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27/05/2021 | FRANCE | N°20PA02414

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 27 mai 2021, 20PA02414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Paris Tennis a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la convention, conclue le 12 janvier 2016, par laquelle le Sénat a confié l'exploitation des six courts de tennis situés dans le jardin du Luxembourg à la Ligue de Paris de Tennis, et d'enjoindre au Sénat, après avoir produit la convention en litige, de mettre en place une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution d'un marché d'exploitation des six courts de tennis situés dans le jardin du Luxembourg.

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r un jugement n° 1603843/3-3 du 16 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Paris Tennis a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la convention, conclue le 12 janvier 2016, par laquelle le Sénat a confié l'exploitation des six courts de tennis situés dans le jardin du Luxembourg à la Ligue de Paris de Tennis, et d'enjoindre au Sénat, après avoir produit la convention en litige, de mettre en place une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution d'un marché d'exploitation des six courts de tennis situés dans le jardin du Luxembourg.

Par un jugement n° 1603843/3-3 du 16 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 2 août 2017, la société Paris Tennis, représentée par

Me A..., a demandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 mai 2017 ;

2°) d'annuler la convention conclue le 12 janvier 2016, mentionnée ci-dessus ;

3°) d'enjoindre au Sénat, s'il ne renonce pas à la conclusion d'un contrat, de mettre en oeuvre une procédure de mise en concurrence pour l'attribution de la prestation dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge du Sénat une somme de 100 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a qualifié le contrat en litige de convention d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public, sans reconnaître qu'il comporte une délégation de service public, en omettant certaines clauses déterminantes ;

- la qualification à laquelle il s'est livré méconnaît le droit européen, notamment l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne rendu le 14 juillet 2016 dans l'affaire Promoimpresa Srl (C-458/14 et C-67/15) ;

- compte tenu de l'origine de l'activité se déroulant sur les courts de tennis, de l'intention des parties et des conditions d'exploitation de cette activité, ce contrat constitue une délégation de service public sportif impliquant une mise en concurrence ;

- même à supposer que le contrat constitue une convention d'occupation du domaine public, il aurait dû faire l'objet d'une mise en concurrence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2018, le Sénat, représenté par la SCP Lyon-Caen et D..., avocats aux Conseils, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Paris Tennis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, faute d'être accompagnée d'un bordereau des pièces produites, d'un fichier conforme aux prescriptions du 3° de l'article R. 414-3 du code de justice administrative et d'une copie du jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par la société Paris Tennis ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 24 juin 2019, la société Paris Tennis conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Elle demande en outre à la Cour, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la nécessité de mettre en oeuvre une procédure de mise en concurrence avant de conclure la convention en litige.

Elle soutient en outre qu'elle n'a pas eu communication de l'annexe 9 de cette convention.

Une note en délibéré a été présentée pour la société Paris Tennis le 10 juillet 2019.

Par un arrêt n° 17PA02728 du 10 juillet 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de la société Paris Tennis.

Par une décision n° 434582 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la société Paris Tennis, annulé cet arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par un nouveau mémoire, enregistré le 23 octobre 2020, le Sénat conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Paris Tennis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'activité sportive qui a fait l'objet de la convention en litige n'entre pas dans le champ des dispositions de l'article 12 de la directive du 12 décembre 2006 ;

- subsidiairement, ces dispositions ne sauraient recevoir application en l'absence de rareté des capacités techniques en cause, c'est-à-dire des courts de tennis disponibles à Paris ;

- l'obligation de mettre en oeuvre une procédure particulière de sélection doit également être écartée compte tenu du rôle particulier de la Ligue de Tennis de Paris, délégataire de la Fédération Française de Tennis, et de l'organisation générale de la pratique du sport ;

- le principe d'autonomie des assemblées parlementaires et le principe de séparation des pouvoirs consacré par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen constituent une raison impérieuse d'intérêt général justifiant la mise en place, par le Sénat, d'une procédure spécifique ;

- la société Paris Tennis n'est pas fondée à invoquer l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en l'absence d'un intérêt transfrontalier certain.

Le nouveau mémoire du Sénat a été communiqué à la société Paris Tennis et à la Ligue de Paris de Tennis qui n'ont pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 24 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

15 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, notamment son article 12 ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me D..., représentant le Sénat et les observations de M. B..., pour la société Paris Tennis.

La parole a été donnée à Me E... qui n'a pas souhaité présenter d'observations.

Une note en délibéré a été présentée pour la société Paris Tennis le 26 mai 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que le Sénat a conclu, le 12 janvier 2016, une convention d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public en vue de l'exploitation des six courts de tennis situés dans le jardin du Luxembourg par la Ligue de Paris de Tennis pour une durée de quinze ans. Par un jugement du 16 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Paris Tennis tendant à l'annulation de cette convention. Par un arrêt du 10 juillet 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Paris Tennis contre ce jugement. Par une décision du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la société Paris Tennis, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la détermination de la nature de la convention en litige :

2. La société Paris Tennis soutient, à l'appui de sa requête, que la convention conclue entre le Sénat et la Ligue de Paris de Tennis pour l'exploitation des six courts de tennis présents dans le jardin du Luxembourg constitue une délégation de service public, soumise de ce fait à une obligation de mise en concurrence.

3. Si l'article 1er de la convention en litige stipule qu'elle a pour " objectif de promouvoir et de développer dans le cadre de la FFT, une pratique et un enseignement sportif de qualité, largement ouverts à tous les publics du quartier, en s'appuyant notamment sur les associations et clubs présents sur le site ", un tel objectif ne suffit pas, à lui seul, à caractériser l'existence d'une mission de service public. En outre, si cette même convention stipule que le titulaire doit donner " à titre informatif " les caractéristiques détaillées du projet qu'il entend développer et qu'il est contraint de respecter des horaires et de maintenir un service minimum en cas de travaux, le Sénat ne s'est pour autant réservé aucun droit de contrôle sur la gestion même de l'activité sportive par la Ligue de Paris de Tennis, dont il ne détermine notamment pas les tarifs appliqués aux utilisateurs. Par ailleurs, aux termes de l'article 4.3 de la convention, le titulaire n'a également que l'obligation d'informer le Sénat de la répartition de l'utilisation des courts entre les clubs, les associations et les joueurs individuels. Enfin, si la mise à disposition d'équipements sportifs au profit d'associations privées et la présence d'un programme d'investissements visant à préserver la conformité de l'utilisation des installations sportives à l'exploitation du domaine public, permettent de valoriser ce domaine, ceci n'a pas pour objet de confier au cocontractant du Sénat la satisfaction d'un besoin de celui-ci que la Ligue de Paris de Tennis aurait intérêt à satisfaire.

4. Il résulte par ailleurs de l'ensemble des onze articles de cette convention que les seules annexes auxquelles ils renvoient, sont relatives aux plans des installations existantes, aux horaires d'ouverture et à la réglementation du jardin du Luxembourg, à la consistance et aux conditions de réalisation des travaux de rénovation des courts, ainsi qu'aux assurances à souscrire par l'attributaire. Dans ces conditions, la circonstance que certaines de ces annexes ne figureraient pas au dossier ou seraient incomplètes, est sans incidence sur la qualification du contrat.

5. Il ressort de tous ces éléments que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la convention en litige revêt le caractère d'une convention d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public, et non d'une délégation de service public.

En ce qui concerne l'absence de publicité préalable et de mise en concurrence :

6. Si l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, dispose que, sauf dispositions législatives contraires, la délivrance par l'autorité compétente d'un titre permettant à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique doit être précédée d'une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester, ces dispositions, applicables aux titres délivrés à compter du 1er juillet 2017, ne l'étaient donc pas à la date de signature de la convention contestée.

7. Aux termes des dispositions de l'article 12 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dont le délai de transposition expirait le

28 décembre 2009, visée ci-dessus : " Lorsque le nombre d'autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, les Etats membres appliquent une procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d'impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l'ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture ". Ces dispositions, relatives à la liberté d'établissement des prestataires, sont susceptibles de s'appliquer aux autorisations d'occupation du domaine public, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, aff. C-458/14 et C-67/15, y compris lorsqu'est en cause une situation dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l'intérieur d'un seul Etat membre, comme l'a jugé la Cour par son arrêt du 30 janvier 2018, College van Burgemeester en Wethouders van de gemeente Amersfoort contre X BV et Visser Vastgoed Beleggingen BV contre Raad van de gemeente Appingedam, aff. C-360/15 et C-31/16.

8. Si la société Paris Tennis soutient que ces dispositions auraient été méconnues en l'absence de procédure de mise en concurrence avant la signature de la convention en litige, cette méconnaissance, à la supposer établie, n'est pas susceptible, en l'absence de toute circonstance particulière alléguée par la société, d'entacher la convention d'un vice d'une particulière gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d'office.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction aux fins de production de l'intégralité des annexes au contrat en litige, ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, ni encore d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par le Sénat, la société Paris Tennis n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Sénat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Paris Tennis demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le Sénat sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Paris Tennis est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Sénat, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Paris Tennis et au Sénat.

Copie en sera adressée à la Ligue de Paris de Tennis.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mai 2021.

Le rapporteur,

J-C. C...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au président du Sénat en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02414
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN-THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-27;20pa02414 ?
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