Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 21 359,91 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis à raison de l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016 lui ayant infligé une exclusion temporaire de fonctions pour six mois et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1805303 du 23 janvier 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 27 février 2020 et 5 mai 2021, M. B..., représenté par Me Perrault, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser l'indemnité réclamée de 21 359,91 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'illégalité fautive de la sanction prononcée à son encontre, par l'arrêté du 22 juillet 2016 qui a été annulé par un jugement devenu définitif, engage la responsabilité de l'Etat ;
- cette illégalité fautive doit être regardée, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, comme lui ayant directement causé les préjudices moral et financier dont il demande réparation, dès lors que, si l'administration pouvait, à raison de la faute disciplinaire qu'il a commise, lui infliger une autre sanction non disproportionnée, telle qu'un blâme, celle-ci n'aurait eu aucun effet sur sa rémunération ; en outre, nonobstant la suspension de la sanction prononcée le 14 octobre 2016 par le juge des référés, l'administration a maintenu la suspension de son traitement pour le mois d'octobre 2016 et a ainsi commis une illégalité ;
- cette illégalité fautive lui a donc directement causé, d'une part, des préjudices financiers pour un montant total de 11 356,91 euros, correspondant à la perte de rémunération au titre des mois d'août, septembre et octobre 2016, au coût des deux crédits qu'il a dû alors souscrire pour faire face à cette perte de revenus et aux frais qu'il a dû exposer pour assurer sa défense devant le conseil de discipline, et, d'autre part, un préjudice moral, évalué à 10 000 euros, cette sanction l'ayant discrédité aux yeux de ses collègues et les difficultés financières qu'elle a occasionnées ayant généré une situation de stress important.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutain,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure public,
- et les observations de Me Perrault, pour M. B....
Une note en délibéré, enregistrée le 27 janvier 2022, a été présentée pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 22 juillet 2016, le ministre de l'éducation nationale a infligé à M. B..., professeur agrégé de mathématiques alors affecté au lycée La Bruyère de Versailles, une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, pour avoir tenu devant ses élèves, le 27 novembre 2015, des propos politiques et homophobes contraires aux devoirs de réserve et de neutralité. Saisi par M. B..., le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a ordonné, le 14 octobre 2016, la suspension de l'exécution de cette sanction. Puis, par un jugement du 5 mars 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Versailles a annulé cette sanction. Après vaine réclamation indemnitaire préalable, M. B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité totale de 21 359,91 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices moral et financier qu'il estimait avoir subis à raison de l'illégalité de la sanction ainsi annulée. Par un jugement du 23 janvier 2020, dont M. B... relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration.
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :
3. Pour annuler, par le jugement susmentionné du 5 mars 2018, l'arrêté du 22 juillet 2016 ayant infligé à M. B..., pour les motifs rappelés au point 1, une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, le tribunal administratif a considéré que cette sanction n'était pas proportionnée à la gravité de la faute disciplinaire commise par l'intéressé, " eu égard à l'absence de volonté du requérant de heurter, aux excuses qu'il a présentées, et en l'absence de tout antécédent disciplinaire ou de précédents de même nature retenus en dix-sept ans d'enseignement ". Dès lors, l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et, par suite, à ouvrir droit à indemnisation au profit du requérant pour les préjudices présentant un lien de causalité direct avec cette faute.
En ce qui concerne les préjudices et le lien de causalité :
4. En premier lieu, M. B..., qui a été réintégré dans ses fonctions en novembre 2016 en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 14 octobre 2016, réclame une indemnité de 9 878,91 euros, à raison de l'absence de rémunération perçue durant sa période d'éviction effective, d'août à octobre 2016, ainsi que des indemnités complémentaires de 429,92 euros et 448,08 euros, correspondant au coût des deux crédits qu'il a alors souscrit afin, selon ses dires, de faire face à cette perte de revenus. Toutefois, il résulte de l'instruction que, compte tenu de la gravité des faits reprochés au requérant, dont ce dernier ne conteste ni la matérialité ni la qualification de faute disciplinaire, l'administration aurait légalement pu prendre une sanction, de moindre durée, emportant les mêmes effets sur la rémunération de l'intéressé que ceux qu'il a effectivement supportés durant trois mois, incluant la période du 14 au 31 octobre 2016 au cours de laquelle elle n'avait, malgré la suspension ainsi prononcée par le juge des référés, pas encore prononcé sa réintégration dans ses fonctions. Dans ces conditions, les préjudices financiers ainsi allégués ne peuvent être regardés comme présentant un lien de causalité direct avec l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016 ou avec le délai qu'a pris l'administration pour exécuter l'ordonnance susmentionnée du 14 octobre 2016.
5. En deuxième lieu, les frais que M. B... a exposés pour assurer sa défense devant le conseil de discipline, qui a examiné son cas le 17 mars 2016, trouvent leur origine dans l'ouverture de la procédure disciplinaire diligentée, à juste titre, à l'endroit de l'intéressé, et non dans l'arrêté du 22 juillet 2016 lui ayant ultérieurement infligé la sanction ensuite annulée par le tribunal administratif. Dès lors, la demande d'indemnité présentée, à ce titre, par le requérant ne peut qu'être rejetée.
6. En dernier lieu, si M. B... sollicite également le versement d'une indemnité de 10 000 euros en réparation d'un préjudice moral et expose, en appel, avoir alors été discrédité auprès de ses collègues et avoir subi un stress important, ces chefs de préjudices, à les supposer établis, doivent être regardés, pour le même motif que celui exposé au point 5, comme étant sans lien de causalité direct avec l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à M. B... C... la somme que celui-ci demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
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N° 20VE00692