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24/11/2021 | FRANCE | N°20PA01878

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 24 novembre 2021, 20PA01878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 9 993 013 francs CFP figurant sur un bordereau de situation du 4 mars 2015.

Par l'article 1er d'un jugement n° 1500402 du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé M. C... de l'obligation de payer les sommes figurant sur ce bordereau de situation relatives à la contribution des patentes des années 2002, 2003, 2006, 2007 et 2

008, à l'impôt sur les transactions des années 2002, 2006 et 2007, à l'impôt fo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 9 993 013 francs CFP figurant sur un bordereau de situation du 4 mars 2015.

Par l'article 1er d'un jugement n° 1500402 du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé M. C... de l'obligation de payer les sommes figurant sur ce bordereau de situation relatives à la contribution des patentes des années 2002, 2003, 2006, 2007 et 2008, à l'impôt sur les transactions des années 2002, 2006 et 2007, à l'impôt foncier des années 2002, 2003, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 et à la contribution de solidarité territoriale des activités non salariées au titre des années 2002, 2006 et 2007 et, par son article 2, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par les articles 1er et 2 d'un arrêt n° 16PA03227 du 23 mars 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement en tant qu'il a déchargé M. C... de l'obligation de payer les sommes figurant sur le bordereau de situation du 4 mars 2015 relatives à la contribution des patentes des années 2003, 2006, 2007 et 2008, à l'impôt foncier des années 2003, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010, à l'impôt sur les transactions des années 2002, 2006 et 2007 et à la contribution de solidarité territoriale des professions et activités non salariées des années 2002, 2006 et 2007, et rejeté la demande de M. C... tendant à la décharge de son obligation de payer les sommes relatives à ces impositions, et, par l'article 3 de cet arrêt, rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties.

Par une décision n° 421729 du 22 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. C..., annulé l'arrêt de la Cour du 23 mars 2018 en tant qu'il a statué sur l'obligation de payer de M. C... la contribution de solidarité sur les professions et activités non salariées portant la référence 35.2002.70.934, l'impôt foncier portant la référence 35.2003.56.12065 et la contribution des patentes portant la référence 35.2003.27.6334, et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires, enregistrés les 4 novembre 2016, 27 juin 2017 et

7 octobre 2020, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1500402 du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- les conclusions indemnitaires de M. C... ne sont pas recevables ;

- le moyen tiré de l'absence de qualité de redevable est inopérant ;

- l'action en recouvrement des sommes figurant sur le bordereau de situation du 4 mars 2015, notamment celles qui sont l'objet de la décision de renvoi, n'était pas prescrite.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 février 2017, 21 juin 2017, 26 août 2020 et 4 novembre 2020, M. C..., représenté par Me Arcus Usang, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la Polynésie française à lui verser les sommes de 83 741 euros en réparation de son préjudice financier et de 77 954 euros en réparation de son préjudice moral, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- le ministre n'a pas qualité pour faire appel d'un jugement en matière de recouvrement d'impositions relevant du code des impôts de la Polynésie française ;

- le signataire de la requête ne dispose pas d'une délégation de signature régulière ;

- la requête ne comporte pas de signature manuscrite et est tardive ;

- il n'est pas le redevable légal des impositions figurant sur le bordereau de situation ;

- il n'a pas été préalablement destinataire d'un titre exécutoire en application de l'article 711-2 du code des impôts de la Polynésie française ;

- les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés, notamment s'agissant des sommes qui sont l'objet de la décision de renvoi.

Par ordonnance du 14 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 16 novembre 2020.

Par un courrier du 20 octobre 2021, les parties ont été informées de ce que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, en application de l'article LP. 751 du code des impôts de la Polynésie française, du moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement, qui n'a pas été invoqué à l'encontre du commandement de payer du 22 mai 2008, premier acte de poursuite qui permettait de se prévaloir de ce motif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code des postes et télécommunications de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui exerce l'activité de loueur en meublé, a été assujetti à la contribution des patentes mise en recouvrement les 31 mai 2002, 31 mai 2003, 31 mai 2006, 31 mai 2007 et 31 mai 2008 pour des montants respectifs de 227 520 francs CFP, 227 520 francs CFP, 148 800 francs CFP, 148 800 francs CFP et 148 800 francs CFP, à l'impôt sur les transactions mis en recouvrement les 30 septembre 2002, 30 novembre 2006, 30 novembre 2006, 30 juin 2007, 31 juillet 2007, 30 septembre 2007, 30 novembre 2012 et 30 juin 2013 pour des montants respectifs de 703 587 francs CFP, 242 994 francs CFP, 332 179 francs CFP, 16 200 francs CFP, 379 746 francs CFP, 6 000 francs CFP, 6 333 francs CFP et 6 975 francs CFP, à la contribution de solidarité sur les professions et activités non salariées mise en recouvrement les 30 septembre 2002, 30 novembre 2006, 30 novembre 2006, 30 juin 2007 et 31 juillet 2007 pour des montants respectifs de 206 937 francs CFP, 85 436 francs CFP, 92 169 francs CFP, 5 400 francs CFP et 103 967 francs CFP et à l'impôt foncier sur les propriétés bâties mis en recouvrement les 31 juillet 2002, 12 août 2003, 30 septembre 2005, 31 juillet 2006, 31 juillet 2006, 31 juillet 2007, 31 juillet 2007, 31 octobre 2007, 31 juillet 2008, 31 juillet 2008, 31 mai 2009, 31 mai 2009, 31 mai 2009, 31 juillet 2009, 31 juillet 2010, 31 juillet 2011, 31 juillet 2012, 31 juillet 2013 et 31 juillet 2014 pour des montants respectifs de 1 366 875 francs CFP, 1 260 562 francs CFP, 860 625 francs CFP, 581 850 francs CFP, 135 000 francs CFP, 67 500 francs CFP, 581 850 francs CFP, 718 875 francs CFP, 67 500 francs CFP, 581 850 francs CFP, 297 675 francs CFP, 274 050 francs CFP, 217 350 francs CFP, 67 500 francs CFP, 67 500 francs CFP, 67 500 francs CFP, 67 500 francs CFP, 67 500 francs CFP et 67 500 francs CFP.

2. M. C... ne s'étant pas acquitté en totalité du paiement de ces impositions, dont l'essentiel a été laissé à sa charge après des dégrèvements partiels en matière d'impôt foncier, le payeur de la Polynésie française lui a réclamé, par un bordereau de situation du 4 mars 2015, le paiement de la somme de 9 993 013 francs CFP. Par une réclamation du 30 avril 2015, M. C... a demandé au payeur de la Polynésie française de le décharger de l'obligation de payer cette somme. Sa réclamation ayant été implicitement rejetée, M. C... a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la même somme. Par l'article 1er d'un jugement du 12 juillet 2016, le tribunal a déchargé M. C... de l'obligation de payer les sommes figurant sur le bordereau de situation relatives à la contribution des patentes des années 2002, 2003, 2006, 2007 et 2008, à l'impôt sur les transactions des années 2002, 2006 et 2007, à l'impôt foncier des années 2002, 2003, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 et à la contribution de solidarité territoriale des activités non salariées au titre des années 2002, 2006 et 2007 et, par son article 2, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par les articles 1er et 2 d'un arrêt du 23 mars 2018, la Cour a annulé ce jugement en tant qu'il a déchargé M. C... de l'obligation de payer les sommes relatives à la contribution des patentes des années 2003, 2006, 2007 et 2008, à l'impôt foncier des années 2003, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010, à l'impôt sur les transactions des années 2002, 2006 et 2007 et à la contribution de solidarité territoriale des professions et activités non salariées des années 2002, 2006 et 2007 et rejeté la demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par l'article 3 de l'arrêt, la Cour a rejeté le surplus des conclusions des parties. Par une décision du 22 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. C..., annulé l'arrêt de la Cour du 23 mars 2018 en tant qu'il a statué sur l'obligation de payer de M. C... la contribution de solidarité sur les professions et activités non salariées portant la référence 35.2002.70.934, mise en recouvrement le 30 septembre 2002, pour un montant restant dû de 214 919 francs CFP, l'impôt foncier portant la référence 35.2003.56.12065, mis en recouvrement le 12 août 2003 pour un montant de 1 428 216 francs CFP, et la contribution des patentes portant la référence 35.2003.27.6334, mise en recouvrement le 31 mai 2003 pour un montant de 257 780 francs CFP, et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la Cour.

Sur les fins de non-recevoir :

En ce qui concerne la qualité pour relever appel :

3. D'une part, les règles relatives à la réclamation préalable en matière fiscale qui font partie du contentieux de l'impôt ne sont pas détachables de la procédure administrative contentieuse qui, en vertu du 2° de l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, demeure une compétence de l'Etat. L'article 7 de la même loi organique prévoit que les dispositions législatives et réglementaires relatives à la procédure administrative contentieuse sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière. En outre, en vertu du 7° de l'article 14 de cette même loi organique, le " Trésor " est au nombre des matières qui relèvent de la compétence de l'Etat. Par ailleurs, en application des dispositions combinées des articles 64, 93 et 97 de la même loi organique, le Président de la Polynésie française nomme à tous les emplois publics de la Polynésie française, à l'exception du comptable public, agent de l'Etat, chargé de la paierie de la Polynésie française.

4. D'autre part, l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites ". Pour la Polynésie française, l'article LP. 750 du code des impôts de la Polynésie française dispose : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'autorité compétente dont dépend le comptable public. / L'autorité compétente est : / a) Le directeur des impôts et des contributions publiques si le recouvrement incombe au receveur des impôts de la direction des impôts et des contributions publiques ; / b) Le directeur des affaires foncières si le recouvrement incombe au receveur de l'enregistrement de la recette conservation des hypothèques ; / c) L'administrateur général des finances publiques (trésorier-payeur général) dans les autres cas ". Aux termes de l'article LP. 753 du même code : " Si aucune décision sur sa contestation n'a été prise dans le délai d'instruction par l'autorité administrative ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article LP. 750 dans un délai de deux mois (...). / La procédure juridictionnelle (...) doit être dirigée contre la Polynésie française si le recouvrement incombe au receveur des impôts de la direction des impôts et des contributions publiques ou au receveur de l'enregistrement de la recette conservation des hypothèques. Elle doit être dirigée contre le comptable public chargé du recouvrement dans les autres cas ".

5. Enfin, l'article R. 811-10 du code de justice administrative dispose que : " Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. / Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur ".

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'une procédure juridictionnelle relative au recouvrement d'impôts polynésiens par voie de rôle, portée devant le Tribunal administratif de la Polynésie française, doit être dirigée contre le comptable public chargé de la paierie de la Polynésie française qui est un agent de l'Etat. Il s'ensuit que le ministre chargé du budget est compétent pour interjeter appel du jugement rendu par ce tribunal administratif sur un tel litige. Il résulte de l'instruction, d'une part, que les impositions en litige dont le paiement est réclamé à M. C... sont recouvrées par voie de rôle et que leur recouvrement est assuré par le comptable public chargé de la paierie de la Polynésie française. D'autre part, par arrêté du 17 décembre 2015, le directeur général des finances publiques a donné, sur le fondement des articles 1er et 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, délégation à Mme B... A..., administratrice des finances publiques, pour signer les appels, formés devant la cour administrative d'appel de Paris par l'administration, concernant les litiges relatifs au recouvrement. Il s'ensuit que le ministre de l'économie et des finances avait qualité pour relever appel du jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 12 juillet 2016 et que son mémoire a été régulièrement signé par Mme A....

En ce qui concerne l'absence de signature manuscrite du recours :

7. Aux termes de l'article R. 414-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'elle est présentée par (...) une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants (...), la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet (...) ". Aux termes de l'article R. 414-2 du même code, dans sa rédaction applicable : " L'identification de l'auteur de la requête, selon les modalités prévues par l'arrêté mentionné à l'article R. 414-1, vaut signature pour l'application des dispositions du présent code. / Toutefois, lorsque la requête n'a pas fait l'objet d'une signature électronique au sens du second alinéa de l'article 1367 du code civil, le requérant ou son mandataire peut, en cas de nécessité, être tenu de produire un exemplaire de sa requête revêtu de sa signature manuscrite ". Aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte (...) Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".

8. Le recours du ministre a été adressé à la Cour administrative d'appel de Paris au moyen de l'application informatique dédiée mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative. Si M. C... se prévaut des dispositions de l'article 1316-4 du code civil, qui figurent désormais à l'article 1367 du même code, il n'établit ni même n'allègue que la signature électronique du recours faite en application de l'article R. 414-2 du code de justice administrative aurait été apposée par l'usage d'un procédé d'identification non fiable. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le présent recours serait irrecevable au motif que son signataire ne l'a pas revêtu d'une signature manuscrite.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours :

9. Aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre ". Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue ". En vertu des dispositions combinées des articles R. 421-7 et R. 811-5 du même code, le délai d'appel contre les jugements rendus par le Tribunal administratif de la Polynésie française est augmenté d'un mois. Enfin, il résulte des dispositions de l'article R. 751-8 du code de justice administrative que la notification d'un jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française est adressée dans tous les cas au Haut-commissaire et que seule cette notification fait courir le délai d'appel à l'encontre de l'Etat.

10. Si le ministre dispose, en application de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, d'un délai spécial pour faire appel des jugements rendus en matière de contentieux de l'établissement de l'impôt métropolitain, le délai d'appel qui lui est ouvert pour faire appel de la partie d'un jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française portant sur un contentieux relatif au recouvrement de l'impôt est en principe de trois mois à compter de sa notification au Haut-commissaire. Il ressort du dossier de première instance que le jugement attaqué n'a pas été notifié au Haut-commissaire de la République en Polynésie française mais seulement au payeur de la Polynésie française, le 19 juillet 2016, et comportait, en outre, l'indication erronée selon laquelle l'appel pouvait être exercé dans le délai spécial prévu par l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales. Dès lors, cette seule notification n'a pas été de nature à faire courir le délai d'appel à l'encontre de l'Etat. Par conséquent, le recours présenté par le ministre de l'économie et des finances, enregistré le 4 novembre 2016, était encore recevable à cette date. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. C..., tirée de la tardiveté de la requête d'appel, doit être écartée.

En ce qui concerne l'étendue du litige :

11. Ainsi que l'oppose le ministre, l'étendue du litige étant déterminée par la décision de renvoi du Conseil d'Etat du 22 juillet 2020, le litige qui oppose M. C... à l'Etat est définitivement réglé en ce qui concerne l'obligation de payer les sommes autres que celles qui font l'objet de cette décision. Les conclusions de M. C... tendant au rejet du recours en tant qu'elles concernent les sommes autres que celles qui font l'objet de la décision de renvoi sont par suite irrecevables.

Sur la prescription de l'action en recouvrement :

12. D'une part, l'article 719-1 du code des impôts de la Polynésie française dispose que : " Les comptables chargés du recouvrement qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire dans un délai de quatre années consécutives, à partir du jour de la date de mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement, perdent leur recours et sont déchus de tout droit et de toute action contre ce redevable. / Ce délai est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de dette, expresse ou tacite, ou par tous autres actes interruptifs précisés par le code civil. / Ce délai est suspendu dans tous les cas où le comptable se trouve dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, d'une convention ou d'un cas de force majeure et notamment, dans le cas de réclamations assorties d'une demande de sursis de paiement et de créances dues par les débiteurs publics ". Aux termes de l'article LP. 750 du même code : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'autorité compétente dont dépend le comptable public. L'autorité compétente est : a) Le directeur des impôts et des contributions publiques si le recouvrement incombe au receveur des impôts de la direction des impôts et des contributions publiques ; b) Le directeur des affaires foncières si le recouvrement incombe au receveur de l'enregistrement de la recette conservation des hypothèques ; c) L'administrateur général des finances publiques (trésorier-payeur général) dans les autres cas. Les contestations peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, à l'autorité dont dépend le comptable. Les contestations ne peuvent porter que : - soit sur la régularité en la forme de l'acte ; - soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'autorité compétente sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ". Aux termes de l'article LP. 751 de ce code : " Les contestations prévues à l'article LP. 750 doivent, sous peine de nullité, être présentées à l'autorité administrative du comptable compétent dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte de recouvrement si le motif invoqué est le vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans le délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif ".

13. D'autre part, l'article D. 151-2 du code des postes et télécommunications en Polynésie française dispose que : " La distribution postale est effectuée soit au bureau de poste, soit à domicile. Elle peut aussi être effectuée dans des boites installées par l'exploitant public sur le domaine public ou sur des propriétés privées, ou des points postaux ". Aux termes de l'article D.152-1 du même code : " La distribution au bureau de poste des objets postaux est effectuée soit au guichet, soit par dépôt dans une boite postale ou équipement postal visé à l'article D. 151-2 ". Son article 151-2 prévoit que : " Le délai d'instance des objets postaux est celui pendant lequel ces objets sont tenus à la disposition des destinataires. Ce délai, fixé par l'exploitant public, ne saurait excéder celui prévu par l'Union postale universelle. Il est rappelé aux intéressés par tout moyen approprié ". L'article 3 des conditions générales du service des boites postales Fare Rata précise que " un avis de retrait ou un avis se rapportant aux correspondances recommandées (...) est remis à l'abonné dans sa boite postale pour les envois dont la distribution nécessite la signature du destinataire ".

14. En cas de contestation de la notification à un contribuable d'un acte interruptif de la prescription de l'action en recouvrement, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte-tenu des modalités de présentation des plis recommandés dans les boîtes postales prévues par la réglementation postale polynésienne, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes de nature à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de dépôt de l'avis d'instance dans la boîte postale et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

15. Le ministre soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription de l'action en recouvrement n'était pas acquise s'agissant des sommes figurant sur le bordereau de situation du 4 mars 2015 et restant en litige. En ce qui concerne la contribution de solidarité territoriale des professions et activités non salariées portant la référence 35.2002.70.934, mise en recouvrement le 30 septembre 2002, il résulte de l'instruction que, par un chèque bancaire encaissé par le payeur de la Polynésie française le 17 mai 2004, M. C... a partiellement réglé, à hauteur de 19 539 francs CFP, le montant de cette imposition. Il ne résulte pas de l'instruction et, en particulier du premier avis à tiers détenteur figurant au dossier, établi le 17 août 2007, que cette somme aurait été versée à l'administration en exécution d'un avis à tiers détenteur. Dès lors, ce paiement doit être regardé comme une reconnaissance de dette interruptive de prescription. Par ailleurs, l'impôt foncier portant la référence 35.2003.56.12065 a été mis en recouvrement le 12 août 2003 et la contribution des patentes portant la référence 35.2003.27.6334 a été mise en recouvrement le 31 mai 2003.

16. Le ministre fait valoir que la prescription a été interrompue par un commandement de payer émis le 16 mai 2007. Toutefois, il résulte de l'instruction que si le pli recommandé qui contenait ce commandement de payer, adressé à M. C... à l'adresse de sa boîte postale qui était, à l'époque, la seule adresse connue de l'administration, indique la date d'envoi du 23 mai 2007 et celle de son renvoi à l'administration, le 11 juin 2007, avec la mention " non réclamé - retour à l'envoyeur ", il n'est assorti d'aucune indication justifiant de ce qu'un avis avait été déposé dans la boîte postale de M. C... pour l'avertir de la réception de ce courrier. Par suite, le commandement de payer du 16 mai 2007 n'a pas été régulièrement notifié à M. C... et n'a pas pu interrompre le cours de la prescription. Le ministre se prévaut également d'un avis à tiers détenteur émis le 17 août 2007 et délivré auprès de deux banques. Toutefois, il résulte de l'instruction que le pli recommandé qui contenait cet avis à tiers détenteur, adressé à M. C... à l'adresse de sa boîte postale, comporte des dates d'envoi et de renvoi à l'administration illisibles, a été retourné avec la mention " non réclamé - retour à l'envoyeur " et n'est assorti d'aucune indication justifiant de ce qu'un avis avait été déposé dans la boîte postale de M. C... pour l'avertir de la réception de ce courrier. Ainsi, la notification irrégulière de cet avis à tiers détenteur, qui est entachée des mêmes insuffisances que celle du commandement de payer du 16 mai 2007, n'a pas pu interrompre le cours de la prescription, à défaut d'avoir été régulièrement notifié tant au tiers détenteur qu'au redevable concerné.

17. Le ministre se prévaut également d'un commandement de payer du 22 mai 2008, adressé à M. C... à l'adresse de la même boîte postale. L'avis de réception du pli recommandé qui contenait ce commandement de payer, qui comporte une date de première présentation le 30 mai 2008 ainsi que le timbre du bureau de destination le 9 juin 2008, a été signé par son destinataire, au plus tard à cette dernière date. Même si la date de réception n'a pas été renseignée, ce commandement de payer a ainsi été régulièrement notifié, postérieurement à la période de quatre ans prévue à l'article 719-1 du code des impôts de la Polynésie française, décomptée à compter du paiement du 17 mai 2004 précité s'agissant de la contribution de solidarité territoriale des professions et activités non salariées portant la référence 35.2002.70.934, de la mise en recouvrement du 12 août 2003 s'agissant de l'impôt foncier portant la référence 35.2003.56.12065 et de la mise en recouvrement du 31 mai 2003 s'agissant de la contribution des patentes portant la référence 35.2003.27.6334.

18. A la suite du commandement de payer du 22 mai 2008, le ministre justifie de la notification régulière d'actes de poursuite qui ont de nouveau interrompu le cours de la prescription, notamment un avis à tiers détenteur du 1er septembre 2009, un commandement de payer du 19 novembre 2012, l'avis de réception ayant été signé par le destinataire le 6 décembre 2012, et un commandement de payer du 22 janvier 2014, l'avis de réception ayant été signé par le destinataire le 10 février 2014. Aucune nouvelle période de quatre ans sans acte de poursuite n'a ainsi couru après le commandement de payer du 22 mai 2008.

19. Dans ces conditions, le commandement de payer du 22 mai 2008 était le premier acte permettant d'invoquer la prescription de l'action en recouvrement prévue à l'article 719-1 du code des impôts de la Polynésie française. Il est par ailleurs constant que M. C... n'a pas présenté de réclamation préalable à l'encontre de ce commandement de payer, qu'il n'a pas contesté.

20. Lorsque le redevable d'une imposition se prévaut de la prescription de l'action en recouvrement, il soulève une contestation qui a trait à l'exigibilité de l'impôt. La prescription de l'action en recouvrement doit, en application des dispositions de l'article LP. 751 du code de la Polynésie française mentionnées au point 12, être invoquée à l'appui de la réclamation préalable adressée à l'administration compétente dans un délai de deux mois à partir de la notification du premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir.

21. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit aux points 15 à 20 que le moyen tiré de la prescription prévue à l'article 719-1 du code des impôts de la Polynésie française, qui n'a pas été invoqué à l'encontre du premier acte de poursuite qui permettait d'invoquer ce motif, soit le commandement de payer du 22 mai 2008, est irrecevable à l'appui de la contestation de l'obligation de payer la contribution de solidarité territoriale des professions et activités non salariées portant la référence 35.2002.70.934, l'impôt foncier portant la référence 35.2003.56.12065 et la contribution des patentes portant la référence 35.2003.27.6334.

22. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a accueilli le moyen tiré de la prescription pour décharger M. C... de son obligation de payer ces trois impositions.

23. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de la Polynésie française et la Cour.

24. D'une part, si M. C... soutient qu'il n'a pas été destinataire de titres exécutoires en application de l'article 711-2 du code des impôts de la Polynésie française, cette circonstance, à la supposer même établie, reste par elle-même sans incidence sur la possibilité du comptable public de poursuivre le recouvrement d'impôts perçus par voie de rôles. Ce moyen est inopérant et doit par suite, et en tout état de cause, être écarté.

25. D'autre part, le moyen par lequel un contribuable à l'encontre duquel le comptable public a poursuivi le recouvrement d'impositions établies à son nom soutient qu'il n'est pas le redevable légal de ces impositions est relatif au contentieux de l'assiette. Dès lors, il ne peut en tout état de cause pas utilement être présenté à l'appui d'une demande de décharge de l'obligation de payer.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé M. C... de son obligation de payer la contribution de solidarité territoriale des professions et activités non salariées portant la référence 35.2002.70.934, l'impôt foncier portant la référence 35.2003.56.12065 et la contribution des patentes portant la référence 35.2003.27.6334. Ce jugement doit ainsi être annulé dans cette mesure et les conclusions de première instance correspondantes rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

27. Ainsi que l'oppose le ministre, les conclusions de M. C... tendant à la condamnation de la Polynésie française à lui verser les sommes de 83 741 euros en réparation de son préjudice financier et de 77 954 euros en réparation de son préjudice moral sont nouvelles en appel et, par suite, doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500402 du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé en tant qu'il a déchargé M. C... de l'obligation de payer la contribution de solidarité territoriale des professions et activités non salariées portant la référence 35.2002.70.934, l'impôt foncier portant la référence 35.2003.56.12065 et la contribution des patentes portant la référence 35.2003.27.6334, figurant sur le bordereau de situation du 4 mars 2015.

Article 2 : La demande de M. C... tendant à la décharge de son obligation de payer les sommes relatives aux impositions mentionnées à l'article 1er et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. D... C....

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, au Haut-Commissaire de la République en Polynésie française et au trésorier général de la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2021.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20PA01878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01878
Date de la décision : 24/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SEP USANG CERAN-JERUSALEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-24;20pa01878 ?
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