Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
10 août 2018 par lequel le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois, dont trois mois avec sursis, à compter du 23 août 2018.
Par un jugement n° 1818020/2-2 du 29 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 10 août 2018 du directeur général de l'AP-HP.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 août 2020, l'AP-HP, représentée par Me Lacroix, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1818020/2-2 du 29 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant du caractère disproportionné de la sanction retenue ;
- la sanction infligée à M. A... est proportionnée aux faits reprochés ;
S'agissant des autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :
- en vertu de l'article 3 de l'arrêté ANPNM62018040006 du 24 avril 2018, M. C... est compétent pour présider le conseil de discipline ;
- la saisine du conseil de discipline est régulière ;
- la composition du conseil de discipline est régulière ;
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;
- les faits reprochés sont matériellement établis et sont fautifs ;
- M. A... n'a pas été sanctionné deux fois, ainsi l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur de droit.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2021, M. A..., représenté par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyen soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- il reprend ses moyens soulevés en première instance à l'encontre de l'arrêté du
10 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lacroix, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et de Me Cortes, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté à compter du 2 juin 2009 en qualité d'agent contractuel des services hospitaliers qualifiés au sein du service brancardage de l'hôpital Lariboisière, puis de l'hôpital Tenon à compter du 2 avril 2012. Il a été nommé fonctionnaire stagiaire le 1er mars 2013, puis titularisé le 1er mars 2014. Par un arrêté du 10 août 2018, le directeur général de l'AP-HP lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, dont trois mois avec sursis, à compter du 23 août 2018. Par un jugement du 29 juin 2020, dont l'AP-HP relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont mentionné de manière suffisamment précise les faits reprochés à M. A..., les motifs pour lesquels ils ont estimé que la matérialité de ces faits était établie et leurs conséquences sur la santé du supérieur hiérarchique de l'intéressé avant de juger que la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de six mois assortie d'un sursis de trois mois, constitutive d'une sanction du troisième groupe, était disproportionnée au regard de la faute commise par M. A.... Si l'AP-HP soutient que les premiers juges n'ont pas pris en compte dans leur appréciation du caractère disproportionné de la sanction en litige les antécédents disciplinaires de M. A..., ce moyen relève du bien-fondé du jugement et est sans influence sur sa régularité. Dans ces conditions, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont suffisamment motivé leur jugement quant au caractère disproportionné de la sanction infligée à M. A.... Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. (...) ".
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. Pour annuler l'arrêté en litige, le Tribunal administratif de Paris a jugé que si M. A... avait commis une faute en tenant des propos menaçants envers son supérieur hiérarchique et en adoptant un comportement inapproprié et agressif, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de six mois, dont trois mois avec sursis, était disproportionnée au regard des faits reprochés.
L'AP-HP soutient que, eu égard à la gravité des faits commis par M. A... et à leurs conséquences sur la santé de son supérieur hiérarchique, à ses antécédents disciplinaires et alors que la sanction en litige visait à protéger les agents agressés en vertu de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et qu'elle avait déjà fait preuve de clémence à son égard, la sanction infligée à M. A... est proportionnée.
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance de la commission administrative paritaire (CAP) des personnels des services de soins et des services médico-techniques autres que ceux composant la CAP n° 11 réunie en conseil de discipline le
10 juillet 2018, que le 30 novembre 2017, à l'occasion d'une mise en place au service de restauration de l'hôpital, M. A... a tenu des propos menaçants envers son supérieur hiérarchique qui lui avait rappelé les consignes relatives au port du masque afin de respecter les règles d'hygiène en matière de restauration et l'a empêché de pénétrer dans le local de la chambre froide en se plaçant devant la porte de ce local. Ces faits, dont l'intéressé a reconnu la véracité lors d'un entretien avec le responsable du service de restauration, ont été confirmés par deux témoins. Le comportement inapproprié et agressif de M. A... envers son supérieur hiérarchique à la suite duquel ce dernier a été placé en congés pour accident de travail d'une durée de dix jours et de soins pour une durée de quinze jours en raison d'un risque psycho-social, constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.
8. M. A... a exercé, comme il a été dit, les fonctions de brancardier au sein de l'hôpital Lariboisière à compter de 2009 puis au sein de l'hôpital Tenon à compter de 2012, successivement en qualité d'agent contractuel et de fonctionnaire stagiaire avant d'être titularisé le 1er mars 2014. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est vu infliger, d'une part, un avertissement, en 2016, à la suite de sa demande insistante de délivrance d'un médicament auprès d'une infirmière en méconnaissance de la procédure prévue pour une telle demande et, d'autre part, un blâme, le
6 juin 2017, pour " comportement et propos inadaptés, non respect des consignes réglementaires et hiérarchiques, notamment du port de la tenue vestimentaire obligatoire qui nuit au bon fonctionnement du service et engendre une situation délétère au sein du service " et a également fait l'objet, à la suite de chacune de ces sanctions, d'un changement d'affectation dans l'intérêt du service dans un autre établissement hospitalier. Cependant, il ressort également des attestations de cadres de l'AP-HP des 19 avril 2010, 27 novembre 2012, 10 mars 2014 versées au dossier que les compétences et le comportement de M. A... donnaient globalement satisfaction à ses encadrants et que son attitude et sa maîtrise de soi lors d'une violente altercation avec un accompagnant d'une patiente le 21 novembre 2015 ont été particulièrement saluées. En outre, M. A... produit des courriers de soutien signés le 23 mai 2017 par dix de ses collègues de l'hôpital Trousseau et par seize de ses collègues du service de restauration de l'hôpital Saint-Antoine attestant du sérieux de son travail et des excellentes relations qu'il entretient avec ses collègues. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et malgré la gravité des faits commis par M. A... à l'encontre de son supérieur hiérarchique le 30 novembre 2017, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le directeur de l'AP-HP avait pris une sanction disproportionnée en prononçant à l'encontre de M. A... la sanction du troisième groupe de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 10 août 2018.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'AP-HP au titre des frais liés à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président-assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2022.
La rapporteure,
V. D... Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOLLa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20PA02490