'habitations, se caractérise à plusieurs endroits par une faible largeur et la présence d'un stationnement en écluse entraînant un rétrécissement de la chaussée et imposant pour cette raison une circulation alternée, la société requérante mentionnant à cet égard dans ses écritures que les camions de collecte utilisés en l'espèce ont pour la plupart un poids de vingt-six tonnes. Si la société Val'Horizon conteste les caractéristiques susmentionnées en versant au dossier un " reportage photographique ", celles-ci ressortent au contraire des photographies ainsi produites. Il résulte de ces caractéristiques que des mesures moins contraignantes que celle prévue par l'arrêté litigieux n'auraient pas permis d'atteindre le but poursuivi. Dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que cet arrêté n'opère pas de distinction entre les différents types de véhicules poids-lourds de plus de cinq tonnes et ne prévoit aucune possibilité de dérogation permettant d'en atténuer les effets, ledit arrêté ne peut être regardé comme édictant une interdiction générale et absolue et comme étant dépourvu de caractère nécessaire.

9. Enfin, si la société Val'Horizon soutient que l'arrêté en cause porte atteinte à la liberté de circulation, dès lors que l'utilisation de la route départementale 909 constitue la seule voie permettant l'accès des camions chargés de la collecte des déchets à son centre de tri, elle ne l'établit pas par la seule production de plans de situation. En outre, si la requérante invoque une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, celle-ci n'est établie par aucune des pièces versées au dossier.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Val'Horizon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montlignon et du département du Val d'Oise, qui ne sont pas les parties perdantes, la somme demandée par la société Val'Horizon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Val'Horizon la somme de 1 500 euros, à verser au département du Val d'Oise.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Val'Horizon est rejetée.

Article 2 : La société Val'Horizon versera la somme de 1 500 euros au département du Val d'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 20VE01204 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01204
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELARLU AWEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-17;20ve01204 ?
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