Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ferragamo France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, de la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2009 et 2010 et des compléments de cotisation minimale de taxe professionnelle et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises respectivement mis à sa charge au titre des années 2009 et 2010.
Par un jugement n° 1516641/1-2 du 28 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, en droits et majorations, de ces impositions et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt n° 17PA02617 du 27 septembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté le recours du ministre de l'action et des comptes publics tendant à l'annulation de ce jugement et à la remise à la charge de la société Ferragamo France des impositions en cause.
Par une décision n° 425577 du 23 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'arrêt du 27 septembre 2018 et renvoyé l'affaire à la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et des mémoires, enregistrés les 26 juillet 2017, 9 avril 2018, 11 mars 2021, 3 novembre 2021 et 4 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1516641/1-2 du 28 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de remettre à la charge de la société Ferragamo France les impositions déchargées par le tribunal en droits et majorations.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'administration a établi l'existence d'une pratique relevant de l'article 57 du code général des impôts, résultant de charges externes et salariales supportées par la société Ferragamo France supérieures à celles exposées par des distributeurs indépendants exerçant dans le même secteur d'activité, qui constituent un avantage accordé à la société italienne Salvatore Ferragamo Spa, dont le chiffrage a été déterminé à partir d'un panel d'entreprises comparables ; cet avantage ne trouve pas de contreparties suffisantes dans les avantages accordés à la société Ferragamo France par la société italienne, correspondant à l'application d'une remise de 25 % sur les prix d'achat, à la reprise des invendus et à l'absence de paiement d'une redevance ; au regard des fonctions exercées par la société Ferragamo France, le poids excessif des charges externes et salariales est lié à la valorisation de la marque ;
- l'administration a informé la société Ferragamo France du panel d'entreprises comparables retenu, la majeure partie du panel étant au demeurant identique à celui proposé par la requérante, ainsi que des ratios utilisés ;
- la lettre adressée par l'interlocuteur départemental le 12 décembre 2014, qui n'emporte pas changement de base légale et s'inscrit dans le cadre du dialogue engagé avec la société Ferragamo France, ne constitue pas une nouvelle proposition de rectification ;
- la société Ferragamo France ne justifie pas que le panel comporte des entreprises qui ne sont pas comparables ;
- la mise en œuvre de l'article 57 du code général des impôts n'exige pas d'établir l'existence d'un écart significatif ;
- la plus-value tirée de la cession d'une immobilisation corporelle ne peut être retenue dans des ratios de charges externes et de charges salariales par rapport au chiffre d'affaires ; en outre, les coûts de restructuration de l'immeuble situé rue du Faubourg Saint-Honoré ont été pris en compte dans la réponse aux observations du contribuable ;
- la méthode transactionnelle de la marge nette proposée par ailleurs par la société Ferragamo France ne permet pas d'affirmer que les rectifications se situent en dehors de l'intervalle de pleine concurrence.
Par des mémoires en défense enregistrés les 21 mars 2018, 31 juillet 2018, 28 septembre 2021, 3 décembre 2021 et 13 avril 2022, la société Ferragamo France, représentée par Me Philippe Losappio, conclut au rejet du recours du ministre et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la lettre de l'interlocuteur du 12 décembre 2014, fondée sur un panel d'entreprises comparables qui n'a pas été communiqué avant la mise en recouvrement, et qui procède à une nouvelle méthode de détermination du transfert de bénéfices, devait, en application des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, se présenter comme une nouvelle proposition de rectification lui ouvrant un nouveau délai de trente jours pour formuler ses observations ainsi que la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et de bénéficier des recours hiérarchiques ;
- elle n'a pas été informée de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis par l'administration, s'agissant des termes de comparaison et des ratios retenus, avant l'établissement des impositions, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration n'établit pas l'existence d'un transfert de bénéfices au profit de la société italienne Salvatore Ferragamo Spa, auprès de laquelle elle effectue ses achats à un prix comportant un rabais de 25 % et qui lui accorde la reprise des marchandises invendues ; les déficits constatés sont la conséquence de situations conjoncturelles et d'une stratégie d'implantation ;
- l'administration a mis en œuvre une méthode globale et excessivement sommaire de reconstitution des résultats, qui ne peut être mise en œuvre lorsque la comptabilité n'est pas écartée, ce qui ne lui permet pas de démontrer l'existence d'une contrepartie ;
- les entreprises retenues par l'administration ne sont pas comparables compte tenu de leurs caractéristiques ;
- outre que l'administration ne s'explique pas sur l'origine des chiffres pris en compte pour le calcul des ratios retenus, la différence du rapport entre les salaires majorés des charges sociales des comparables et leur chiffre d'affaires et son propre ratio n'est pas significatif ;
- l'administration doit tenir compte du profit réalisé en 2005 sur la vente de la boutique située au B..., d'un montant de 10 546 550 euros ;
- elle est fondée à se prévaloir de la méthode transactionnelle de la marge nette, dont il ressort que les rectifications résultant de la lettre du 12 décembre 2014 se situent en dehors de l'intervalle de pleine concurrence ; le tableau des ratios des comparables produit par l'administration pour contester cette méthode comporte des erreurs, celle-ci retenant par ailleurs la médiane alors qu'au titre de l'exercice clos en 2010, elle se trouvait dans l'intervalle de pleine concurrence.
Par une ordonnance du 4 avril 2022, la clôture de l'instruction a en dernier lieu été reportée au 14 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Losappio, pour la société Ferragamo France.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferragamo France, créée en 1992 et détenue en totalité par la société néerlandaise Ferragamo International BV, elle-même détenue par la société italienne Salvatore Ferragamo Spa, exerce une activité de commerce de détail de chaussures, maroquinerie et accessoires de luxe et distribue, au sein de boutiques en France, les produits de la marque " Salvatore Ferragamo ", propriété de la société mère italienne. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 21 mai 2012 lui a été notifiée, l'administration estimant que la politique de prix pratiquée par le groupe conduisait à un transfert de bénéfices au profit de la société italienne au sens de l'article 57 du code général des impôts. Au terme de la procédure, la société Ferragamo France a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010, les déficits des exercices 2005 à 2008 ayant été réduits dans la limite des déficits existant à l'ouverture de l'exercice 2009, à une retenue à la source au titre des années 2009 et 2010 et à des compléments de cotisation minimale de taxe professionnelle et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2009 et 2010, assortis d'intérêts de retard. Par un jugement du 28 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, en droits et majorations, de ces impositions. Par un arrêt du 27 septembre 2018, la Cour a rejeté le recours du ministre de l'action et des comptes publics tendant à l'annulation de ce jugement et à la remise à la charge de la société Ferragamo France des impositions en cause. Par une décision du 23 novembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour du 27 septembre 2018 et lui a renvoyé l'affaire.
Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (...) ". Ces dispositions instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans les prévisions de l'article 57 du code général des impôts, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties. Peut constituer une telle pratique l'insuffisante rémunération perçue par une entreprise établie en France qui expose des charges contribuant au développement de la valeur d'une marque appartenant à sa société mère établie hors de France.
3. Il résulte de l'instruction que, constatant que le résultat d'exploitation de la société Ferragamo France, filiale de distribution du groupe pour le marché français et qui exploite des boutiques sous enseigne de la marque, des " corners " dans les grands magasins et un " outlet ", était déficitaire depuis au moins 1996, à l'exception de l'exercice 2010, le vérificateur a sollicité des informations sur la politique de prix de transfert mise en place dans le cadre des relations avec la société Salvatore Ferragamo Spa. La société Ferragamo France a exposé, dans sa réponse du 15 décembre 2011, une analyse des fonctions et des risques assumés par chacune des entités et précisé que le prix d'achat des marchandises était établi suivant la méthode du prix de revente minoré, la société italienne consentant, pour tenir compte des fonctions autres que celles dévolues aux simples distributeurs assumées par la société Ferragamo France, notamment en considération des standards de qualité élevés requis, un rabais de 25 % par rapport aux prix pratiqués avec les distributeurs indépendants et la reprise des marchandises invendues à leur prix d'achat sans restriction de quantité. Pour justifier la normalité de ses prix de transfert et de son taux de marge, la requérante a présenté une liste de comparables et un calcul du rapport entre les charges d'exploitation, hors achat de marchandises, et le chiffre d'affaires de ces entreprises.
4. Ainsi que le mentionne la proposition de rectification, le vérificateur, après avoir analysé les traitements informatiques réalisés par la société Ferragamo France, a constaté que le taux de charges moyen sur la période 2005-2010 s'élevait à 61,76 % pour une marge brute moyenne de 55,23 % et qu'à l'exception de l'exercice 2008, les seules charges externes absorbaient plus de la moitié de la marge commerciale accordée à la société Ferragamo France. Après avoir retraité le panel d'entreprises indépendantes présenté par la requérante, le vérificateur, retenant 19 entreprises dont 16 proposées par la société, a constaté, au vu du rapport entre les charges externes et salariales et le chiffre d'affaires de ces entreprises, que le taux de charges externes et salariales de la société Ferragamo France était largement supérieur et que le rapport entre le résultat d'exploitation et le chiffre d'affaires de ces entreprises était positif, alors que le résultat d'exploitation de la société Ferragamo France était constamment déficitaire à l'exception de l'exercice 2010. Le vérificateur a ainsi constaté que la marge accordée par le groupe ne lui permettait pas d'absorber l'ensemble de ses frais de fonctionnement. Il en a conclu que la fonction de valorisation de la marque assumée par la société Ferragamo France, qui n'avait d'ailleurs pas été analysée dans la réponse du 15 décembre 2011, grâce à son positionnement dans des localisations de prestige et à un personnel particulièrement qualifié, était insuffisamment prise en compte par le groupe, en ne permettant pas à la filiale française de couvrir ses coûts et de dégager des bénéfices, par la seule application du rabais de 25 % sur le tarif applicable aux revendeurs indépendants, de la reprise des marchandises invendues et de l'absence de versement de redevance pour l'utilisation de la marque.
5. Afin d'évaluer cette fonction de la valorisation de la marque détenue par la société Salvatore Ferragamo Spa assumée par la société Ferragamo France qui n'était pas rémunérée par le groupe, le vérificateur a déterminé le montant des charges correspondant au coût qui aurait dû être assumé par le groupe au titre de la valorisation de la marque, à partir du rapport entre le montant des charges externes et salariales et le chiffre d'affaires des entreprises comparables. Au stade de la réponse aux observations du contribuable du 17 septembre 2012, l'administration a réduit le montant des rectifications, en retenant le montant des prestations de services et les transferts de charges dont se prévalait la société Ferragamo France dans ses observations, ainsi que les coûts de restructuration de la boutique située rue du Faubourg Saint-Honoré. Les rectifications sont demeurées inchangées au stade du recours hiérarchique du 26 novembre 2012. L'interlocuteur régional, statuant après saisine de l'administration centrale par la société Ferragamo France, a réduit le montant des rehaussements par une lettre du 12 décembre 2014, dans les conditions exposées au point 11.
6. Si la société Ferragamo France, qui s'approvisionne presque exclusivement auprès de la société italienne Salvatore Ferragamo Spa, qui crée et produit les articles de la marque et assume toutes les fonctions liées, détient la marque et supporte les dépenses de marketing et de promotion, conteste les conclusions de l'administration, il est constant que la politique commerciale menée par le groupe implique, afin de répondre aux standards de la marque et en particulier de tenir compte de la place de vitrine internationale de Paris dans le domaine du luxe, d'exploiter des boutiques à des adresses prestigieuses, avec un personnel de vente hautement qualifié et en nombre suffisant pour répondre aux exigences d'une clientèle haut de gamme. L'administration démontre ainsi que la société Ferragamo France assume une fonction de valorisation de la marque et, par les éléments précédemment rappelés résultant des données propres à la requérante et de l'utilisation d'un panel d'entreprises distributrices indépendantes, que cette fonction est insuffisamment rémunérée par l'application du rabais de 25 %, de la reprise des marchandises invendues et de l'absence de versement de redevance pour l'utilisation de la marque, la société Salvatore Ferragamo Spa ne supportant pas les coûts résultant de la stratégie du groupe en vue de la valorisation de la marque dont elle est propriétaire. A cet égard, compte tenu de la persistance et de l'importance des déficits constatés sur une longue période continue et de l'insuffisance de marge brute mise en évidence par l'administration sur l'ensemble des exercices vérifiés, la société Ferragamo France n'est pas fondée à soutenir que ses déficits étaient justifiés par l'exercice de son activité dans une phase d'investissement, de développement d'un réseau de distribution et d'accroissement de sa valeur patrimoniale, par des situations conjoncturelles ou par la réalisation d'investissements peu rentables en raison de situations particulières.
7. Dans ces conditions, l'administration établit que la société Ferragamo France exerce des fonctions complémentaires à celles exercées par un simple revendeur indépendant et participe au développement et à la valorisation de la marque, en engageant des dépenses externes et salariales qu'un revendeur indépendant ne supporterait pas, liées à la stratégie du groupe pour la valorisation de la marque, la rémunération qui lui est allouée étant insuffisante pour couvrir le surcoût de ces charges liées à cette stratégie, qui n'était pas compensé par le surcroît de marge dont elle bénéficiait, qui résultait de l'application du rabais de 25 %, de la reprise des marchandises invendues et de l'absence de versement de redevance pour l'utilisation de la marque. Par suite, et alors que la société Ferragamo France, en se bornant à se prévaloir d'une situation bénéficiaire entre 2010 et 2015, ne justifie d'aucune contrepartie à l'avantage consenti à la société Salvatore Ferragamo Spa, l'administration démontre l'existence d'un avantage accordé à cette société au sens de l'article 57 du code général des impôts. Le ministre est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a prononcé la décharge des impositions en litige, au motif que la preuve d'un transfert indirect de bénéfices n'était pas apportée.
8. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Ferragamo France devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".
10. La société Ferragamo France soutient que la lettre de l'interlocuteur régional du
12 décembre 2014 mentionnée au point 5 constituait une nouvelle proposition de rectification qui devait être motivée, en application des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, et lui ouvrir un nouveau délai de trente jours pour formuler ses observations ainsi que la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et de bénéficier des recours hiérarchiques.
11. Il résulte toutefois de la lettre de l'interlocuteur régional du 12 décembre 2014 que ce document ne comporte aucune modification du fondement légal des rectifications et réduit leur montant en modifiant la méthode d'évaluation de l'avantage accordée par la société Ferragamo France à la société Salvatore Ferragamo Spa, à la suite des observations présentées par la requérante et de son intervention auprès de l'administration centrale, dans le cadre de la discussion contradictoire mise en œuvre. Ainsi, l'administration a d'abord calculé le taux de marge brute de la société Ferragamo France au titre de chacun des exercices 2005 à 2010, résultant du rapport entre, d'une part, la différence du chiffre d'affaires des ventes et des achats de marchandises revendues, et, d'autre part, le chiffre d'affaires de la société Ferragamo France, s'établissant en moyenne à 52,15 % du chiffre d'affaires, qu'elle a comparé au taux de marge brute médian des comparables, soit 43 %, le taux de marge de la société Ferragamo France modifié par rapport à la proposition de rectification étant obtenu en déduisant les commissions " corners " du chiffre d'affaires et le taux de marge brute des comparables, modifié par rapport à la proposition de rectification, résultant de la suppression d'un comparable initialement retenu et de la réintégration de deux autres comparables qui figuraient dans les propositions formulées par la société Ferragamo France dans son courrier du 15 décembre 2011. L'administration a ensuite calculé le rapport entre les charges salariales et le chiffre d'affaires de la société Ferragamo France pour le comparer à la médiane du même rapport des comparables, et calculé la différence du montant des charges salariales entre celles exposées et celles relevant des prix de pleine concurrence au regard du chiffre d'affaires des ventes à partir du rapport des comparables. Elle a procédé de même en ce qui concerne les autres charges externes, en maintenant la prise en compte des éléments retenus au stade de la réponse aux observations du contribuable. Elle a enfin ajouté le montant de ces différences, calculées par rapport aux comparables, dont elle a déduit l'écart de marge brute entre la société Ferragamo France et la marge brute médiane des comparables, pour aboutir au montant des rectifications. A cet égard, il est constant que les ratios de la société Ferragamo France retenus dans la lettre du 12 décembre 2014 procèdent des éléments communiqués par la société au cours de la vérification de comptabilité et des traitements informatiques réalisés, ainsi que le rappelle la proposition de rectification. Quant aux ratios relatifs aux entreprises comparables distinguant les charges salariales et les autres charges externes, si l'administration n'a pas annexé à la lettre du 12 décembre 2004 les données chiffrées de chaque entreprise comparable pour chaque type de charges permettant d'aboutir aux différents chiffres déterminant un taux de pleine concurrence, ces éléments procèdent de l'exploitation des données du panel de comparables, adapté à la marge dans les conditions précédemment décrites, c'est-à-dire par la prise en compte de comparables proposés par la société requérante elle-même.
12. Dans ces conditions, les modifications des modalités de détermination du montant de l'avantage en litige, tenant à la modification partielle du panel de comparables, à la distinction entre les charges salariales et les autres charges des entreprises comparables et à la déduction du différentiel de marge brute, retenue dans la lettre de l'interlocuteur régional du 12 décembre 2014 n'impliquent pas que ce document constituait une nouvelle proposition de rectification. Par suite, la société Ferragamo France n'est pas fondée à soutenir que cette lettre devait se présenter comme une nouvelle proposition de rectification soumise à l'obligation de motivation prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et lui ouvrant un nouveau délai de trente jours pour formuler ses observations ainsi que la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et de bénéficier des recours hiérarchiques.
13. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...) Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
14. Ainsi qu'il a été décrit au point 11, il ne résulte pas de l'instruction que le montant des rectifications retenu au stade de l'interlocution régionale résulterait de renseignements ou de documents obtenus de tiers à ce stade. La société Ferragamo France n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'administration ne l'a pas informée de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis avant l'établissement des impositions, à l'occasion de la lettre de l'interlocuteur régional du 12 décembre 2014, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
15. En premier lieu, la société Ferragamo France soutient que les entreprises retenues dans le panel précédemment mentionné n'étaient pas comparables, dès lors qu'elles exercent pour l'essentiel leur activité en province alors que son activité se concentre dans les zones de tourisme international, principalement à Paris, que leur effectif est inférieur à dix salariés alors qu'elle emploie 68 salariés, qu'elles sont de simples distributeurs alors qu'elle exerce également une activité de gestion d'un réseau de boutiques et de concessions en grands magasins, et que certaines d'entre elles seraient propriétaires de leurs locaux alors qu'elle loue ses locaux pour des montants très supérieurs aux loyers en province, le rapport entre les charges externes et le chiffre d'affaires n'étant ainsi pas pertinent.
16. Toutefois, l'essentiel des comparables retenus par l'administration, qui exercent l'activité de distributeur multimarque dans le secteur du prêt-à-porter de luxe, a été proposé par la société Ferragamo France elle-même. Celle-ci n'indique par ailleurs pas les correctifs qu'il conviendrait d'apporter aux différents ratios de charges salariales et externes retenus, pour obtenir un résultat qui serait selon elle plus satisfaisant, alors qu'il est par ailleurs établi que des surcoûts en matière salariale et immobilière constituent un avantage accordé à la société Salvatore Ferragamo Spa. Par ailleurs, outre qu'il n'est pas établi que certaines entreprises du panel seraient propriétaires de leurs locaux, la société Ferragamo France n'allègue pas que l'exclusion des sociétés en cause du calcul des ratios aboutirait à une réduction du montant des rectifications. Enfin, s'agissant de l'insuffisante prise en compte d'une activité de gestion d'un réseau de boutiques et de concessions en grands magasins, la société Ferragamo France n'apporte aucun élément précis à l'appui de ses allégations, alors que la comparaison à laquelle a procédé à l'administration vise à apprécier la normalité de la rémunération de son activité de distributeur.
17. En deuxième lieu, la société Ferragamo France soutient que l'écart entre le rapport entre les charges salariales des comparables et leur chiffre d'affaires et le même rapport en ce qui la concerne, inférieur à 10 %, n'est pas significatif. Toutefois, la mise en œuvre de l'article 57 du code général des impôts n'exigeait pas d'établir l'existence d'un écart significatif sur ce point, l'administration ayant au demeurant établi l'existence de surcoûts, notamment salariaux, se rattachant à la valorisation de la marque alors que les entreprises comparables n'assument pas une telle fonction. Par ailleurs, si la société Ferragamo France soutient que l'administration ne s'explique pas sur l'origine des chiffres pris en compte pour le calcul des ratios retenus, ainsi qu'il a été dit précédemment, les données chiffrées procèdent de comparables proposés par elle-même et d'une base de données mentionnée dès la proposition de rectification, dont les résultats ont été exposés dans le tableau annexé à la lettre de l'interlocuteur régional du 12 décembre 2014.
18. En troisième lieu, la société Ferragamo France soutient que l'administration devait tenir compte de la réalisation en 2005 d'un profit résultant de la cession de la boutique située au B..., d'un montant de 10 546 550 euros, qui devrait selon elle s'imputer sur le montant des rectifications. Toutefois, ce montant constitue une plus-value retirée de la cession d'une immobilisation corporelle de la société Ferragamo France et non pas un élément du chiffre d'affaires à partir duquel se calculent les ratios de charges externes et de charges salariales, les coûts de restructuration des locaux situés rue du Faubourg Saint-Honoré ayant en outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, été pris en compte dans la réponse aux observations du contribuable du 17 septembre 2012 à hauteur de 1 116 717 euros et ainsi exclus du calcul des ratios pour déterminer l'insuffisance de rémunération. A cet égard, si la société Ferragamo France fait valoir que le profit dont elle se prévaut se rattache à l'image de la marque et doit donc être attribué à la société Salvatore Ferragamo Spa dès lors que les charges liées à l'immobilier de prestige sont imputées à cette société, elle ne saurait en tout état de cause se prévaloir d'un avantage correspondant à l'intégralité de la plus-value, l'administration n'ayant pas prétendu que l'ensemble des charges externes aurait dû être assumé par la société mère, alors qu'en outre ont déjà été pris en compte les coûts de restructuration dans le calcul des ratios de charges. Dans ces conditions, la plus-value en cause ne saurait être regardée comme une subvention indirecte de la société Salvatore Ferragamo Spa au profit de sa filiale, qui devrait venir en diminution de son chiffre d'affaires, ni comme un avantage accordé par la société mère justifiant une contrepartie à l'insuffisance de rémunération qui est allouée par le groupe à la société Ferragamo France.
19. En quatrième lieu, la société Ferragamo France fait valoir qu'en utilisant la méthode transactionnelle de la marge nette et les données issues de la lettre de l'interlocuteur régional du 12 décembre 2014 et en procédant à l'analyse des marges d'exploitation des entreprises comparables résultant du rapport entre les résultats d'exploitation et les chiffres d'affaires, les rectifications se situent en dehors de l'intervalle de pleine concurrence ainsi établi. Toutefois, outre que la méthode transactionnelle de la marge nette n'est pas celle qui a été utilisée par la société Ferragamo France pour exposer à l'origine ses prix de transfert, les calculs auxquels a procédé la société intègrent une reclassification en élément d'exploitation de la plus-value de cession de la boutique située au B... d'un montant de 10 546 550 euros, qui ne constitue pas un élément du résultat permettant de calculer la marge d'exploitation réalisée, et retiennent chaque année le même intervalle de pleine concurrence qui correspond à une moyenne. Dans ces conditions, compte tenu des erreurs et approximations qu'elle comporte, la méthode proposée par la société Ferragamo France ne permet pas de contester utilement les rectifications en litige. A cet égard, si la société Ferragamo France conteste les éléments chiffrés retenus par l'administration pour écarter la méthode transactionnelle de la marge nette qu'elle a proposée, en faisant valoir que les rapports entre le résultat d'exploitation et le chiffre d'affaires des comparables exposé par le ministre comporte de multiples erreurs et qu'il apparait, selon ses calculs, qu'elle se trouvait dans l'intervalle de pleine concurrence au titre de l'exercice clos en 2010, ces moyens ne peuvent en tout état de cause qu'être écartés, dès lors qu'ils se rattachent à une méthode d'évaluation qui n'est pas fondée.
20. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la société Ferragamo France n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait mis en œuvre une méthode globale et excessivement sommaire de reconstitution de ses résultats.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Ferragamo France a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, de la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2009 et 2010 et des compléments de cotisation minimale de taxe professionnelle et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises respectivement mis à sa charge au titre des années 2009 et 2010. Ce jugement doit dès lors être annulé et les impositions précitées, en droits et majorations, doivent être remises à la charge de la société Ferragamo France.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Ferragamo France demande au titre des frais qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1516641/1-2 du 28 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Ferragamo France a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2009 et 2010 et les compléments de cotisation minimale de taxe professionnelle et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises respectivement mis à sa charge au titre des années 2009 et 2010 sont rétablis.
Article 3 : Les conclusions de la société Ferragamo France tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Ferragamo France.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20PA03601