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29/03/2022 | FRANCE | N°20PA02585

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 mars 2022, 20PA02585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

16 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 15 de l'unité départementale de Paris du 29 octobre 2018 rejetant la demande présentée par la direction de l'information légale et administrative en vue d'obtenir l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1916106/3-2 du 10 juillet 2020, le tribu

nal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

16 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 15 de l'unité départementale de Paris du 29 octobre 2018 rejetant la demande présentée par la direction de l'information légale et administrative en vue d'obtenir l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1916106/3-2 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2020, et un mémoire, enregistré le 25 novembre 2020, M. C..., représenté par Me Raoul-Duval, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1916106/3-2 du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 16 mai 2019 de la ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration du travail est compétente pour se prononcer sur la demande d'autorisation de son licenciement dès lors qu'ayant été recruté en qualité de salarié de droit privé, il est resté agent contractuel de droit privé de la direction de l'information légale et administrative (DILA) et régi par la convention collective des cadres techniques de la presse quotidienne parisienne, à la suite de la fusion de l'ex-direction des journaux Officiels (JO) et de la Documentation française (DF) ; son statut, à titre individuel et collectif, est ainsi assimilable à celui des salariés de droit privé auquel se réfère le préambule du règlement intérieur du comité social du 28 juin 2010 ; membre du comité social de la DILA créé par un accord collectif en 1974, il bénéficie par conséquent de la même protection que les salariés de droit privé énumérés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail ; son employeur lui a ainsi toujours reconnu la qualité de salarié protégé et a, en conséquence, spontanément, saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de son licenciement, créatrice de droits ; les services des administrations centrales de l'Etat ne sauraient être exclus de la protection d'ordre public prévue par le code du travail et reconnue par la jurisprudence de la cour de cassation, la création de la DILA étant postérieure à l'entrée en vigueur des articles L. 2311-1 et L. 2321-1 du code du travail ; à défaut de protection d'ordre public, les représentants du personnel de la DILA, qui ne bénéficient par ailleurs pas de la garantie d'emploi des fonctionnaires, ne pourraient plus exercer librement leurs mandats ;

- la décision attaquée méconnait les dispositions des articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail, le comité social dont il est membre ayant des attributions, un champ de compétences, des moyens et un mode de fonctionnement analogues à ceux d'un comité d'entreprise du secteur privé ainsi que le prévoit le règlement intérieur du comité social du 28 juin 2010.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et au secrétaire général du gouvernement (Direction de l'information légale et administrative), qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations

- le décret n° 2010-31 du 11 janvier 2010 relatif à la direction de l'information légale et administrative ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Raoul-Duval, représentant M. C....

Une note en délibéré a été présentée pour M. C... le 10 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. A compter du 16 mai 1997, M. C... a été recruté par contrat à durée déterminée puis indéterminée par la direction des journaux Officiels (DJO). Dans le dernier état de ses fonctions, il était employé en qualité de chef d'études et de projet. A la suite de la fusion le 11 janvier 2010 de la direction des journaux Officiels et de la Documentation française, son employeur est devenu la direction de l'information légale et administrative (DILA). M. C... a été désigné par une organisation syndicale pour exercer les fonctions de représentant du personnel au sein du comité social de cette direction, et était détaché auprès de ce comité dont il était le secrétaire à la date de l'engagement de la procédure de licenciement. Le 9 octobre 2018, son employeur a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Par une décision du 29 octobre 2018, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 15 de l'unité départementale de Paris a rejeté cette demande au motif qu'il n'était pas compétent pour autoriser le licenciement du salarié. Le 12 novembre 2018, M. C... a été licencié pour faute grave. Le 16 mai 2019, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé par le salarié contre cette décision après avoir retiré la décision implicite née du recours. M. C... relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, M. C... soutient que l'inspecteur du travail devait autoriser son licenciement au motif qu'il a été recruté en qualité de salarié de droit privé et qu'il est resté agent contractuel de droit privé de la DILA régi par la convention collective des cadres techniques de la presse quotidienne parisienne suite à la fusion.

3. Il résulte des termes de l'article L. 2311-1 du code du travail que les dispositions du titre Ier " Comité social et économique ", figurant au livre III de la deuxième partie de ce code, " sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. / Elles sont également applicables : 1° Aux établissements publics à caractère industriel et commercial ; 2° Aux établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail ne saurait autoriser le licenciement d'un salarié dont l'employeur est l'Etat, personne morale unique, quand bien même le contrat de travail lierait le salarié à l'un de ses services, qui n'entre pas dans le champ d'application des dispositions relatives aux institutions représentatives du personnel recruté par des employeurs de droit privé au sens de l'article L. 2311-1 du code du travail.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la DILA, quoiqu'autonome, est une administration centrale de l'Etat placée sous l'autorité du Premier ministre et rattachée au secrétariat général du Gouvernement. Quand bien même exercerait-elle des activités commerciales, elle n'a toutefois pas pour objet la production et la commercialisation de biens ou de services et n'a pas pour ressources essentielles des redevances payées par des usagers, ni ne fonctionne selon les mêmes modalités qu'une entreprise privée. Elle ne saurait dès lors être regardée comme un établissement public industriel et commercial.

5. D'autre part, par principe, les personnels non statutaires des personnes morales de droit public travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents de droit public quel que soit leur emploi. S'agissant des agents contractuels de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, si certains d'entre eux se sont vu offrir, pendant un an, le droit d'opter pour un contrat de droit privé, l'article 34 de la loi du 12 avril 2000 susvisée dispose que : " I.- Les agents non titulaires de l'Etat et de ses établissements publics à caractère administratif, en fonctions à la date de publication de la présente loi et qui n'ont pas été recrutés en application des articles 3,4,6 et 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, bénéficient d'un contrat à durée indéterminée lorsqu'ils assurent : 1° Soit des fonctions du niveau de la catégorie C concourant à l'entretien ou au gardiennage de services administratifs ; (...) II.- Les personnels mentionnés au I ci-dessus peuvent demander que le contrat de travail sur la base duquel ils ont été engagés soit un contrat de droit privé soumis aux dispositions du code du travail. Les intéressés disposent d'un délai d'un an à compter de la date de publication de la présente loi pour présenter leur demande. Le bénéfice des dispositions du présent paragraphe leur est reconnu à compter de la date de leur engagement initial. (...) ". Il en résulte que seuls les personnels assurant des fonctions limitativement énumérées recrutés par contrat de droit privé disposaient d'un droit d'option pour que leur contrat soit qualifié de contrat de droit privé, une telle option devant être expresse et signifiée au plus tard le 13 avril 2001. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas soutenu que M. C... l'aurait exercée. Ainsi, quand bien-même aurait-il été recruté en qualité de salarié de droit privé, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de la nature de son contrat et de son statut, l'inspecteur du travail aurait dû se prononcer sur la demande d'autorisation de son licenciement.

6. En second lieu et au surplus, aux termes de l'article L. 2411-2 du code du travail : " Bénéficient également de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, le délégué syndical, le membre de la délégation du personnel du comité social et économique, le représentant de proximité, institués par convention ou accord collectif de travail ". Si M. C... soutient que le comité social dont il est membre a des attributions, un champ de compétences, des moyens et un mode de fonctionnement analogues à ceux d'un comité d'entreprise du secteur privé ainsi que le prévoit le règlement intérieur du comité social de la DILA du 28 juin 2010, il résulte de l'article L. 2251-1 du code du travail que les conventions et accords collectifs de travail comportant des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur " ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public ", en conséquence de quoi des conventions ou accords se sauraient modifier la compétence et le régime juridique des agents publics et que les dispositions de l'article L. 2411-2 ne sauraient recevoir application que dans le cas des représentants du personnel institués par voie conventionnelle qui relèvent d'une catégorie de même nature que celle qui est prévue par la loi.

7. Il ressort des pièces du dossier que le comité social de la DILA, créé à la suite d'accords intervenus en matière salariale le 4 juillet 1974 par une note de service du 30 décembre suivant, est composé de membres désignés par les organisations syndicales et non pas élus ainsi que le prévoit l'article L. 2324-3 du code du travail pour les représentants du personnel siégeant au comité d'entreprise et que ces derniers ne se réunissent que deux fois par an pour des réunions ordinaires au cours de l'année, alors que l'article L. 2325-14 du code du travail permet au comité d'entreprise de se réunir au moins une fois tous les deux mois. Il s'en infère que, contrairement à ce que soutient

M. C..., les membres représentant le personnel au sein du comité social de la DILA ne sauraient être regardés comme relevant d'une catégorie de même nature que les représentants élus du comité d'entreprise, prévus par la loi.

8. En dernier lieu, quand bien même serait-elle établie, la circonstance que la direction de la DILA - qui ne saurait déroger unilatéralement aux règles statutaires régissant ses agents pas plus qu'aux règles d'ordre public - aurait reconnu au requérant le bénéfice de la protection prévue par le code du travail pour les salariés exerçant un mandat de représentation au sein d'un comité d'entreprise est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Il en va de même de l'argumentation tirée de ce qu'elle aurait spontanément saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de son licenciement.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et au secrétaire général du gouvernement (Direction de l'information légale et administrative).

Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

La rapporteure,

M-D B...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02585
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET R-D MARCEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-29;20pa02585 ?
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